Découvert par le grand public en 2020 au moment de l'affaire Jonathann Daval, dont il était l'avocat, Randall Schwerdorffer a le verbe fort et est aussi à l'aise sur un tatami que face à une audience de tribunal. Vie scolaire chaotique, voyages initiatiques, soutien à Gérard Depardieu et à la présomption d'innocence, goût de la réussite, l'homme à la robe noire se dévoile.
D'abord, des chiffres, un peu comme des statistiques sportives. Depuis le début de sa carrière en 2001, Randall Schwerdorffer a plaidé dans plus de 140 dossiers criminels, dont près de 130 en défense et obtenu 25 acquittements.
Il aime les arts martiaux et collectionne les stylos de luxe qu'il s'offre après chaque acquittement. Il a raccroché deux fois au nez de Gilbert Montagné quand il était étudiant et rêve de finir sa vie en vendant des poulets Boucané sur une plage de Saint-François, en Guadeloupe. Il serait aussi tout à fait d'accord pour s'occuper de la défense de Gérard Depardieu si l'acteur l'appelait.
Parler avec Randall Schwerdorffer, c'est accepter la joute verbale. Ce n'est pas un combat, pas forcément, mais c'est en tout cas un échange qui peut être musclé en fonction des thématiques. La liberté de parole, placée au-dessus de tout. La loi, plus forte que la morale. Dire ce qu'on pense et tant pis si ça choque. Théorie du genre, féminisme, wokisme…On le soupçonnerait presque d'être contre pour ne pas avoir à être pour.
Et est-ce vraiment étonnant, de la part d'un avocat qui reconnaît ne pas avoir l'empathie nécessaire pour assister les parties civiles, leur préférant la défense des accusés ?
Moi, ce qui m'intéresse dans un procès, c'est un peu comme dans un Kumite (un combat de karaté, NDLR), c'est d'être en défense. C'est ça qui m'intéresse le plus. Être partie civile, être du côté de l'Institution, n'est pas quelque chose qui me motive intellectuellement.
Randall Schwerdorffer, Avocat
Mais si le pénaliste de 54 ans aime lancer des perches sur des thèmes de société et se faire l'avocat du diable, il se met aussi à nu quand il évoque une jeunesse compliquée en région parisienne, quand il revendique sa soif de réussite façon Bernard Tapie ou quand il évoque l'affaire judiciaire qui concerne un de ses enfants.
Avocat, un métier où l'on perd souvent
À la tête du plus gros cabinet d'avocats de Besançon, c'est dans son bureau qu'il reçoit l'équipe de France 3 Franche-Comté pour cette interview. La décoration du lieu ? Un sabre, une balance de la justice, des photos et dessins d'audiences, une tête de taureau ibérique. Et cette boîte de beaux stylos.
Randall Schwerdorffer aime s'en offrir un, d'une célèbre marque de luxe, à chaque acquittement de son client. Il vient d'en obtenir un 25ᵉ quelques jours plus tôt. Il va donc falloir repasser en boutique.
25 acquittements, sur environ 140 procès, le métier d'avocat n'est pas celui aux taux de réussites les plus importants du marché de l'emploi.
C'est ce que j'explique à mes collaborateurs. Entraînez-vous plutôt à encaisser les échecs plutôt que les succès, parce que ça, c'est facile. On a beaucoup plus d'échecs que de succès dans notre métier, il faut l'accepter.
Randall Schwerdorffer
La première injustice à laquelle l'homme de loi a été confronté s'est passée sur un banc, celui d'un collège de la région parisienne dans les années 80, lors d'un jour de rentrée qui suivait une nouvelle affectation du papa militaire. Un groupe qui déloge violemment le garçon nouveau venu, des coups et de l'intimidation. La jeune victime se fera la promesse de ne plus se laisser faire et trouvera dans les arts martiaux la solution pour gagner en répartie.
Une scolarité chaotique, avec plusieurs redoublements, avant un départ salvateur de la famille pour Draguignan. Le bac en poche et après une inscription avortée à la fac de lettres, "parce qu'il n'y avait pas de voyages prévus en LEA". Randall Schwerdorffer n’éprouvera pas d'autre envie que de voyager et partira vivre et travailler en Espagne, avant de se fiancer à une Irlandaise et d'aller y passer quelque temps. Il rentre sur Besançon, sans la fiancée et s'inscrit en Droit.
Comme je n'avais aucune vocation et que très peu d'ambition, le droit me paraissait être le meilleur endroit pour obtenir un diplôme. Parce que ce qui m'intéressait, c'était d'obtenir une Maîtrise, pour ensuite accéder à des postes mieux payés.
Randall Schwerdorffer
Pour financer ses études, il trouve une place de nuit dans un hôtel haut de gamme de Besançon. Tous les week-ends, l'étudiant est "night auditor" à l'hôtel Altea et veille sur les clients. Des rencontres parfois étonnantes, comme avec l'occupant d'une chambre qui l'appelle trois fois pour commander un petit-déjeuner et à qui Randall Schwerdorffer demande de remplir la petite fiche dans la chambre avant qu'au troisième appel la personne explique être Gilbert Montagné.
L'année suivante, on lui propose de faire mannequin pour défilés. 800 francs par représentation, c'est ce qu'il fera pendant son année de Maîtrise.
"Je n'ai pas de modèle. Et je ne veux pas être un modèle."
Aux yeux du grand public, Randall Schwerdorffer est l'avocat de Jonathann Daval, qu'il a défendu lors de son procès pour le meurtre de son épouse, Alexia. Il est également le défenseur de l'anesthésiste bisontin Frédéric Péchier, accusé d'empoisonnements, dont le médiatique procès se tiendra à la fin de l'année 2025.
Des combats de prétoires qui donnent un poids médiatique à l'avocat, désormais chroniqueur pour la chaîne BFM TV et qui aime autant les plateaux télés qu'il s'en méfie. Une médiatisation qui lui permet aussi de faire passer ses messages et de se positionner sur des thématiques de société clivantes. Notamment sur le mouvement #Metoo, depuis une passe d'armes en 2020 avec Marlène Schiappa, à l'époque secrétaire d'État à l'égalité femmes-hommes. Et de plaider le droit à dire ce qu'on pense, tant que cela ne tombe pas sous le coup de la loi.
C'est l'époque qui a une difficulté. Moi je suis très libre dans mes propos. Je ne suis pas du tout sensible aux courants Woke ou Néo-féministes, ça ne m'intéresse pas. Je pense que la liberté de parole, il faut la conserver. Je dis ce que je pense, je l'étaie, j'argumente mais je l'assume.
Randall Schwerdorffer
L'avocat joue son jeu, reste droit dans ses bottes, assume et même revendique de ne pas plaire à tout le monde. Il donne aussi dans cette interview des conseils aux futurs avocats et montre quelques réalités d'un métier qui nourrit des fantasmes.
Une interview préparée par Clément Jeannin, avec la complicité de Azouz Chaa, Pierre Mayayo, Romuald Piniac, Xavier Beisser, Mathieu Hullar, Léa Gutleben et Morgane Hecky.