Une halle au nom de Jean-Pierre Soisson, des habitants de la commune s'insurgent : "Il ne mérite pas d'être honoré"

C'est une décision que ne passe pas pour certains. En octobre dernier, la halle de Bléneau (Yonne) était renommée en hommage à Jean-Pierre Soisson. Début janvier, deux habitants ont écrit une lettre ouverte au maire de la commune. Ils évoquent le passé qu'ils jugent "trouble" de l'ancien président de la région Bourgogne.

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5 octobre 2024, 250 personnes sont réunies à Bléneau, dans l’Yonne pour une cérémonie spéciale. La halle de la commune est baptisée au nom de Jean-Pierre Soisson, l’ancien maire d’Auxerre, décédé sept mois plus tôt.

Une décision prise au conseil municipal par les élus de la majorité et par le maire de Bléneau, Alain Drouhin, un proche de Jean-Pierre Soisson. Il a notamment été son directeur de cabinet. Dans les rues du village, près de 1 100 habitants, l’hommage rendu à Jean-Pierre Soisson semble en tout cas diviser.

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Il y a ceux qui approuvent. "Je pense que c’est un bon choix pour le village. C’est une bonne idée de faire ça", confie une retraitée croisée ce lundi 27 janvier. "Ça ne me dérange absolument pas. Jean-Pierre Soisson, c’était quelqu’un qui faisait beaucoup pour la Puisaye", se remémore une autre habitante.

Et il y a ceux qui dénoncent cette hommage. "J'en ai honte tout simplement. C'est une personne qui ne méritait pas d'être honorée, qui a été mouillée dans des tas de choses. Avoir une halle à son nom, je trouve ça scandaleux", lance un homme d'une trentaine d'années.

Une lettre ouverte envoyée le 3 janvier

Pour Patrice Aufrère et Pascal Meunier, l’hommage rendu à celui qui a aussi été président du conseil régional de Bourgogne ne passe pas non plus. Le 3 janvier, ces deux habitants de Bléneau ont envoyé une lettre ouverte au maire de Bléneau, Alain Drouhin.

Dans les rues du village, près de 1 100 habitants, l’hommage rendu à Jean-Pierre Soisson suscite l’approbation © Louis Malléjac / France Télévisions

Pour eux, "Monsieur Soisson ne méritait pas l’honneur que lui a fait la commune, même s’il lui a rendu quelques services et/ou bienfaits". Les auteurs de la lettre dénoncent alors les incohérences politiques de Jean-Pierre Soisson, ministre sous Valéry Giscard d’Estaing, puis François Mitterrand, avant de s’allier avec le Front National en 1992 et 1998 afin de rester à la tête de la Région.

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"Ça nous a révolté que monsieur Drouhin appose une plaque en hommage sur cette halle et la renomme quand on connait le parcours politique de Jean-Pierre Soisson et tout ce qu’il a pu faire de pas très clair sur le département. Ça nous a interpellé", explique Patrice Aufrère.

On remet en cause des gens qui ont eu leur heure de gloire. Mais ce n’est pas parce qu’ils ont eu leur heure de gloire qu’on ne doit pas analyser leur passé et évoquer ce qu’ils ont fait de pas très net

Patrice Aufrère, co-auteur de la lettre ouverte

A noter qu'en 2020, Pascal Meunier conduisait une liste sans étiquette pour les élections municipales à Bléneau. Patrice Aufrère était présent sur cette liste. Les candidats appelaient à "chasser l'équipe au pouvoir depuis 2001". 2001, date d'arrivée d'Alain Drouhin à la tête de la commune. Les deux hommes devraient repartir en campagne pour les prochaines municipales. 

Mais les auteurs de la lettre réfutent l'idée de faire un coup politique : "Ce n’est pas du tout dans le cadre d’une campagne, c’est pour dénoncer ce qui est pour nous un gros problème", lance Patrice Aufrère.

La lettre dénonce le rôle de Jean-Pierre Soisson dans les affaires Dunand et Charrier

Dans leur lettre, les deux hommes dénoncent également l’inaction de Jean-Pierre Soisson dans les affaires Charrier, Dunand et des Disparues de l’Yonne, articles de presse à l'appui. Pour rappel, en 1989, Pierre Charrier est arrêté pour avoir régulièrement violé pendant un an une jeune handicapée du foyer que son épouse, Nicole, dirigeait.

Jean-Pierre Soisson a quitté la vie politique en 2011. © INA

Pierre Charrier est à cette époque secrétaire général et fondateur de l’Apajh, l’Association pour Adultes et Jeunes Handicapés dans l’Yonne. Alors que la victime vit toujours dans le foyer dirigé par Nicole Charrier quatre ans après les faits, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales recommande de ne pas "confier à la directrice du foyer des fonctions plus importantes que celles qu’elles occupent aujourd’hui".

Pour moi, c’est scandaleux. C’est plus que maladroit. Que monsieur Drouhin honore Jean-Pierre Soisson, pourquoi pas, mais qu’il le fasse à titre personnel

Pascal Meunier, co-auteur de la lettre

Selon un article du Monde de mars 2001, le rapport ne sera pas suivi par ses deux commanditaires : Jean-Pierre Soisson, alors maire d’Auxerre et Alain Drouhin, son ancien directeur de cabinet et actuel édile de Bléneau. Pierre Charrier sera lui condamné à six ans de prison en 1992.

Les deux auteurs de la lettre ouverte, Patrice Aufrère et Pascal Meunier, mentionnent également le soutien apporté par Jean-Pierre Soisson à Claude Dunand. Celui-ci est mis en cause en 1984 pour avoir séquestré plusieurs jeunes filles dans une cave de son pavillon. Les victimes étaient livrées à des séances de torture, menées par des personnes qui payaient Claude Dunan pour assouvir leurs pires fantasmes.

En 1986, deux ans après son incarcération et en attendant son procès, Claude Dunand est remis en liberté grâce à l’intervention de Jean-Pierre Soisson, maire d’Auxerre et député de l’Yonne. Condamné en 1991 à la réclusion à perpétuité sans avoir jamais rien révélé de ses clients, Claude Dunand bénéficie d’une semi-liberté au printemps 2001. 

Le maire de Bléneau ne nous a pas répondu

"On a suivi l’affaire des disparues de l’Yonne, et c’est vrai qu’à chaque fois, on retrouve ces noms cités. Pour nous, ça nous semble être un passé très trouble et pas très honnête", estime Pascal Meunier.

La halle de la commune a été baptisée au nom de Jean-Pierre Soisson, l’ancien maire d’Auxerre. © Louis Malléjac / France Télévisions

"On cite des faits incontournables. On a mis un certain temps pour sortir cette lettre ouverte. Il fallait qu’on fasse des recherches, qu’on ne dise pas n’importe quoi", ajoute Patrice Aufrère.

Contacté, le maire de Bléneau, Alain Drouhin n’a pas répondu à nos sollicitations, expliquant ne pas vouloir faire d’interview "quatre mois après l’inauguration de la Halle".

Reportage réalisé avec Baziz Djaouti et Louis Malléjac.

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