En 2023, le vigneron Romain Bouchard se lance dans une grande aventure : relancer la vigne sur la commune de Villeneuve-sur-Yonne, territoire dépourvu de toute activité viticole. Un défi qu'il souhaite relever pour expérimenter avec l'IGP Yonne, appellation parmi les plus basses qui se veut accessible, à la fois des consommateurs et des viticulteurs.
Il y a deux ans, le vigneron Romain Bouchard s'est lancé dans un pari un peu fou. Professionnel reconnu, le Bourguignon possède un domaine à Chablis, qui jouit déjà d'une belle réputation. Mais voilà, le viticulteur a la bougeotte et surtout de l'ambition. Il aurait pu se contenter de son affaire chablisienne si une opportunité unique, un poil aventureuse, ne s'était pas offerte à lui : acquérir des parcelles de terre à Villeneuve-sur-Yonne, commune du nord de l'Yonne éloignée de la vigne depuis des décennies, où il espère relancer la production viticole.
Le pari de Romain Bouchard
Pourquoi déployer ses activités à Villeneuve-sur-Yonne ? Romain l'admet lui-même, d'apparence, "ça paraît un petit peu bizarre".
Il explique : "Une partie de ma famille vit ici, principalement des agriculteurs. On travaille en collaboration avec eux pour exploiter cette parcelle. Et puis c'est très pratique d'avoir la ferme à côté pour stocker du matériel."
Toutefois, ses ambitions vont au-delà de l'aspect pratique qu'affichent ses trois hectares de terre. Selon le vigneron, c'est la volonté de renouveau, d'un changement d'air au sein de son exploitation, et l'appel du défi, qui l'ont poussé à s'implanter dans des communes de l'Yonne. "À Chablis on n'a plus la possibilité de planter de nouvelles parcelles, l'appellation est à son maximum. Dans l'Auxerrois il y a encore des possibilités, même si on est au bout de l'extension de vignoble", fait-il savoir. Face à cette impasse, autant se diversifier... Et aller voir ailleurs.
L'intérêt de planter ici c'est de faire du nouveau, faire du vin rouge, mais en dehors des appellations de Bourgogne.
Romain Bouchard, vigneron
Sur ses parcelles, le vigneron a planté du Pinot noir et du Gamay. Les vignes sont encore jeunes - une partie a été plantée cette année - et ne produiront pas de Grand ou de Premiers crus. Ces cuvées siglées IGP (indication géographique protégée) Yonne, une des appellations les plus basses de Bourgogne, seront biologiques, de qualité, mais resteront d'entrée de gamme. Clairement, l'ambition ici n'est pas de produire du Chambertin. Toutefois, la terre acquise par Romain, composée d'argile, de limon et de silex, promet de belles choses au viticulteur, qui a eu du flair.
Romain Bouchard a bon espoir. "On pense que ça peut faire des choses intéressantes en rouge. Mais bon, on est vignerons donc je pense qu’on sait faire du vin... On fait les choses du mieux qu’on peut en tout cas." Une première récolte devrait inaugurer le domaine dès l'an prochain.
Une IGP florissante
Les vins dits "IGP Yonne" sont produits par une trentaine de viticulteurs répartis sur 65 hectares de vignes. L'ambition des professionnels est de passer à 200 hectares d'ici 10 ans. Pourtant, au commencement, ce projet - finalement pas si insensé - n'était qu'un petit objectif développé par une bande de copains. Aujourd'hui, l'appellation Yonne peut s'enorgueillir de se rapprocher de la cour des grands.
Clément Pointeau-Langevin est président de cette IGP. Pour lui, l'appellation Yonne est devenue un réel outil social : "Elle a permis de ramener la vigne dans des villages où elle avait disparu et les gens y croient vraiment économiquement."
Pour ceux qui n'ont pas toujours les moyens d'avoir des terres en appellation, cette IGP permet de recréer des emplois comme à Sens, sur l'Avallonais et ici, à Villeneuve-sur-Yonne.
Clément Pointeau-Langevin, président de l'IGP Yonne
Des vins accessibles pour les vignerons, mais également pour les consommateurs. L'IGP Yonne, un vin rouge léger, abordable pour les débutants, permet aux foyers modestes et moyens d'acquérir des cuvées de niche ou de s'offrir de belles bouteilles de Bourgogne ne dépassant pas les 30 euros.
"On ne cherche pas à concurrencer les grands", conclut Clément Pointeau-Langevin. "On se fait cobaye dans ces grandes appellations, notamment dans l'évolution des cahiers des charges qui tentent de trouver des cépages résistants, plus adaptés au climat et des attentes sociétales sans résidus chimiques."