Il y a deux ans, Azad, 15 ans, est tué durant une fusillade dans le quartier de Planoise, à Besançon (Doubs). Depuis, rien. La famille de l'adolescent fait face à un mutisme judiciaire qu'ils ne comprennent pas. Sa maman témoigne.
Ce 17 décembre 2022, la maman d’Azad s’en souvient comme si c’était hier. Ce jour-là, il faisait froid. Aux alentours de 13h30, alors qu'elle faisait ses courses, son téléphone ne cesse de sonner. Elle reçoit plusieurs appels sur son portable. Des voisines. À l’autre bout du fil, la sentence tombe : "Il y a eu une fusillade à Planoise, et ton fils était là-bas. Va tout de suite aux urgences." Le corps et le cœur lourd, elle s’y rend. Son fils de 15 ans est mort, d’une balle dans le cœur. Depuis ce triste jour, rien. "On se dit qu’on est en France, qu’il y a une justice. Et au bout de deux ans, on se rend compte que rien ne bouge. On veut la justice pour notre fils", lâche-t-elle, fermement.
Vengeance sur fond de trafic de drogue
La veille des faits, un autre jeune homme de 15 ans a été visé et blessé à la cuisse par des tirs. Deux scooters l’ont pris pour cible à proximité d’un point de deal. Durant leur fuite, l’un des conducteurs des deux-roues chute, abîmant ainsi le rétroviseur de son véhicule. Le tireur, à l’arrière, perd quant à lui une basket. La fusillade du lendemain, qui ôtera la vie d’Azad, s’apparente à une vengeance.
Avec un ami, avec lequel il avait renoué contact depuis quelques semaines grâce au foot, Azad se trouve sur un parking. Il semblerait que ce soit le jeune homme qui l’accompagnait qui était visé.
Sur la victime, une télécommande de garage est retrouvée. Cette dernière permet de lier les deux événements. En effet, elle ouvre un garage souterrain dans lequel deux scooters, un fusil à canon scié, une paire de chaussures sont découverts. L’un des scooters n’a plus de rétroviseur droit. Le jeune homme encore vivant, dont le téléphone comporte des photos des deux roues et du fusil, avoue se livrer à la revente de drogue depuis peu. Il a été condamné depuis. La mère d'Azad affirme ne pas avoir eu connaissance que "la connaissance" de son fils était connue des services de police. "On était une famille banale. Ce ne sont pas des enfants qu’on lâchait dans la rue, ils sont scolarisés dans un établissement scolaire privé", assure la maman, avec l'impression de toujours devoir se justifier.
"L’espoir, c’est la seule chose qu’il me reste"
Les derniers instants de vie d’Azad ont été filmés par une inconnue, qui a diffusé la vidéo sur un réseau social crypté. "Mes deux enfants, de 11 et 16 ans, l’ont vue. On le voit, une balle dans le cœur, tomber par terre et se vider de son sang". Malgré tous ces éléments, malgré les caméras de vidéosurveillance, il n’en est rien. "Plus de deux ans se sont écoulés, et il n’y a aucun élément probant qui permet d’identifier le tueur", livre Me Kabbouri, avocate de la famille.
Je dois expliquer à une famille qu’on n’a toujours pas trouver le nom de l’assassin de leur fils de 15 ans qui a été exécuté en plein jour par arme à feu.
Me Kabbouri, avocate de la famille
La famille a la sensation d’avoir été mise de côté. Pourtant, elle livre encore tous ses espoirs au procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux. Elle a pu d'ailleurs rencontré ce dernier en décembre 2024. "L’espoir, c’est la seule chose qu’il me reste", lâche la maman d’Azad.
La famille regrette également de ne pas avoir été accompagnée dans cette terrible épreuve.
Le 17 décembre 2022, notre fils est mort, mais nous aussi, on est décédé ce jour-là. Je voudrais que la justice fasse beaucoup plus pour les gens comme nous.
Maman d'Azad, tué lors d'une fusillade
"Nous, on doit se justifier, on nous regarde, on essaie d’expliquer. On est des victimes endeuillées et complètement anéanties", ajoute Mme Budak. Depuis deux ans, la vie de cette famille a explosé. Leur fils aîné ne mange plus à leur table avec eux. "Il ne peut pas voir le vide que provoque l’absence de son grand frère. En face de lui, il n’est plus là", confie-t-elle. Le petit dernier, lui, n’est pas sorti de sa chambre pendant très longtemps.
Perdre un enfant de cette manière, c’est horrible. Je vis l’impensable, je n’arrive plus à avancer. Notre vie s’est arrêtée.
Maman d'Azad, tué lors d'une fusillade
Le trafic de drogue continue de sévir
Une interrogation ronge l’esprit de ces parents : comment, en France, peut-on tuer quelqu’un à l’aide d’une arme à feu, en plein jour, et courir encore. "Je veux savoir pourquoi et qui a eu le droit de tirer sur mon fils", sanglote la maman endeuillée. "Aujourd’hui, ce deuil est combiné au mutisme judiciaire", ponctue Me Kabbouri.
Deux ans plus tard, le trafic de stupéfiants continue de sévir à Besançon. Depuis le 11 janvier 2025, une série d’établissements commerciaux sont victimes de tirs à l’arme de guerre avec des munitions de calibre 7,62 mm. Le dernier en date remonte au 27 janvier. Selon le procureur de la République de Besançon, Étienne Manteaux, tous ces tirs ont un lien avec la drogue.
► Propos recueillis par Stéphanie Bourgeot/FTV