Mille jours après la réouverture post-covid, les boîtes de nuit toujours pas à la fête

Elles ont fermé pendant plus de deux ans en raison de la crise sanitaire. Depuis, 1000 jours après la réouverture post-covid, plusieurs centaines de discothèques ont baissé définitivement le rideau. Les autres retrouvent petit à petit la fréquentation d'avant 2020. Désormais, c'est notamment la crise du pouvoir d'achat qui pèse sur l'activité du monde de la nuit.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Trophée en main et large sourire, Sophie Rault ne boude pas son plaisir. Avec son mari, elle vient de remporter l'une des 13 récompenses, décernées en grande pompe ce lundi 13 janvier 2025, au carrousel du Louvres. Tous les deux sont cogérants de la boîte de nuit "Top 80" installée à Quessoy dans les Côtes-d'Armor. Ils ont obtenu un premier prix dans la catégorie "animation du territoire" remis, chaque année, par l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie. 

À LIRE AUSSI : Dans cette discothèque, on cultive l'esprit des bals à papa

Cérémonie des "trophées de la nuit" © document Sophie Rault

"C'est une vraie reconnaissance. Nous sommes contents. Nous avons monté cet établissement de toutes pièces il y a 12 ans. Nous sommes partis de rien", se réjouit Sophie Rault.

Une discothèque interdite aux moins de 25 ans

La discothèque trouve sa place dans une zone artisanale et en milieu rural. Une boîte de nuit qui fait le choix de ne pas accueillir les plus jeunes. "Interdite aux moins de 25 ans et aux baskets" précise la gérante qui ajoute "Il n'y avait pas de discothèques pour les vieux avec les musiques des années 80."

L'établissement va petit à petit se faire connaître. Six à huit mois de bouche-à-oreille pour finalement accueillir près d'un millier de clients les soirs de week-end. Pour la patronne du Top 80, l'aventure reste marquée par les années covid. "La covid a ralenti notre activité et nous n'avons pas retrouvé la fréquentation d'avant la pandémie".

Une clientèle qui a modifié ses habitudes

Entretemps, les clients ont modifié leurs habitudes. "Ils fréquentent beaucoup plus les bars ou bien restent entre amis désormais" insiste la gérante du Top 80. Un monde de la nuit qui doit perpétuellement s'adapter aux nouvelles contraintes en termes de sécurité, mais aussi d'accompagnement de la clientèle par rapport à la consommation d'alcool... "Les gens sont là pour s'amuser, nous sommes là pour qu'ils s'amusent, mais nous, on ne s'amuse pas, car il y a beaucoup de réglementations".

Ils ont fermé les discothèques mais pas les clubs échangistes. Pendant la covid, la situation a été très mal gérée

Carl Hautbois

propriétaire "Le Gossip Club" à Vitré (Ille-et-Vilaine)

À 130 kilomètres de là, à Vitré en Ille-et-Vilaine, Carl Hautbois gère le Gossip. En tout, deux salles, l'une pour la musique urbaine destinée aux plus jeunes, et l'autre pour les sons des années 70 à 2000, recherchés par les 30/55 ans. "Nous avons subi une très mauvaise gestion de la situation " estime Carl Hautbois, à la tête de l'entreprise qui compte 13 salariés.

Le chef d'entreprise a la dent dure contre les pouvoirs publics de l'époque. "Le ministre de la Santé n'a jamais voulu recevoir les représentants de la profession. Ils ont fermé les boîtes de nuit, mais pas les clubs échangistes." Un chef d'entreprise qui avoue "Nous avons perdu des plumes et pas que sur le plan financier. D'un point de vue psychologique aussi. Surtout, qu'il y avait plein d'absurdité dans les décisions qui étaient prises."

Une crise économique qui fait peur

Même si après la covid et au moment de la réouverture, la clientèle est revenue massivement, le secteur doit désormais affronter d'autres crises et notamment celle de la baisse du pouvoir d'achat des clients.

