Jean Ricardon a choisi le blanc des neiges de son Jura natal comme matériau de prédilection. Le Musée Courbet d'Ornans (Doubs) lui consacre une exposition pour comprendre son parcours. Avec une salle consacrée aux vitraux de l'Abbaye d'Acey et un hommage à "L'enterrement à Ornans" de Gustave Courbet, fresque de 6 mètres de long, jamais présentée.
Jean Ricardon est né en 1924, à Morez dans le Jura. Il commence par peindre des autoportraits et des paysages de neige figuratifs. Puis, il «monte à Paris » à l’École des Beaux-Arts et sa peinture s’en trouve complètement transformée.
C’est bien ce que montre l’exposition du Musée Courbet à Ornans : un itinéraire artistique sur plusieurs dizaines d’années, comme une quête éperdue. L’exposition s’intitule « Le sens profond du blanc », Jean Ricardon ayant choisi le blanc comme matériau.
Un cheminement de plus de 70 ans de création
Après ses premiers autoportraits, ses paysages de neige du Haut-Jura ou une vue de Paris, le visiteur peut suivre l’évolution de Jean Ricardon. Et il peint déjà de la neige. Son premier tableau abstrait, à dominantes de blancs, date de 1961.
À côté des œuvres de l’artiste, celles de ceux qui l’ont influencé, marqué, comme Vassily Kandinsky, François Morellet ou Aurélie Nemours, ou soutenu comme Michel Seuphor.
Et à regarder avec attention, une confrontation avec Pierre Soulages. Deux œuvres du maître du noir dialoguent avec celles, vêtues de blancs, de Jean Ricardon. Dans cet «affrontement », les toiles de Soulages n’ont pas forcément le dernier mot.
Les vitraux d’Acey, comme un point d’orgue
Dans les années 80, les moines de l’Abbaye Notre Dame d’Acey, à Vitreux dans le Jura, veulent des vitraux pour leur édifice cistercien. Les artistes ayant proposé, comme traditionnellement, des couleurs, voient leurs projets refusés.
Jean Ricardon remporte le concours lancé : les religieux ont été séduits par ses recherches sur le blanc et sa spiritualité. Les vitraux seront donc blancs, avec un peu de gris, transparents, opaques, translucides. Pas deux identiques.
Pierre-Alain Parot, maître-verrier à Aiserey en Côte-d’Or les réalise en étroite collaboration avec l’artiste bisontin. Pour Pierre-Alain Parot, « c’est un défi technologique et aussi le début d’une très belle aventure avec Jean Ricardon ». Il se souvient : « c’était un défi technologique car c’était de grandes pièces. Jean ne voulait pas de petits formats qu’on aurait regroupés. La première fois que j’ai vu ses œuvres, je me suis dit que c’était irréalisable : comment mettre du blanc dans un vitrail ? C’est une vitre ! Alors, pour travailler, on avait réalisé des petites tablettes de verre colorées avec toutes les nuances possibles et numérotées. Quand on se téléphonait, on parlait de G3 ou de A5, un peu comme pour une bataille navale ».
Les moines de l’Abbaye d’Acey ont pour activité un atelier d’électrolyse, pour la métallurgie. « Ce sont aussi des industriels» poursuit Pierre-Alain Parot « donc, le défi technologique leur plaisait aussi… »
Au total, 10 ans de travail ont été nécessaires : « Jean y allait pratiquement tous les jours…»
Le cheminement créatif est visible grâce à des croquis, des maquettes et des vitraux terminés.
L’enterrement à Ornans : l'ultime défi
Jean Ricardon a peint jusqu’en 2018, date de sa mort, à 94 ans. Sa dernière œuvre, retrouvée dans son atelier, est un hommage à Gustave Courbet : il «revisite » la toile « L’enterrement à Ornans » du maître d'Ornans.
Benjamin Foudral, le conservateur et directeur du Musée et du Pôle Courbet, se réjouit de pouvoir présenter cette fresque, inachevée, longue de 6 mètres. Inachevée, avec des reprises, des annotations au crayon, un peu comme si le visiteur pouvait assister au processus de création de Jean Ricardon. « Il s’agit d’une œuvre extraordinaire. On voit qu’il y fait la synthèse de toutes les réflexions qu’il a eues tout au long de sa carrière. Cette confrontation à Gustave Courbet, c’est un hommage en forme de testament» ajoute Benjamin Foudral.
Jean Ricardon a enseigné l'art à Besançon
Jean Ricardon a été durant 35 ans professeur aux Beaux-Arts de Besançon. Un enseignant engagé, qui ne laissait personne indifférent, proches ou détracteurs. Parmi ses élèves, Christian Fumagali ou Charles Belle. Ce choix de rester à Besançon et de consacrer son temps à l’enseignement a certainement nui à sa carrière d’artiste.
Jean Ricardon a exposé dans des galeries à l’étranger, il connaissait les bonnes personnes pour être relayé au niveau international, comme par exemple Michel Seuphor. Il a exposé au Centre Georges Pompidou, Beaubourg à Paris, dès 1979. Mais il a fait le choix de privilégier l’enseignement.
« S’il l’avait voulu, son œuvre aurait rayonné d’une manière différente. Là, en le confrontant à Pierre Soulages et d’autres, son œuvre tient parfaitement à côté de ces géants de l’abstrait du XXe siècle » estime Benjamin Foudral.
L’exposition Jean Ricardon « Le sens profond du blanc »
A voir au musée Courbet à Ornans jusqu’au 26 mars 2023.
Le musée est ouvert au public tous les jours sauf le mardi :
– de juin à septembre : de 10h à 18h.
– d’octobre à mai : le lundi de 14h à 17h et du mercredi au dimanche de 10h à 12h et de 14h à 17h.
En cette fin d’année, le musée Courbet fermera exceptionnellement à 16h les 24 et 31 décembre et ouvrira exceptionnellement de 10h à 12h les 26 décembre et 2 janvier.
Jean Ricardon en 2001 au musée des Beaux Arts de Besançon
Contrairement à ce que Jean Ricardon affirme dans ce reportage, non, il ne pose pas définitivement ses pinceaux en 2001.
Et heureusement : dès 2010, il commence à peindre "son" enterrement à Ornans, en hommage à Gustave Courbet, une fresque de 6 mètres de long, visible pour la première fois à Ornans grâce à cette exposition. Et le fait qu'elle soit inachevée est riche d'enseignements sur son travail !