La Coordination Rurale s'est rassemblée ce dimanche 12 janvier 2025 devant la préfecture du Doubs à Besançon pour exhorter le gouvernement à tenir ses engagements. Un an après les grandes manifestations paysannes, les agriculteurs attendent toujours les mesures promises.
C'est tout sauf un hasard du calendrier. Les syndicats agricoles doivent être reçus par le Premier ministre ce lundi 13 janvier 2025. Cette date marque aussi le 127ème anniversaire de la publication, dans le journal L'Aurore, du célèbre article d’Émile Zola intitulé "J'accuse !".
La Coordination rurale s'est inspirée de ce texte historique pour interpeller une nouvelle fois le gouvernement et dénoncer "l’indifférence persistante des pouvoirs publics et l’absence de réponses concrètes à la détresse des agriculteurs".
"J'accuse..."
À l'appel du syndicat, une trentaine d'agriculteurs s'est rassemblée ce dimanche 12 janvier vers 21h devant la préfecture du Doubs à Besançon, protégée par un important dispositif des forces de l'ordre. Policiers et CRS avaient complètement bouclé le quartier pour éviter tout débordement. Sous les fenêtres du préfet, les "bonnets jaunes" ont pu tout de même déployer entre deux tracteurs une bâche sur laquelle figurait leur apostrophe.
"J’accuse… Le président de la République et son gouvernement d’avoir ignoré les cris de détresse qui ont résonné dans nos champs (...), pouvait-on notamment lire dans cette adresse. J’accuse… ces responsables politiques de mépris. Mépris envers celles et ceux qui nourrissent le pays, qui façonnent ses paysages, qui travaillent au prix de leur santé et parfois de leur vie. Leur inaction est un acte de violence sourde (...) J’accuse… Les gouvernements successifs d’avoir sacrifié l’agriculture française sur l’autel de la mondialisation, en bradant nos valeurs et nos savoir-faire aux marchés internationaux."
"C'est un texte qui parle de lui-même", explique à France 3 Franche-Comté Nicolas Bongay, le président de la CR 25-90.
On a des promesses qui datent d'il y a bientôt un an et il n'y a rien qui avance. On a fait des propositions, on est monté à Paris la semaine dernière. On demande au gouvernement de prendre des mesures par décret sans attendre.
Nicolas Bongay, président de la Coordination Rurale 25-90.
”Malgré le changement de gouvernement, les engagements seront honorés”, a pourtant assuré Annie Genevard, en visite dans une ferme de Saint-Vit (Doubs) le 2 janvier dernier. "Le budget agricole qui a été censuré ne connaîtra pas d’interruption dans son application, a déclaré la ministre de l'agriculture. Tous les dispositifs d’aides, de soutien, d’allégements fiscaux, sociaux, d’aide d’urgence seront délivrés en temps et en heure et seront rétroactifs”.
Salarié agricole depuis cinq ans dans une exploitation à Mouthe (Doubs), Rodrigue Coulinge, lui, a bien du mal à y croire encore dit-il. Voilà pourquoi il a enfilé le fameux "bonnet jaune" et rejoint la Coordination Rurale.
J'ai fait des études pour ça. J'ai pour projet de m'installer mais avec ce qu'on voit aujourd'hui, l'avenir de l'agricuture il est quand même un peu incertain. Avec le Mercosur, avec le retour du loup et les bâtons qu'on nous met dans les roues, on sait pas ce qu'on sera demain.
Rodrigue Coulinge, salarié agricole à Mouthe (Doubs).
Syndicats en campagne
Ce nouveau coup de force de la Coordination rurale intervient en pleine campagne des élections professionnelles agricoles. Et, en première ligne des manifestations paysannes depuis un an, le syndicat compte bien récolter les fruits de ses actions dans les urnes du 15 au 31 janvier 2025 à l’occasion des élections dans les chambres départementales d’agriculture. Le vote, qui aura lieu en ligne ou par correspondance déterminera les nouveaux rapports de force entre les syndicats agricoles.
Lors du dernier scrutin en 2019, le taux de participation avait atteint 46,22 % au niveau national pour le collège "chef d'exploitation et assimilés". Dans ce collège, la formation Jeunes agriculteurs-FNSEA et ses alliés, étaient sortis en tête avec plus de 55% des voix, selon les résultats consolidés par le ministère de l'Agriculture. Le syndicat majoritaire était suivi par la Coordination rurale (environ 21%), et la Confédération Paysanne (environ 19%).
"C'est pas pour les élections qu'on fait ça, corrige Nicolas Bongay. On appelle tout le monde à se mobiliser, que ce soit les autres syndicats ou les non-syndiqués. Tout le monde est dans le même bateau."
Depuis un an, c'est vrai que la coordination Rurale a pris de l'ampleur. On sent que les gens se sont détournés des autres syndicats. Je pense qu'ils s'y retrouvent de moins en moins. Ils se sont tournés vers nous, tant mieux. Mais c'est pas un but pour nous. Nous on est là pour défendre la cause, pas pour prendre les places !
Nicolas Bongay, président de la Coordination Rurale 25-90.
Ces derniers mois, la Coordination Rurale s'est notamment farouchement opposée à la signature du traité de libre-échange du Mercosur. Le syndicat exige que "l’exception agriculturelle soit reconnue tant au niveau européen qu’international", et qu’elle permette de "sortir les produits agricoles de ces négociations".