Un immeuble vétuste du centre-ville de Tonnerre, dans l'Yonne, a été évacué en urgence. Loué par des propriétaires peu scrupuleux, le bâtiment menace de s'effondrer. Le maire redoute un autre "drame de Marseille".
Environ 15 locataires ont dû faire leurs valises dans la précipitation, ce vendredi 24 janvier au soir. Ils ont évacué en urgence leur immeuble de la rue Rougement, au centre-ville de Tonnerre (Yonne) après que le maire et un expert ont constaté la vétusté et l'insalubrité des lieux, présentant un fort risque d'effondrement.
"Pas passer un week-end supplémentaire avec le risque que le porche s'effondre"
Tout a commencé par un incendie dans l'un des appartements, dans la nuit de mardi 21 à mercredi 22 janvier. Trois jours plus tard, vendredi 24, le maire de Tonnerre Cédric Clech arrive sur place accompagné des gendarmes et d'un expert architecte judiciaire. "On était censés fermer un seul appartement à la suite de cet incendie", raconte l'élu.
Mais une fois sur place, ils constatent que c'est tout l'immeuble qui est en péril, alors que des alertes avaient déjà été lancées trois ans plus tôt. "Quand on est arrivés à l'intérieur de la cour, on a constaté d'abord que rien n'avait été fait depuis trois ans. Pourtant, nos services sont à la recherche des propriétaires et font tout un travail pour qu'ils puissent se fédérer et monter une copropriété, un syndic."
Cédric Clech poursuit : "On a constaté que les fissures s'étaient aggravées." Notre équipe de reportage, sur place ce dimanche 26 janvier, le constate aussi : fissures, étais placés sous le porche et entre des fenêtres, plafonds effondrés par endroits, tas de déchets entassés... L'immeuble est un taudis. Et un vrai danger, selon le maire.
"Quand on passe devant cet immeuble en plein coeur de ville, quand on voit des enfants jouer dans cette cour... Je ne voulais pas passer un week-end supplémentaire avec le risque que le porche s'effondre."
Les propriétaires, "très clairement des marchands de sommeil"
La situation fait évidemment penser au drame de la rue d'Aubagne à Marseille. En 2018, huit personnes avaient perdu la vie dans l'effondrement de deux immeubles vétustes. "Après le drame de Marseille, quand on est maire, on est responsable de la sécurité", tranche Cédric Clech.
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L'élu pointe du doigt l'absence de scrupules des propriétaires-bailleurs face à des locataires en grande précarité. "Ce sont très clairement des marchands de sommeil. Ils ont acheté des appartements à des prix très, très faibles, et les louent en-dehors de la juridiction du permis de louer." À Tonnerre, depuis 2019 en théorie, les bailleurs des logements en secteur sauvegardé doivent obtenir un permis de louer auprès de la municipalité. Mais les propriétaires de l'immeuble de la rue Rougemont "contournent ce dispositif pour pouvoir louer à des personnes en grande précarité", regrette le maire.
Les bailleurs ne sont pas regardants sur le dossier, les revenus, le statut administratif ou juridique des locataires. Ils embauchent leurs aides sociales directement.
Cédric Clechmaire de Tonnerre
La quinzaine de locataires, eux, n'ont pas vraiment de recours. "Ils sont en grande majorité de nationalité étrangère ; on les connaît aussi par les services sociaux. Ils trouvent du travail dans les bois, dans les vignes, ont des CDI conformes. Ils viennent ici et repartent dès qu'un problème peut arriver." Ces locataires sont aussi accompagnés d'enfants, certains très jeunes.
J'ai constaté sur place la présence en nombre d'enfants en très bas âge, notamment un nourrisson d'un an avec une maman mineure. Certains dorment sur des matelas à même le sol. C'est inadmissible de les faire vivre dans ces conditions et de leur faire prendre ces risques.
Cédric Clechmaire de Tonnerre
Ce week-end, une famille a été relogée d'urgence. Les autres locataires ont trouvé des solutions d'hébergement chez leurs proches.
Du côté des propriétaires, une dizaine d'entre eux ont été identifiés. Ils ne percevront plus de loyer tant que les travaux de sécurisation ne seront pas réalisés.