Et Carl Hautbois dit tout au haut ce que d'autres ont tendance à taire. "Comme les politiques nous ont traités de commerces non essentiels, on ressent les choses bien avant les autres secteurs. Nous avons au moins six mois d'avance en ce qui concerne la connaissance de l'état psychologique des Français. Dans la bouche des gens, depuis la fin 2023, ça rabâche les mêmes choses. Les gens sont dans le flou. La situation de crise qu'on vit, ça fait peur à tout le monde." Conséquence, dans cette boîte de nuit de Vitré, même si la clientèle est là, le panier moyen a baissé d'environ 20%.

200 établissements ont fermé en France depuis la pandémie

Une situation fragile que vit tout le secteur de la nuit en France. Selon Laurent Lutse, président de la branche CBEN (Cafés, Bars, Établissements de nuit) au sein de l'Umih nationale (L'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie), les chiffres sont mauvais : "Nous étions plus de 1 200 entreprises avant Covid et nous sommes désormais environ 1 000." Un effondrement qui s'explique par les problèmes de trésorerie. "Les entreprises ont d'énormes difficultés à rembourser leurs emprunts de PGE (prêt garanti par l'État). Certaines ont emprunté plusieurs centaines de milliers d'euros qu'il faut rembourser. S'ajoutent aussi les hausses des matières premières, des taxes ou encore des charges sociales."

Même son de cloche pour Régis Toutain qui gère le célèbre "Myssil" à Pontivy dans le Morbihan. Le gérant du club est aussi président de l'Umih du Morbihan. Pour lui, "On a eu la covid et maintenant, on ne cesse de vivre des crises différentes et successives. Une mauvaise nouvelle chasse l'autre. Trois établissements ont fermé dans le Morbihan".

Notre secteur ne vit pas sous cloche.

Régis Toutain

patron club "Le Myssil" à Pontivy (Morbihan)

Sans compter un phénomène qui inquiète la profession. "On vit dans une insécurité grandissante dans la société" affirme le gérant du Myssil. "Notre secteur ne vit pas sous cloche. L'une des plus grosses difficultés pour nous désormais, c'est de gérer les refus à la porte." Il précise "Le code de santé publique nous interdit de faire entrer des personnes alcoolisées ou qui ont un comportement pas normal. Nos salariés et nous-mêmes, nous sommes tous en première ligne. J'ai été choqué d'apprendre ce qui s'est passé à Marseille il y a quelques jours devant une discothèque." 
Dans la nuit de samedi à dimanche dernier, un videur d'une boîte de nuit du 11ᵉ arrondissement dans le quartier de la Valentine à Marseille a été abattu. Le salarié de 38 ans, blessé mortellement à la tête, avait refoulé, quelque temps avant, l'auteur présumé des faits.

Pour Régis Toutain, de nouvelles dispositions doivent être menées pour mieux accompagner le secteur des discothèques. "Il faut alléger les normes et les réglementations". Mais pour lui, il y a une nouvelle difficulté. "De nombreuses discothèques ont passé la covid, mais la situation reste très fragile. Et on doit en plus subir l'instabilité gouvernementale, qui nous empêche d'avancer sur de nombreux dossiers."

À LIRE AUSSI : Laissez-nous danser

Un secteur en pleine évolution

Pour Laurent Lutse, pour l'Umih nationale, le secteur réussit quand même à se moderniser. "La nuit commence le jour. Les gens font la fête en afterwork. Il y a aussi désormais 8 500 bars de nuit et bars dansants. Sans compter la multiplication des guinguettes. Il n'est pas rare aussi que les discothèques proposent de la restauration pour élargir leur offre et leur clientèle."

Se diversifier, c'est justement le pari que se sont lancé les patrons de la boîte Top 80 de Quessoy. Avec leur fille, Carla, Sophie et Philippe Rault ont ouvert un bar de 150 m².

Une manière d'attirer le public et de tenter de le garder jusqu'au bout de la nuit.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information