Les artisans sangliers subissent les conséquences de la sécheresse. Les fortes chaleurs des deux dernières années ont favorisé la propagation des scolytes, ou bostryches, ces parasites qui rongent les épicéas. Les sangles sont indispensables pour cercler le Mont d'Or, fromage très prisé en hiver.
Dans les forêts comtoises, les artisans sangliers sont comme chaque automne, en action. Sur les troncs d'épicéas, ils lèvent de fines lamelles de bois de quelques millimètres d'épaisseur qui, une fois séchées, cerclent le Mont d'or, lui donnant ce goût boisé typique et recherché.
Ils sont entre 30 et 50 dans le massif jurassien à se livrer à cette activité qui nécessite beaucoup de savoir-faire. Mais la sécheresse de ces deux derniers étés a laissé des traces. Les scoltytes rongent les épicéas de l'intérieur, et si la situation perdure, l'avenir de l'activité pourrait être menacée, faute de matière première.
Kevin Dornier, sanglier à Maisons-du-Bois Lièvrement livrera cette année 150.000 mètres de sangles d'épicéas à la fromagerie des Jarrons. Son geste est précis, toujours dans le sens du bois, il travaille en solitaire. Il s'estime bien loti, car pour certains de ses collègues, la sécheresse les a contraint à produire 10 fois moins cette saison.
Des scolytes et la concurrence des sangles polonaises
En Franche-Comté, toutes les sangles locales sont achetées par les fruitières mais l'offre reste même insuffisante pour cercler de sangles comtoises les 5500 tonnes de Mont d'or produites chaque saison. Aussi, certains fromagers s'approvisionnent en partie en Pologne, où la sangle est moins coûteuse. Le prix de revient d'une sangle "made in Franche-Comté" est de 40 centimes le mètre contre 20 centimes en Pologne. A ce jour, le cahier des charges de l'AOP Mont d'Or , s'il détaille les conditions de fabrication, ne précise pas que la sangle doit elle aussi provenir de la région. Ce qui autorise donc les fabricants à se fournir à l'étranger et à moindre coût.
La filière Mont d'Or se mobilise et s'inquiète des conséquences de ces sécheresses à répétition
Le syndicat interprofessionnel du Mont d'or, dit ne pas ignorer que "certains sangliers locaux complètent leur approvisionnements hors de la région. Nous ne disposons pas de données chiffrées sur l'origine des sangles" explique le syndicat. Le syndicat interprofessionnel précise : "l'état sanitaire des forêts et la disponibilité en sangles ne semblent pas impacter nos ateliers à l'heure actuelle" mais, conscient du risque à plus long terme, nous voulons en savoir plus".En 2020, en collaboration avec AgroSup Dijon, institut national supérieur des sciences agronomiques, de l'alimentation et de l'environnement, une étude va être lancée pour mesurer l'impact du dérèglement climatique sur les ressources du territoire pour l'AOP : les prairies, l'eau, les troupeaux et les épicéas. "Nous espérons donc des réponses d'ici quelques mois" explique le syndicat interprofessionnel du Mont d'Or.