Action surprise des agriculteurs de Côte-d’Or : ce lundi 9 décembre dans la soirée, ils ont muré les permanences parlementaires des députés de l’agglomération dijonnaise ayant voté la censure du gouvernement Barnier.
► MISE À JOUR 11h : ajout de l'échange entre Catherine Hervieu (NFP) et les agriculteurs devant sa permanence.
“Tenez vos promesses”, tagué en lettres capitales sur le mur de briques fraîchement érigé devant la permanence parlementaire de Pierre Pribetich, à Chenôve. Une action surprise, ce lundi 9 décembre dans la soirée, de deux syndicats agricoles, les Jeunes Agriculteurs et la FDSEA.
Pierre Pribetich, député socialiste - également conseiller municipal de Dijon - fait partie des 331 ayant voté la censure, faisant tomber le gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre dernier.
Ces députés ont “lâchement voté contre ce qui avait été mis en place”, estime Joffrey Brocard, des Jeunes Agriculteurs d’Is-sur-Tille. Il redoute que le blocage parlementaire, empêchant les réformes prévues par le budget 2025, ne “détruise l’agriculture française”.
Deux autres permanences ciblées cette nuit à Dijon
“L’objectif est de réagir vite, et pour cela il n’y a pas d’autre solution que de faire des actions ciblées.” Les députés ayant voté la censure “ne sont pas avec nous, donc on leur fait comprendre qu’on ne va pas les soutenir”, ajoute Joffrey Brocard.
Après la permanence de Pierre Pribetich, les JA et la FDSEA sont allés murer celles de Catherine Hervieu et d’Océane Godard, députées du Nouveau Front Populaire ayant elles aussi voté la censure.
Les agriculteurs comptent rester mobilisés dans les jours à venir et annoncent déjà “des actions plus générales dès mercredi” 11 décembre. “On va rester présent tant qu’on n’aura pas de réponses à nos questions”, promet Joffrey Brocard.
Les députés visés se défendent
Devant la permanence de Catherine Hervieu (NFP), les agriculteurs ont eu la surprise de tomber sur la députée, qui venait récupérer son vélo et n'était pas au courant de l'action. Les deux parties ont discuté.
- "Au-delà de notre cas, c'est légitime pour la population globale", explique un agriculteur. "Le fait d'avoir voté la motion de censure, ça nuit au peuple français pour des histoires de politique !"
- "Non, je ne peux pas vous laisser dire ça", réagit l'élue. "La motion est quand même une possibilité prévue par la Constitution. Je vous dis clairement les choses : par rapport au travail parlementaire qu'on avait porté de façon transpartisane, et notamment pour les agriculteurs, il a été balayé d'un revers de main par le 49.3", se défend Catherine Hervieu.
- "Oui, d'accord, mais il y a un ras-le-bol politique général, gouvernement ou parlementaires", répond un agriculteur. "Bref : on va vous faire un joli petit mur et on se reverra. Bien évidemment, on va demander des explications, et surtout voir comment on va faire, voir si on aura un Premier ministre et réintégrer ces mesures."
Après le départ des agriculteurs, Catherine Hervieu s'est confiée à France 3 : "C'est l'expression d'une colère qui est là depuis très, très longtemps et qui n'a pas été entendue." Le murage de sa permanence parlementaire ? Elle ne s'y oppose pas, "à partir du moment où ca se fait sans violence, que ça ne va pas plus loin". "Maintenant il va falloir entrer dans le vif de ce qu'attendent les agricutleurs, parce que dans leur diversité, leurs situations ne sont pas du tout les mêmes."
"Je ne comprends pas cette attitude", déplore pour sa part Pierre Pribetich qui a réagi dans une vidéo postée sur les réseaux. Le député socialiste dit être venu à 20 heures pour dialoguer avec les agriculteurs, mais ceux-ci étaient déjà partis. Il "déplore" que le centre communal d'action sociale (CCAS), dans le même bâtiment que la permanence, soit "emmuré alors qu'il est au service du public".
Sur le fond, Pierre Pribetich rappelle avoir tendu la main aux agriculteurs. "Je les avais préalablement invités à mes réunions publiques. La promesse que j'ai faite, c'est de défendre toutes les catégories au sein de l'Assemblée Nationale, notamment les agriculteurs. La crise agricole existe. Avec mes collègues socialistes j'ai porté des améliorations lors du débat budgétaire, permettant ainsi d'être dans une démarche positive." Il plaide pour un retour "à un débat et à un dialogue apaisé".
"Si j'ai de la compassion, de la compréhension et surtout l'envie d'agir pour nos agriculteurs [...] la colère ne justifie pas ces actes", écrit pour sa part Océane Godard, députée du Nouveau Front Populaire. Sa permanence, près de la place de la République à Dijon, a subi le même sort, murée et taguée dans la nuit.
Et les autres députés ?
La Côte-d'Or compte deux autres députés : Hubert Brigand (Les Républicains) dans le Châtillonnais, et René Lioret (Rassemblement National) dans le sud-département.
Hubert Brigand n'a pas voté la motion de censure, et ne devrait donc pas être ciblé par les agriculteurs. En revanche, René Lioret a voté la censure. Pour l'instant, il n'a pas été visé par les actions des agriculteurs. Mais lundi soir, les agriculteurs assuraient : "Ça va se faire à Beaune aussi."
► Avec Alexandre Debray