Interdiction de tomber malade : cette maire de la Nièvre est devenue la figure de la lutte contre les déserts médicaux

Interdiction de tomber malade, hôpital de campagne… La maire de Decize, dans la Nièvre, poursuit son combat contre les déserts médicaux. Elle a récemment reçu un courrier du président de la République, la félicitant pour son engagement. Déterminée à améliorer l’accès aux soins, l'élue envisage de nouvelles actions.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Elle s’est fait remarquer avec son arrêté interdisant à ses concitoyens de tomber malades. Justine Guyot est maire de Decize, une commune de 5 000 âmes située dans la Nièvre… en plein désert médical. Depuis son élection, l’édile a fait de l’accès aux soins son combat. 

"C’est la première préoccupation de mes administrés. Lorsque quelqu’un veut s’installer chez nous, la première question qu’on nous pose, c’est : « est-ce que je pourrai avoir un médecin, un hôpital accessible ? »". La réponse est non : Decize et les communes voisines comptent deux médecins généralistes, soit un pour 5000 habitants. Environ 10% de la population n’a pas de médecin traitant. Quant à l’hôpital de la ville, ses urgences sont régulièrement fermées, déplore la maire. 

Interdiction de tomber malade sur la commune

Révoltée de voir les habitants "attendre des mois pour un rendez-vous, faire des centaines de kilomètres pour voir un gynéco" ou même "mourir, tout simplement", Justine Guyot publie donc, le 8 octobre 2024, cet arrêté anti-maladie symbolique. Dans la foulée, près de 70 maires rejoignent le mouvement et font de même. L’affaire trouve un écho national. 

► À LIRE AUSSI : "Des gens sont en train de crever" : après l'interdiction de tomber malade, un hôpital de campagne installé à Decize

L'arrêté interdisant de tomber malade, publié le 8 octobre à Decize. © Julien Cholin / France Télévisions

Mais le 6 janvier, un courrier inattendu leur parvient. Il est signé de Fabienne Decottignies, la préfète de la Nièvre, qui les somme de retirer les arrêtés : "[ils] n’ont pas vocation à être utilisés comme un moyen de revendications, ni de protestations", argue-t-elle.

 Un "sermon" de la préfecture

"Ça m'a un peu choquée", avoue la maire. Dans le courrier, la préfète affirme que la "santé publique relève de la compétence de l’Etat" et non des maires. L’argument révolte Justine Guyot : "Je suis une représentante de l’Etat, et les communes comme la mienne investissent des milliers d’euros dans des maisons de santé. Qu’on ne vienne pas me dire que tout va bien !"

Quoi qu’il en soit, l’édile n’entend pas obéir : "Ils vont finir par nous déférer au tribunal administratif. On sait très bien que cet arrêté a peu de chances de perdurer.

"On veut surtout appuyer le fait que le principe constitutionnel d’égalité d’accès aux soins n’est pas respecté."

Justine Guyot, maire (PS) de Decize (Nièvre)

Comble de l’ironie, un nouveau courrier arrive quelques jours plus tard. Cette fois, il provient du cabinet d’Emmanuel Macron. Il répond à l’invitation de la maire à visiter l'hôpital de campagne qu’elle a installé sur sa commune, le 19 novembre 2024. On y lit : "Le Président de la République tient à saluer votre mobilisation au quotidien, en tant que maire, au service de l’intérêt général". "On a donc un discours local, de la préfecture, qui sermonne et un discours du Président qui nous félicite", s’interroge Justine Guyot. 

Près de 500 habitants de Decize se sont rendus à l'hôpital de campagne, le 19 novembre 2024. © Audrey Champigny - France Télévisions

La solution des médecins étrangers 

Point positif, selon elle : le chef de l'Etat s’intéresse au cas des PADHUE, ces médecins diplômés en dehors de l’Union européenne et prêts à exercer dans les déserts médicaux. "Depuis l’arrêté, j’ai reçu une cinquantaine de CV de leur part, ils me disent qu’ils sont prêts à venir, qu’ils veulent nous aider, et je ne peux rien en faire !", s’insurge l’élue.

Les PADHUE sont en effet autorisés à exercer seulement temporairement en France, pour soutenir le système de soins. Ils seraient entre 3000 et 4000 à travailler dans les hôpitaux. Justine Guyot, qui croit en cette solution, milite pour faire adopter une loi les régularisant.

"On a une ressource médicale prête à venir. Qu’est ce qu’on attend ? Est-ce qu'on considère que c’est normal de mourir dans la Nièvre ?"

Justine Guyot, maire (PS) de Decize (Nièvre)

Pour parvenir à ses fins, elle entend utiliser "tous les leviers possibles". En commençant par envoyer des courriers aux institutions, au ministère de la Santé, "qui resteront sûrement sans réponse", prédit l’élue. Ensuite, Justine Guyot mise sur les "actions choc", à l’image de son arrêté et de la mise en place de l’hôpital de campagne. 

L’édile imagine par exemple une opération "prise d’otage de l’hôpital", à la sauce Casa de papel. "On pourrait avoir des élus déguisés qui investissent l’hôpital, on pourrait jeter des faux billets par les fenêtres, ce serait une manière de dénoncer la marchandisation du système de santé. Je ne m’interdis rien, je ne lâcherai rien, il faut mettre la pression. C’est une question de dignité pour la population."

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information