Témoignage. Malgré des diffamations et une intrusion à son domicile, ce maire y croit encore

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Alors que l'Association des maires de France tient son 105ème congrès du 20 au 23 novembre 2023, et que 10.000 élus locaux sont attendus au Parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le blues des maires se fait de plus en plus palpable. Nous avons recueilli le témoignage de Thibaut Guignard qui nous raconte son quotidien de maire de Ploeuc-L'Hermitage, dans les Côtes d'Armor.

Les atteintes aux élus ont augmenté de 15% entre 2022 et 2023, selon le Ministère de l'Intérieur. 

2 387 atteintes aux élus ont été comptabilisées au 12 novembre 2023. C'est plus que sur toute l'année 2022 (2 265 atteintes). D'après les projections, les atteintes aux élus vont même grimper pour atteindre 2 600 d'ici à la fin de l'année. Le terme "atteintes" comprend notamment les injures, les messages menaçants, les violences physiques ou encore les dégradations de permanences.

Dans le détail, ces atteintes concernent 6 fois sur 10 les maires. Il s'agit principalement de menaces, d'injures ou d'outrages (70% des cas). Le cyberharcèlement représente un quart de toutes les atteintes comptabilisées, détaille le ministère. 

"Libération de la parole"

Ces atteintes, en hausse, s'expliquent de plusieurs manières. Toujours selon le ministère, il y a d'un côté la "libération de la parole", à l’image de ce qui avait été fait sur le sujet des violences intrafamiliales. Depuis plusieurs mois, la ministre et les forces de l’ordre appellent en effet les élus à porter plainte, quelle que soit la gravité de l’acte. D'un autre côté, plusieurs événements nationaux ont été vecteurs de violences cette année : retraites, violences urbaines, etc.

Intrusion au domicile et diffamation

Parmi les élus touchés, le maire de Plœuc-L’Hermitage, Thibaut Guignard, qui a déposé deux plaintes le mardi 7 novembre 2023 : la première pour une intrusion à son domicile, l’autre pour diffamation suite à un commentaire Facebook. Après le passage de la tempête Ciaran, un administré a pénétré à son domicile pour vérifier si le maire n'avait pas bénéficié d'un rétablissement prioritaire de l'électricité.

Nous avons recueilli son ressenti.

  • Qu’est-ce qui a changé chez vos administrés depuis quelques années ? Et dans vos rapports quotidiens ?

"Depuis quelque temps, une infirme partie de nos administrés, ont un rapport de consommateurs vis-à-vis des services publics. « Je paye des impôts donc j’ai le droit à ». Rappelons au passage que les impôts prélevés directement par la commune sont très faibles depuis la suppression de la taxe d’habitation. Ce sont souvent des gens exigeants, impatients, égocentrés que j’appelle les « ouimémoi ». Mais ils ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt d’une communauté humaine qui vit bien ensemble, participe à la vie de la commune, fait preuve de solidarité autant que de besoins et respecte la fonction d’élu".

  • Quel est le plus difficile dans le rôle d’un maire à l’heure actuelle ?

"Le plus difficile est d’expliquer les compétences de chacun. Entre la Mairie, l’intercommunalité, le Département, la Région, l’Etat… Plus personne n’y comprend rien. Il est temps de construire un couple fort Régions-Communes. Lors de la tempête en Bretagne, certains ont reproché aux maires de devoir attendre le rétablissement de l’électricité ! Mais ce ne sont ni les élus, ni les secrétaires de mairie qui montent en haut du pylône pour réparer les casses. Ce sont les agents d’ENEDIS qui ont fait, et continuent à faire, car le chantier n'est pas terminé, un travail remarquable". 

  • Vous comprenez que de plus en plus de maires jettent l’éponge ?

"Oui. Certains en raison de la surcharge de travail. D’autres face à l’attitude de certains de nos concitoyens. D’autres encore car ils ont été élus pour porter des projets, pas pour passer leur temps en réunions. La réunionnite tue les vocations. Et là, les intercommunalités, les Conseils départementaux ont leur part de responsabilité". 

  • À quoi un maire doit-il porter une attention particulière aujourd’hui ?

"Aujourd’hui le maire doit être en proximité avec ses administrés pour régler les difficultés personnelles et développer sa commune pour renforcer le vivre ensemble. C’est sans doute le vrai sens de la fonction. Mais il doit aussi être un expert du PLUI, du SCOT, du SRADDET, du RLPI, du ZAN mais aussi du PLH, du PDU … et du PCAET. Comment pouvons-nous faire ?"

  • Quel est votre état d’esprit désormais ?

"Je suis toujours aussi passionné par ma fonction d'élu local. Après la tempête Ciaran durant laquelle les élus et les agents municipaux ont été particulièrement bousculés et alors que mon domicile a été visité pour « s'assurer que le maire n’avait pas retrouvé l’électricité avant les autres », je me suis plongé dans la journée offerte à nos anciens par le CCAS. Une journée de convivialité avec une génération qui a connu pire, bienveillante et reconnaissante. Ça recharge les batteries ! Il en est de même lorsque j'ai installé le nouveau Conseil municipal des Jeunes composé de 25 jeunes élus dans leurs écoles et investis pour notre commune". 

  • Quel message aimeriez-vous faire passer ?

"Que notre société ne va pas bien. Les élus sont malmenés mais les professeurs aussi, les agents d’accueil des services sociaux, les professionnels de santé dans des services d'urgence au bord de l’implosion, sans parler des forces de l'ordre qui assurent notre sécurité. Il faut rétablir l’ordre, le respect, la citoyenneté, les solidarités humaines… et cela dépend, sans doute, plus du ministère de l'Éducation que du ministère de l'Intérieur". 

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