Témoignage. À la mort d'un enfant, "on a l'impression que tout se disloque, c'est comme une explosion" : comment traverser le deuil parental ?

Publié le Mis à jour le Écrit par Elisabeth Khanchali

À l'occasion de la journée mondiale des enfants partis trop tôt, le 11 décembre, intéressons-nous à la problématique du deuil parental. Joséphine et Sarah ont toutes les deux perdu un enfant. Elles ont adhéré à l'association Familles en deuil d'un enfant et témoignent.

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"Cette douleur-là ne vieillit pas. Les habits de deuil ont beau s'user et blanchir, le cœur reste noir", écrivait déjà Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris à propos du deuil parental. Joséphine a perdu sa fille Sonia, mort-née à 28 semaines. Bien que la grossesse ait été très douloureuse au premier trimestre, Joséphine ne s'est jamais doutée de ce qui allait lui arriver.

Un jour, elle ne sent plus bouger son bébé. Elle attend quelques jours puis appelle sa sage-femme. "Elle m'amène à l'hôpital, la sage-femme-cheffe va chercher le gynécologue et tourne l'écran. Il m'a dit que le cœur ne battait plus", se souvient-elle.

Le ciel me tombe sur la tête. Tout s'écroule.

Joséphine, adhérente de l'association Familles en deuil d'un enfant

Joséphine accouche le lendemain. "Une fois réveillé, j'ai demandé si je pouvais avoir ma petite fille à côté de moi. On m'a dit : non, elle est dans le frigo. Pendant des années, quand j'ouvrais un frigo, j'imaginais ma fille dedans", raconte-t-elle, dévastée.

Le deuil d'un enfant : un tabou sociétal

Le deuil a été très difficile pour Joséphine. "Je n'ai eu personne pour m'accompagner. Avec mon mari, on était dans la tristesse et il fallait vivre avec. Les médecins n'ont rien proposé", se rappelle-t-elle. Selon cette habitante de Vesoul (Haute-Saône), la mort d'un bébé de 5 ou 6 mois est très tabou. "À cette étape, ce n'est pas considéré comme un bébé. Même ma famille ne m'a pas aidé. J'étais seule avec mon mari et ma fille aînée dans ce deuil", confie-t-elle.

Plusieurs années plus tard, Joséphine apprend via un journal l'existence de l'association Familles en deuil d'un enfant, qui accompagne en Haute-Saône les parents ayant perdu un enfant. "Ça faisait longtemps que je cherchais une association comme celle-là. Je me suis inscrite et ça m'a sauvé", explique-t-elle. Là-bas, elle peut échanger sur son processus de deuil autant qu'elle le souhaite.

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Sarah* fait aussi partie de l'association. Elle a perdu son fils à la suite d'un accident il y a trois ans. "Ça fait long, mais en même temps, c'est comme si c'était hier", souffle-t-elle. Un soir, aux alentours de 21 h, le maire de sa commune et les gendarmes ont toqué à sa porte pour lui apprendre la mort de son fils, âgé de 40 ans. "On a l'impression que tout se disloque, c'est comme une explosion", livre-t-elle.

Un accompagnement long terme

Sarah a pu bénéficier d'un accompagnement psychologique grâce à la cellule psycho-juridique de l'hôpital de Vesoul. La psychologue l'a orienté vers l'association Familles en deuil d'un enfant pour bénéficier d'un accompagnement sur le long terme. "Ce n'est pas un passe-temps, mais ça m'aide beaucoup parce que dans la société, il faut très vite passer à autre chose".

Cette association comptant plus de 80 adhérents permet à ceux qui ont perdu un enfant de se retrouver et de pouvoir échanger sur ce qu'ils vivent."Ça m'a beaucoup aidé de rencontrer les autres personnes de l'association, notamment pour comprendre mes réactions. On est complètement bouleversé, désorienté et on se pose des questions. Est-ce que nos réactions sont encore normales", témoigne-t-elle.

On se rend compte qu'on rencontre les mêmes problèmes avec ceux qui restent.

Sarah, adhérente de l'association Familles en deuil d'un enfant

L'association est aussi un lieu où les adhérents peuvent parler de leur enfant sans gêne. "On aimerait parler de notre enfant, mais les gens ne savent pas quoi faire. Ils veulent éviter de nous faire du chagrin, mais en évitant de parler du défunt, ils effacent son nom", explique-t-elle.

"Pendant les cinq premières années, c'est très compliqué"

Contrairement à d'autres adhérents, Sarah s'est tournée très tôt vers cette association basée à Vesoul : "J'y suis depuis deux ans et demi. J'y suis allée très vite après le décès parce que c'est un endroit où l'on peut parler de notre enfant, où l'on trouve de l'écoute, il n'y a pas de tabou". Mais parler de son proche décédé n'est pas obligatoire, "on le fait quand on en ressent le besoin".

On a l'impression d'être accueilli dans une famille, car une famille ce n'est pas que le lien de sang, c'est aussi celui qui nous apport un soutien.

Sarah, adhérente de l'association Familles en deuil d'un enfant

Patrick Thierry a fondé cette association suite au décès de son fils de 25 ans en 2006. Il souhaitait créer un endroit "où l'on peut encore parler de son enfant, car dans la société, passé six mois, il faut tourner la page".

L'association permet également selon lui d'aider celles et ceux pour qui le décès est encore récent. "Pendant les cinq premières années, c'est très compliqué de se permettre d'avoir une vie normale. Là, on côtoie des personnes qui s'autorisent à rire, à aller au restaurant ou au cinéma", explique-t-il.

L'association propose aussi des formations à l'accueil et à l'écoute par des professionnels, des conférences et des ateliers manuels. Pour la journée mondiale, l'association organise une journée de commémoration à Neurey-lès-la-Demie en Haute Saône, le dimanche 8 décembre. 

Contacter cette association

Familles en deuil d'un enfant en Haute-Saône 06 02 20 70 48 

Site internet

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