Cinq millions de couples sont séparés par la grande guerre. Des générations, alphabétisées par la réforme scolaire de Jules Ferry, qui vont donc s’échanger des centaines de lettres. Félicie Mougeot et Hippolyte Bougaud, paysans jurassiens, vont ainsi rester unis par l’écriture, durant cinq longues années…
Félicie Mougeot et Hippolyte Bougaud se marient en 1912 et exploitent une quarantaine d’hectares dans la plaine jurassienne. Lorsqu’Hippolyte est mobilisé, en août 14, il laisse les travaux de moisson inachevés, ce qui le peine beaucoup. Elle lui raconte alors tout, l’aide apportée par la famille et qu’elle a « réglé l’acquisition des blés 408 F ». Il s’inquiète de la récolte du trèfle, délivre ses conseils mais reconnaît que Félicie « est mieux placée que lui pour juger ». Elle gère en effet les terres, tout en élevant ses enfants. Comme 850 000 agricultrices en France.
Le couple a une petite fille, Marie-Louise et s'agrandit en février 15 d’un petit garçon.
C’est avec beaucoup de tendresse qu’Hippolyte s’imagine les premiers pas de sa fille et « espère que ses dents ne la feront pas trop souffrir ». « Je ne fais que vous entrevoir et cependant c’est moment bien doux que de penser à vous deux. » Pas de grande effusion en revanche entre mari et femme, par pudeur et éducation sans doute. Il signe « Ton aimé qui t’embrasse de grand cœur ». Elle l’appelle « Mon bien cher Bougaud » et se dit « toute dévouée et bien affectionnée car la distance n’amoindrit pas » son amour.
Bien sûr, Hippolyte raconte son quotidien, les opérations d’Alsace à Salonique son hospitalisation; les messes et l’écriture qui le réconfortent. Félicie lui dit « qu’elle aime mieux savoir la vérité que d’entendre des racontars ».
Hippolyte rentre à la maison en février 1919. Le couple aura six autres enfants jusqu’à la mort brutale d’Hippolyte en 1931, d’une septicémie, à laquelle cinq années de guerre ne sont sans doute pas étrangères. Félicie reprendra alors définitivement seule l’exploitation…
Toute la collection des 670 vidéos Histoires 14-18