La Cour de cassation a examiné pour la première fois cette question, dans un dossier où figure entre autres le nom de l’ancien sénateur de l’Yonne Henri de Raincourt, ex-président du groupe UMP. La décision sera rendue mercredi 27 juin 2018.
Un parlementaire peut-il être poursuivi pour détournement de fonds publics ?
La Cour de cassation s'est penchée pour la première fois sur cette question mercredi 16 mai 2018. La décision, qui sera rendue le 27 juin, pourrait faire jurisprudence devant les juridictions qui jusqu'ici n'ont jamais condamné de parlementaire pour "détournement de fonds publics".
La Cour de cassation, qui est la plus haute juridiction judiciaire, a été saisie par cinq sénateurs de l'ex-UMP mis en examen pour "détournement de fonds publics" ou recel de détournement de fonds publics.
Les faits concernés remontent à plusieurs années : une enquête avait été ouverte en 2012, sur des compléments de revenus versés à des sénateurs de l'UMP (devenue Les Républicains) grâce à un système présumé de détournements des enveloppes d'assistants parlementaires.
Pourquoi cette affaire a-t-elle pris un nouveau tour ?
Le cœur du dossier porte sur l'enveloppe de 7 600 euros mensuels accordée aux sénateurs pour rémunérer leurs assistants, en plus de leurs 5 300 euros d'indemnités et des 6 000 euros de frais de mandat. Jusqu'en 2014, une pratique voulait que les sénateurs récupèrent une partie des crédits qu'ils n'avaient pas épuisés et qu'ils avaient transférés au groupe.
Neuf protagonistes ont été mis en examen, dont sept actuels ou ex-sénateurs. Cinq d’entre eux ont déposé un recours, dont Henri de Raincourt, ex-président du groupe UMP, et l'actuel sénateur LR Jean-Claude Carle, ancien trésorier du groupe UMP.
Fin 2017, la cour d'appel de Paris avait confirmé la mise en examen des cinq élus de droite qui ont alors décidé de se pourvoir en cassation.
La plus haute juridiction judiciaire se prononcera bientôt et dira si les parlementaires font partie ou non des personnes "dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public", seules mentionnées dans les textes poursuivant "le détournement de fonds publics". Ce grave délit est passible de 10 ans de prison et de un million d'euros d'amende.
L'affaire a pris un tour symbolique depuis la mise en examen en mars 2017 de l'ex-candidat à la présidentielle François Fillon pour des soupçons d'emplois fictifs de sa femme Penelope et de ses enfants au Parlement.
Quels sont les arguments avancés de part et d'autre ?
Les magistrats de la cour d'appel de Paris ont assimilé les parlementaires à des personnes chargées d'une mission de service public, dans la mesure où ils exercent "par essence une mission d'intérêt général".Devant la Cour de cassation, leur avocat Me Patrice Spinosi a plaidé, lui, pour une interprétation "stricte" du code pénal : selon lui, les parlementaires font partie des "personnes investies d'un mandat électif" et doivent être exclus de la liste des "personnes dépositaires de l'autorité publique".
"Le législateur a choisi de distinguer" ces deux types de fonctions, créant un "flou juridique", mais "vous n'avez pas pour mission de suppléer les carences de la loi", a déclaré Me Spinosi devant la chambre criminelle. "Les implications politico-médiatiques ne sauraient vous influencer", a-t-il ajouté.
"Une personne peut avoir plusieurs casquettes, il n'y a pas ici de flou juridique", lui a rétorqué l'avocat général, tout en admettant que la question du jour fait débat parmi les juristes.