C'est une idée étonnante et un sacré défi. La semaine prochaine, à Dijon (Côte-d'Or), une expérimentation va être menée par des scientifiques et des vignerons. Ils vont immerger des bouteilles dans le réservoir d'eau potable de la ville. Le vieillissement du vin sera étudié pendant 10 ans.
Il y a ceux qui voudraient changer l’eau en vin. Et il y a ceux qui plongent le vin dans de l’eau pour le conserver. Une expérimentation a été présentée ce vendredi 24 janvier. Menée par la métropole de Dijon (Côte-d’Or), elle durera dix ans.
Le principe : 40 bouteilles de vin sont placées au fond du réservoir en eau potable de la ville, sous la place Darcy. L’expérience va débuter la semaine prochaine et devrait permettre d’évaluer les effets et l’impact de la conservation sous l’eau. Dans le même temps, un autre échantillon de bouteilles sera placé en cave. Les différents échantillons seront alors comparés une fois par an.
40 bouteilles, 4 références de vin
Au cœur du réservoir Darcy, construit en 1840, quatre références de vin. Les bouteilles seront conservées dans des conditions égales à celles que l’on retrouve dans une cave. Température ambiante : de 13 à 14 degrés. 2 300 mètres cube d'eau seront nécessaires.
Manuel Olivier a prêté des bouteilles de Pinot noir et de Chardonnays pour l’expérimentation. "C’est une opportunité pour moi. J’ai trouvé ça sympa de participer à une éventuelle évolution scientifique. Je trouve ça génial, je suis tout content", confie-t-il un grand sourire aux lèvres.
Peut-être que dans 20 ans, il y aura 100 000 bouteilles qui vieilliront dans le réservoir Darcy. C’est un fil que l’on tire, on verra ce qu’il en ressort. Ce n’est pas une bouteille à la mer, mais dans le réservoir !
Manuel Olivier, viticulteur
Le projet implique donc des viticulteurs locaux, mais aussi des scientifiques et chercheurs dijonnais. Chaque année, lors de la vidange technique du réservoir Darcy, des analyses seront menées sur les bouteilles immergées. A la baguette : les experts du Centre des sciences du goût et de l’alimentation mais également ceux de l’Institut de la vigne et du vin.
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"Notre travail, ça va être de prélever ces bouteilles et d’analyser. L’idée, c’est de partir d’une page blanche. L’immersion dans l’eau est-elle un phénomène de mode ? Ou est-ce qu’il y a des faits scientifiques qui montrer une différence avec un élevage en cave ? Les études votre être assez courtes. Un à deux jours", décrit Carole Tournier, responsable du Centre des sciences du goût et de l’alimentation.
En Haute-Savoie et en Bretagne, une pratique déja expérimentée
Immerger des bouteilles dans de l’eau, c’est une grande première à Dijon. Mais d’autres expérimentations ont été menées en France. Mais comment est née cette idée originale ? Il y a 20 ans, des bouteilles de champagne ont été retrouvées dans une épave en pleine mer Baltique. Après un siècle sous l’eau, les spiritueux étaient encore très bons.
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Depuis, des sociétés ont étudié le procédé. Une entreprise bretonne mène actuellement un projet d’étude sur l’influence de l’immersion du vin dans l'eau, en lien avec l'institut universitaire de la vigne et du vin de Bourgogne. "Nos résultats tendant à démontrer que l’immersion aurait plutôt un effet de ralentissement de l’évolution du vin. Et les modifications, s’il y en a, sont extrêmement subtiles", indique Régis Gougeon, œnologue.
Au lac Léman, en Haute-Savoie, des viticulteurs produisent du rouge en plongeant les bouteilles à 36 mètres de profondeur. Quatre ans d’immersion dans l’eau. Et à l’arrivée, des vins plus minéraux, l’air ne venant pas réveiller les tanins.
De son côté, le producteur dijonnais Manuel Olivier espère des résultats probants plutôt pour ses vins blancs. "J’ai plus d’attente et d’espoir pour les blancs. Ils sont plus fragiles, le vieillissement, l’oxygène, c’est pour difficile pour eux". Encore 10 ans de patience pour avoir les résultats de toutes ces expérimentations.