Sur les réseaux sociaux, ils sont de plus en plus nombreux. Des médecins aussi créateurs de contenu, cumulant plusieurs milliers d’abonnés... qui vont désormais devoir se conformer aux "bonnes pratiques" listées dans une charte co-créée par une médecin dijonnaise. Une manière, aussi, de mettre fin à des comportements parfois contraires à la déontologie.
"La récréation est terminée" : c’est par ces mots que Romain Thevenoud, président du Conseil départemental de Côte-d’Or de l’Ordre des médecins, accueille la toute nouvelle charte des bonnes pratiques du médecin suivi sur les réseaux sociaux.
Présentée le jeudi 16 janvier 2025, elle établit 10 principes à destination de ceux qui ajoutent, à leur blouse blanche, la casquette de créateur de contenu. Les médecins identifiés comme tels sur les réseaux doivent donc, entre autres, "délivrer du contenu pédagogique sur des thématiques de santé" et ont interdiction de faire la promotion d’un produit ou de leur pratique médicale.
Certains internautes "pas dans les clous"
Objectif : étendre le code de déontologie des médecins à l’environnement numérique, jusque-là un angle mort de l’Ordre national. Car sur les réseaux, les contenus de santé prolifèrent depuis le Covid.
S’"il y a du bon là-dedans", à l’image de ces jeunes médecins qui "ont une volonté forte de faire disparaître les fake news", concède Romain Thevenoud, il y a aussi des pratiques à surveiller. Avec ses équipes, le président de l’Ordre de Côte-d’Or épie régulièrement les réseaux sociaux, traquant des publications parfois répréhensibles, comme des "codes promo sur des actes de médecine esthétique, par exemple".
Voir cette publication sur Instagram
Des publications problématiques qu’a pu aussi identifier Nawale Hadouiri, une jeune médecin et créatrice de contenu dijonnaise, qui a travaillé sur la création de la charte. "On a vu des défaillances, notamment d’étudiants en médecine, d’internes et probablement même de médecins qui ne sont pas totalement dans les clous. J’ai pu en voir afficher des codes promo pour des compléments alimentaires ou je ne sais quoi…", s’insurge celle qui fait régulièrement des posts dénonçant "ce qu’elle ne veut plus voir" comme contenu médical sur les réseaux sociaux.
▶ À LIRE AUSSI : PORTRAIT. "On n’est pas là pour faire le buzz" : le combat de la médecin dijonnaise Nawale Hadouiri, créatrice de contenu sur les réseaux sociaux
Quand on est un médecin sur les réseaux sociaux, on a des responsabilités, qui sont la prolongation du code de déontologie.
Nawale Hadouiri, médecin et créatrice de contenu dijonnaise
En Bourgogne, l’influenceur et désormais médecin Timothée Moiroux a retenu son attention. Il avait raconté, lors d’un podcast filmé, avoir conseillé à une mère de "taper" son enfant "super mal élevé" lors d’une consultation. Ces propos avaient indigné la sphère médicale sur les réseaux sociaux, comme nous vous le relations dans cette série d’articles.
▶ À LIRE AUSSI : ENQUÊTE (1/2). Qui est Timothée Moiroux, l’interne en médecine à Dijon qui conseille aux patients de "taper" leurs enfants ?
Voir cette publication sur Instagram
"La blouse de docteur, on l’a tout le temps, remet Romain Thevenoud. Donc il faut utiliser ces moyens de communication car ils sont essentiels, mais il faut le faire correctement. Des institutions comme la nôtre doivent veiller à ce que nos professions ne tombent pas dans la caricature."
Le président de l’Ordre de Côte-d’Or salue donc la création d’une charte qui lui paraissait "nécessaire".
À un moment, il fallait bien dire : « Sachez que l’ordre vous regarde tout autant sur les réseaux que dans votre pratique ».
Romain Thevenoudprésident du Conseil départemental de Côte-d’Or de l'Ordre des médecins
Si cette charte est "préventive" et non punitive, elle pourra tout de même servir d’appui pour sanctionner des comportements problématiques sur internet, affirme-t-il.
Être identifiable en tant que docteur
Car en tant qu’internaute, il est parfois difficile de s’y retrouver face à l’afflux de publications. Pour mieux identifier le contenu santé fiable et sourcé, Romain Thevenoud conseille de vérifier la mention de "docteur" dans la présentation du compte. "Il faut regarder la présentation. Le médecin a besoin d’avoir quelque chose qui représente, comme la blouse. Ensuite, un contenu santé doit s’appuyer sur des résultats d’études de grandes revues médicales." À éviter, selon lui : les comptes proposant aussi du contenu "lifestyle", s'éloignant des thématiques de santé, ou des collaborations commerciales.
▶ À LIRE AUSSI : INTERVIEW. Les médecines alternatives, "au mieux c’est extrêmement optimiste, au pire c’est farfelu et mensonger"
"Énormément de charlatans"
Enfin, Nawale Hadouiri pointe du doigt les contenus flirtant avec la frontière du médical. Ceux qui vantent des "traitements ou des promesses miracles, et ceux qui poussent à s’éloigner des traitements médicaux usuels" : "Ce n’est pas du contenu qui est censé représenter le monde de la santé, il faut être très précautionneux sur tout ce qui est soins non conventionnels, car il y a énormément de charlatans."
Et de rappeler : "Les contenus sur les réseaux sociaux, c’est bien. Mais rien ne remplace les soins médicaux de la vie réelle."