À 43 ans, Hamid Asseila est aujourd'hui un producteur de spectacles et de festivals reconnu en France. Pourtant, l'ascension du natif de Dole (Jura) n'aura pas été linéaire. L'ancien ouvrier nous raconte son parcours unique dans le monde de la culture.
Depuis quelques années, la Bourgogne-Franche-Comté a vu naître de grands événements culturels novateurs, à la portée nationale. À côté des festivals de musique locaux déjà implantés, Besançon (Doubs) accueille depuis trois ans Drôlement Bien, le plus grand festival d'humour de France, dont l'édition 2025 bat son plein (du 16 au 19 janvier).
Et en septembre 2024, le festival Golden Coast, première manifestation musicale française exclusivement consacrée au rap, a vu le jour à Dijon (Côte-d'Or) et remettra le couvert cette année.
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À l'origine de ces deux nouveaux rendez-vous culturels, on retrouve la volonté d'un homme pour entreprendre, innover et animer culturellement un territoire : celle d'Hamid Asseila. À 43 ans, celui qui a grandi à Dole (Jura) aux côtés d'un papa algérien et d'une mère jurassienne est le créateur et directeur de NG Productions [NG pour "Nouvelle Génération, NDLR], une entreprise de production de spectacles née en 2006 et basée à Besançon.
Une passion pour la musique et une soif d'entreprendre
Hamid Asseila est aujourd'hui un nom qui compte dans la production et la programmation de spectacles en France. Son entreprise NG Productions s'occupe de plus de 200 spectacles par an, ses festivals (Drôlement Bien et le Golden Coast) ont su convaincre les spectateurs et s'inscrivent dans la durée. Si tout roule désormais, l'enfant de la cité Saint-Germain, à Dole, a connu des échecs et des doutes tout au long d'un parcours qui sort de l'ordinaire.
Après une enfance "où il rêvait d'être avocat" et "avait découvert la musique dans son quartier grâce à des associations culturelles", le jeune Hamid connaît un premier choc lorsqu'il est orienté "contre son gré" dans une filière professionnelle, en mécanique. Résultat, l'adolescent est viré de son établissement scolaire.
Devant l'ultimatum paternel, qui "m'a demandé de trouver du travail ou de faire mes valises" raconte le producteur, Hamid Asseila enchaîne alors les petits boulots à l'usine pendant deux ou trois ans. Avec un premier projet culturel en parallèle.
À 17-18 ans, j'étais passionné par la musique techno-electro. J'ai monté une asso avec des copains, où j'étais DJ, et on organisait des soirées à Dole dans des endroits insolites. J'adorais cette idée d'organiser des événements dans des lieux improbables, de faire venir du public.
Hamid Asseila
"Je me disais : "ces personnes qui dansent là, elles sont là grâce à ton travail et tu en es responsable". J'ai gardé cette magie en tête" se souvient-il. La graine du futur producteur et programmateur de spectacles est plantée. Lorsqu'en 2006, son association de potes explose, Hamid décide alors de tout quitter pour créer seul NG Productions, qui deviendra son activité à temps plein.
"J'ai perdu toutes mes économies en une soirée"
"Il fallait vivre pour sa passion" confesse-t-il. "J'y suis allé avec insouciance, mais avec conviction, tête baissée. Je contactais les artistes et leurs agents via internet, au culot. Pour mon premier concert, j'ai programmé le groupe de rap 113, très connu à l'époque, à La Commanderie de Dole. J'avais 25 ans et j'ai misé toutes mes économies. Et j'ai tout perdu, plus de 11 000 euros, en une soirée".
Après une nuit blanche, j'avais deux choix. Tout arrêter, et continuer. J'ai continué car j'y croyais. 2ᵉ concert, j'ai emprunté à ma famille, j'ai perdu cet argent. 3ᵉ concert, j'ai emprunté à mes amis, j'ai perdu cet argent. Au 4ᵉ spectacle, enfin, j'ai été en bénéfice. Ça m'a prouvé que je pouvais réussir.
Hamid Asseila
Le jeune homme continue alors son chemin, "travaillant plus de 10 heures par jour tous les jours" malgré les difficultés financières et à force d'abnégation. C'est seulement en 2010 que NG Productions arrive à se stabiliser, avant une explosion en 2011 grâce à "l'arrêt de plusieurs concurrents. Donc grâce à un peu de chance, mais aussi beaucoup de travail".
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"Un des métiers les plus risqués financièrement"
D'ailleurs, quel est le quotidien d'un producteur de spectacle, métier mystifié par le grand public, qu'on imagine proche du show-biz et de tous ses excès ? "On est loin de cela aujourd'hui" souri Hamid Asseila. "La plupart du temps, c'est un métier d'administration, de production, de comptabilité, de communication, de fiscalité. On passe beaucoup de temps devant des tableaux Excel, car il y a des grosses sommes en jeu. Il y a aussi une part de curiosité artistique à avoir pour repérer des nouveaux profils".
C'est l'un des métiers les plus risqués financièrement, avec beaucoup de stress. Il faut investir des grosses sommes sur un événement où on ne maîtrise pas tous les paramètres. On est dépendant de la billetterie et il peut y avoir tellement de choses qui peuvent éloigner le public.
Hamid Asseila
Ce métier qui le passionne depuis l'adolescence, Hamid Asseila a accepté de nous le raconter en longueur pendant plus de 30 minutes sur les planches du Scènacle, un théâtre bisontin qu'il dirige depuis plus de 10 ans et où il nous avait donné rendez-vous.
Enfance, adolescence difficile, début dans la production, importance de croire en ses rêves, gestion de l'argent, quotidien d'un producteur de spectacles, découverte de Moha La Squale, rencontre avec Soprano, Elton John ou Renaud... Hamid Asseila a répondu à toutes nos questions.
Une interview préparée par Antoine Comte, avec la complicité de Jean-Michel Bohé, Alexis Viloin, Bruno Pardillos, Jean-Philippe Perret, Marie Loir, Karl Monnin et Morgane Hecky.
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