Mardi 3 avril 2020, la préfecture du Jura prenait un arrêté interdisant l'accès, notamment, aux sentiers pedestres et à la forêt. Le 5 avril, la préfecture a précisé que l'arrêté ne remettait pas en cause l'autorisation de déplacement dans un rayon d'1km. Alors pourquoi l'avoir pris?
Quel était l'objectif de la préfecture du Jura quand elle a durci les conditions du confinement le 3 avril 2020 ? Dans un arrêté, le préfet du Jura, Richard Vignon, prend la mesure suivante : l’accès aux sentiers pédestres, chemins de randonnées, pistes cyclables, forêts, plages et parcs sur l’ensemble des communes du département est interdit jusqu'au 15 avril. Cette décision provoque un tollé, en particulier parmi les habitants des petites communes, entourées de verdure, comme en témoignent ces réponses au tweet de la préfecture.
Vous êtes sérieux M. Le Préfet ? Nous habitons en campagne et sortons nous aérer dans les bois communaux (dans un rayon d'1km sans n'avoir jamais croisé personne).Donc maintenant nous irons sur la route nous promener... Laissez nous respirer dans nos forêts !
— jb39160 (@jbs39160) April 4, 2020
@Prefet39, cela vaut aussi si le lieu de nature est compris dans un rayon d'un km du domicile ?
— Cyrielle Fauvey (@CyrielleFauvey) April 3, 2020
Deux jours plus tard, le 5 avril, la préfecture du Jura réagit. Dans une réponse à leur précédent tweet du 3 avril, les services de l'état précisent, compte tenu des réactions, que cette décision n'interdit pas de sortir à 1km de chez soi.
Certains ont exprimé leur émotion suite à cet arrêté. Il ne remet pas en cause la possibilité d'effectuer une sortie quotidienne d’1H dans un rayon d’1 km du domicile. Les décisions sont motivées par le souci de préserver des vies et d'aider le personnel soignant. #restezchezvous https://t.co/naRe8RkOM5
— Préfet du Jura (@Prefet39) April 5, 2020
La ligue des droits de l'homme du Jura dépose un recours
L'arrêté pris par la préfecture du Jura serait-il donc un simple rappel du décret gouvernemental du 23 mars ? Aucun des articles rédigés ne fait mention du rayon dans lequel s'applique cette règle. Une "erreur d'appréciation manifeste" du texte qui a conduit la ligue des droits de l'homme (LDH) du Jura à déposer un recours grâcieux contre l'arrêté préfectoral le 6 avril dernier. "On a été interpellés, résume la présidente, Marie Agnès Chalumeaux. Les gens sont inquiets de la réduction de leurs droits dans ce contexte particulier, qui n’est pas un état d’urgence."
Un principe de précaution "disproportionné"
Pour justifier ce recours, rédigé par son service juridique, la LDH pointe l'absence d'une recrudescence des contraventions. "Cette mesure est hors-la-loi à partir du moment où elle ne s’appuie pas sur des constats de la gendarmerie." Par ailleurs, la LDH regrette un manque de discernement. "Tout est dans la notion d’appréciation du risque. Nous ne remettons pas en cause la loi, qui a un objectif de protection des populations. Ce n’est pas le cas de cet arrêté" reprend Marie Agnès Chalmumeaux.
Nous comprenons que des mesures s'imposent dans les parcs des grandes villes, les plages, autant il nous semble que rien dans le Jura ne justifie cela.
Marie Agnès Chalmumeaux, présidente de la ligue des droits de l'homme du Jura
Pour la LDH, cet arrêté pose par conséquent un problème d'interprétation. Dès sa publication, la mesure a été comprise par les Jurassiens comme une interdiction totale de se déplacer hors des villages. Par son tweet du 5 avril, la préfecture le dément, mais maintient son arrêté.
"Un manque de confiance envers les maires"
L'arrêté le stipule clairement, c'est aux maires qu'il revient, en complément des forces de l'ordre, de faire respecter la mesure. Telle qu'elle avait été annoncée le 3 avril, la mesure semblait difficile à appliquer, pour Jean Claude Pichon, maire de Chissey-sur-Loue : "Il y a maire des villes et maire des champs. On est dans une situation différente. Quelques personnes vont se promener ici, rarement plus. On nous impose quelque chose d’un peu strict. Un maire devrait pourvoir interpréter ces ordres."
Dans cette commune située en périphérie de la forêt de Chaux, les habitants ne comprennent pas un tel tour de vis. "Ce qui chagrine les gens ici, c'est qu'ils ont du mal à comprendre qu’on ne puisse pas sortir à la campagne alors qu’on ne croise personne" regrette Jean-Claude Pichon. C’est l’ambiguïté du texte. "Non seulement ca inquiète les gens, mais cela fait l’effet inverse." Attentif aux réactions de ses administrés, l'édile s'est même vu confier qu' "il y avait plus de liberté en 1940."Dans un premier temps, l’objectif était de durcir la loi.
Jean Claude Pichon, maire de Chissey-sur-Loue (39)
La préfecture du Jura a t-elle simplement souhaité rappeler les règles en vigueur ? Pourquoi ne pas l'avoir explicité ? A l'heure de la publication de cet article, la préfecture du Jura n'avait pas donné suite aux sollicitations de la LDH. Ni à celles de France 3 Franche-Comté.