RÉCIT. Il raconte les 10 minutes passées avec ce lynx : "Pris de panique, je balbutie d'une voix tremblante"

Adrien Favre, photographe animalier s'est confié sur les réseaux sociaux concernant l'une de ses rencontres les plus marquantes de l'année 2024. Celle avec un lynx dans les forêts du massif du Jura. Il nous raconte.

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"C'était le jour de la fête des amoureux, le 14 février 2024", se souvient Adrien Favre. Comme beaucoup de jours dans l'année, le photographe professionnel vient se poster à un endroit où le lynx est susceptible de passer. Presque un an auparavant, en mars 2023, ce passionné de nature avait aperçu le même individu. "J'étais à l'affût au même endroit, mais il a très vite disparu", se rappelle le photographe. En quatre ans de travail sur l'espèce, Adrien a eu la chance de pouvoir observer six fois le lynx.

Presque un an avant, en mars 2023, ce passionné de nature avait aperçu le même individu. © photo fournie par Adrien Favre

Pendant des mois, Adrien délimite le territoire de l'animal avec des pièges photographiques. "Leur territoire est immense, ça peut monter jusqu'à 400 km²", précise-t-il. Ce jour-là, le 14 février 2024, le mâle qu'il avait pu observer quelques mois avant passe sur l'un de ses pièges photographiques dans la journée.

Une rencontre soudaine

Lors de sa première rencontre avec cet individu, le photographe avait été impressionné par sa taille et sa prestance. Quand il voit que ce mâle a été photographié par ses appareils, ni une, ni deux, Adrien se rend en voiture jusqu'à l'entrée de la forêt et marche une trentaine de minutes pour rejoindre le territoire du lynx. En tenue intégrale de camouflage, il s'assoit sous un frêne, adossé à un caillou. Il attend deux heures, puis saisit son téléphone pour regarder l'heure, relève la tête et soudain : stupeur.

Il est là, légèrement sur ma droite, à une quinzaine de mètres. Posé sur un caillou à me toiser. À pas de velours, il est venu et je ne l'ai pas entendu.

Adrien Favre

Son souffle se coupe, son cœur bat la chamade. "Je tourne légèrement mon appareil photo fixé à mon trépied pour cadrer cette chimère", raconte-t-il. Le félin s'approche : "Ses pupilles sont dilatées et me rappellent le regard de mes chats quand je joue avec eux".

"Comme un chat surpris"

Curieux, l'animal se rapproche encore. "Je me demande où cela va s'arrêter. Il ne reste que quelques mètres entre nous, pris de panique, je me redresse légèrement et je balbutie un "eh oh" d'une voix tremblante", témoigne le photographe. Le lynx s'arrête et sursaute : "Je me surprends à sourire de voir un animal de presque 30 kilos sursauter comme un chat surpris".

J'ai passé presque 10 minutes avec ce lynx.

Adrien Favre

Le félin se met à grogner et contourne le photographe pour se placer derrière lui. "Il m'a tourné autour et quand il m'a identifié, il s'est détendu. On travaille toujours face au vent pour que les animaux ne puissent pas nous sentir", explique Adrien. L'animal revient en face de lui, à une plus grande distance. "Il me jette un regard et urine au pied d'un arbre ou il a ses habitudes, l'air de me dire : "c'est chez moi"".

Lorsque le lynx s'est approché à quelques mètres de lui, Adrien a eu très peur. Mais pour le photographe, cette peur prend sa source dans des croyances populaires. Le lynx est inoffensif pour l'homme. L'animal est d'ailleurs très curieux et n'est pas craintif avec l'espèce humaine. 

"Je lui balbutie un merci"

Le trentenaire se met à nouveau à prendre des photos. "Il reste plusieurs longues minutes devant moi, lèche sa patte avant droite en me fixant", décrit-il. Adrien pose ensuite son appareil pour se concentrer sur cet échange, si exceptionnel.

Pendant des mois, Adrien délimite le territoire de l'animal avec des pièges photographique. © photo fournie par Adrien Favre

"Je me sens comme un intrus sur le territoire d'un roi. Il me regarde profondément, m'arrache des larmes. Je lui balbutie un "merci"", écrit celui qui s'est installé dans le Jura pour pouvoir rencontrer le lynx. L'animal repart. La rencontre prend fin.

J'aime penser que j'ai passé la Saint-Valentin en tête-à-tête avec un lynx. Parce que oui, force est de constater que j'aime plus que tout les animaux sauvages.

Adrien Favre

Pour le photographe, ce moment a été des plus marquants : "Cette rencontre, c'est un rêve éveillé que j'ai vécu. C'est l'aboutissement de plusieurs années de travail". Le photographe est émerveillé par cette espèce. "C'est très important de le protéger et de lui redonner une place aujourd'hui". Adrien salue le travail des associations de protection du lynx comme le Centre Athénas. 

Depuis quatre ans, il travaille une grande partie de l'année sur le lynx, dans l'espoir de le rencontrer. À terme, il aimerait pouvoir écrire un livre sur le félin, accompagné de ses photos. 

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