Lundi 6 décembre 2024, la préfecture du Jura présentait lors d'une conférence de presse un diagnostic pour la lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite aux fins d'exploitation sexuelle dans le département du Jura. Qu'en ressort-il ?
"On avait des méthodes dépassées car on travaillait sur la délinquance organisée qui n'est pas légion dans le Jura ou la prostitution de rue qui s'est asséchée", contextualise la procureure de la République du Jura, Julie Fergane-Tauzy. Le phénomène prostitutionnel se fait désormais par le biais de petites annonces sur Internet. "C'est une vraie difficulté pour appréhender les victimes et identifier les auteurs, donc la première nécessité est qu'on ouvre les yeux", ajoute-t-elle.
La prostitution touche les personnes les plus vulnérables dans le Jura. C'est principalement de jeunes femmes et la prostitution ne fait qu'amplifier leurs difficultés dans l'avenir.
Julie Fergane-Tauzy, la procureure de la République du Jura,
Partis de ce constat, un diagnostic prostitution jura a été réalisé par le Mouvement du Nid, association qui agit sur les causes et les conséquences de la prostitution en vue de sa disparition. Un questionnaire a été envoyé dans les établissements scolaires, les associations et structures d'insertion, dans les services sociaux, de santé et police pour tenter d'avoir des données chiffrées dans le département sur la prostitution.
85 % de femmes et 15 % d'hommes
120 réponses ont été enregistrées sur l'ensemble du territoire. Elles étaient anonymisées. 22 % des professionnels ont rencontré une ou plusieurs personnes en situation de prostitution avérée et 42 % en situation de prostitution probable.
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L'étude a établi que la prostitution dans le Jura concerne 85 % de femmes et 15 % d'hommes. "La moyenne d'âge est de 27 ans, mais ça reste du déclaratif, car les personnes mineures qui s'inscrivent sur des sites déclarent avoir 18 ans", souligne-t-elle. Une des spécificités du département est que ce sont majoritairement des femmes de nationalité française, 66 %. Cette étude met en avant la grande vulnérabilité des victimes : une sur deux possède une addiction. Elles sont majoritairement sans emploi, célibataires.
La prostitution touche tous les territoires du Jura, que ce soit les territoires ruraux (dans les villages) ou urbains (dans des villes comme Dole, Lons-le-Saunier). Les prostitués peuvent aussi se déplacer à l'étranger. Cela se passe dans des logements : soit des Airbnb, soit à domicile. "Certaines traversent la frontière pour se prostituer en Suisse, où il y a un cadre légal", note la déléguée départementale au droit des femmes et à l'égalité. L'organisation peut se faire par un tiers, un réseau ou la personne elle-même.
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"Ça peut être un acte effectué sous la contrainte"
La prostitution ne se réduit pas à l'échange d'un acte sexuel contre de l'argent. "Ça peut être un acte effectué sous la contrainte, la menace ou encore contre la promesse de quelque chose en nature", explique l'élue.
Une mineure à qui on promet la protection ou un sac, c'est de la prostitution.
Stéphanie Delbaere, déléguée départementale au droit des femmes et à l'égalité
La prostitution est victime d'un "déni sociétal et les populations victimes de prostitution ne caractérisent parfois pas ce qu'elles vivent comme de la prostitution", pointe le préfet Serge Castel, préfet du Jura. "Beaucoup de femmes s'illusionnent d'être dans une démarche libre, le fait d'être victime n'est pour elle pas dicible et n'est pas pensable au lieu où cela se passe", abonde la procureure de la République du Jura, Julie Fergane-Tauzy.
Quels moyens d'action ?
Dans les pistes d'actions, le CIDFF (Centre d'information sur les droits des femmes et des familles) prend en charge les victimes et propose des dispositifs d'accompagnement et des actions de prévention. "On a commencé par former 20 professionnels l'année dernière et cette année, on a formé 23 autres personnes dont des assistantes sociales de l'éducation nationale", indique Maryvonne Faillenet Elvezi, présidente du CIDFF du Jura.
Depuis la loi du 13 avril 2016, les personnes prostituées sont reconnues comme des victimes et non plus comme des délinquantes et les clients sont désormais passibles d'une contravention de 1 500 euros. Des stages payants sont proposés aux clients pour les sensibiliser à la problématique. Le proxénétisme est puni de peines pouvant aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 1,5 million euros d'amende.
La structure propose aussi des modules de sensibilisation à destination des scolaires pour les sensibiliser aux différentes formes de violences sexistes, sexuelles et à la prostitution. "Ce sont des modules qui durent deux heures avec des échanges interactifs avec les élèves pour faire repérer les signes d'alerte et les risques sur leur santé sur le fait de se prostituer", explique-t-elle.