821 essais cliniques réalisés en 2014, en France, sans problème. L'accident thérapeutique de Rennes, en janvier dernier, a remis un coup de projecteur sur cette étape indispensable avant la commercialisation d'un médicament. Comment les essais cliniques se déroulent-ils? Avec quels contrôles?
En Bretagne, trois centres de recherches cliniques sont autorisés par l'ANSM (l'Agence du Médicament) et le Ministère de la Santé à mener des essais cliniques de phase I sur des volontaires sains (1ère administration à l'homme): le centre d'investigation clinique du CHU de Rennes (en partenariat avec l'Inserm), celui du CHU de Brest et, pour le secteur privé, le Centre de recherche Biotrial à Rennes.
Vaccin Ebola: essai suspendu à Rennes
A Rennes, par exemple, le Centre d'investigation Clinique du CHU-Inserm participe, depuis décembre 2015, à un essai vaccinal contre le virus Ebola. 300 volontaires sains devaient être recrutés pour tester ce vaccin durant un an, moyennant "une indemnisation compensatoire". A l'époque, le centre n'avait pas lésiné sur les communiqués pour atteindre le nombre de volontaires requis. Nous avions d'ailleurs pû rencontrer l'une de ces volontaires.Six mois après: impossible de franchir de nouveau les portes du CIC, en dépit de nos multiples sollicitations.
Ce mardi, France Bleu Alsace et France Info annoncent que l'essai sur le vaccin Ebola a été suspendu. Un volontaire aurait développé des troubles neurologiques, "un syndrome de Miller-Fisher, une variante assez rare du syndrome de Guillain-Barré".
L'accident, survenu en janvier dernier à Rennes, aurait-il jeté un froid sur l'ensemble de la recherche clinique ? Les volontaires seraient-ils plus réticents ? Ou, au contraire, le coup de projecteur donné aux essais cliniques a-t-il permis de mettre en lumière le caractère indispensable de ces essais ?
La recherche clinique française en pointe pour le cancer et les maladies rares
Depuis des années, des voix s'élèvent pour demander que les essais pré-cliniques (in vitro et sur les animaux) et cliniques (sur l'homme) soient mieux contrôlés. Régulièrement, la revue médicale indépendante, Prescrire, s'en fait l'écho.Selon l'ANSM, l'Agence du Médicament, 821 essais cliniques sur des médicaments ont été menés en France en 2014. En terme de recherche clinique, la France est performante dans le domaine des maladies rares et de la cancérologie. Elle est en revanche bonne dernière pour ce qui concerne les champs cardiovasculaire, diabète et respiratoire.
Marie: "pour moi et pour la recherche..."
Au Centre Eugène Marquis de Rennes, nous avons rencontré Marie [prénom d'emprunt]. Quelques jours après l'accident de Rennes, cette élégante septuagénaire a accepté d'intégrer un essai clinique portant sur un traitement anti-cancéreux basé sur l'immunothérapie.
- Marie, patiente volontaire
- Dr Thierry Lesimple, oncologue et responsable de l'Unité de recherche clinique
- Dr Claude Bertrand, pharmacien
- Equipe: H.Pédech, C.Rousseau, H?Notat
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©France 3 Bretagne
Le Centre Régional de Lutte contre le Cancer de Rennes a participé, en 2015, à 83 essais cliniques incluant 1523 patients. "Après l'accident de Rennes, nous nous sommes préparés à faire face à une certaine réticence des patients susceptibles de participer à un essai, note le docteur Thierry Lesimple, responsable de l'Unité de Recherche Clinique à Eugène Marquis. Cela n'a pas été le cas".
On peut quitter l'essai à tout moment
A la différence des volontaires pré-cités, Marie est malade. Il y a deux ans, elle a appris qu'elle souffrait d'un cancer de la vessie. Les deux précédents traitements chimiothérapiques n'ayant pas donné de résultat satisfaisant, elle a accepté de participer à cet essai à la fois dans l'espoir d'améliorer son état de santé mais aussi "pour les autres", parce que c'est une condition sine qua non au progrès médical. Un engagement basé sur la confiance.Comme n'importe quel volontaire, malade ou sain, Marie peut demander à quitter l'essai à tout moment.
Double contrôle
Toutes les deux semaines, avant chaque injection du traitement test, Marie se rend au centre anti-cancéreux Eugène Marquis pour y subir une série d'examens. Le médecin oncologue, qui la suit, la reçoit en consultation: perte de poids, réaction sur la peau à l'endroit de l'injection, céphalées, etc. L'efficacité de la thérapie et surtout les éventuels effets secondaires sont contrôlés. Cet essai de phases I et II est mené dans plusieurs autres centres de recherche y compris à l'étranger.Le docteur Thierry Lesimple explique que "parallèlement à la surveillance pratiquée par le personnel soignant du Centre Eugène Marquis, les résultats et indicateurs d'effets secondaires sont contrôlés par un comité de surveillance extérieur à la fois indépendant d'Eugène Marquis et du laboratoire pharmaceutique qui développe le traitement".
La réponse de l'Etat
Pour tout essai, l'ANSM doit être informée "des effets indésirables graves et attendus pouvant être lié au médicament expérimental". Lorsqu'il s'agit d'effets indésirables mettant en danger la vie du patients, l'Agence du médicament doit être alertée "sans délai et, au plus tard, dans un délai de 7 jours calendaires". Pour les effets indésirables bénins, l'ANSM exige d'être alertée "dès que possible et au plus tard dans les 15 jours calendaires".Si ces délais ont été respectés par Biotrial lors de la survenue de l'accident de Rennes, le ministère de la Santé a publié, le 1er mars 2016, une circulaire qui demande aux centres de recherche clinique de déclarer "sans délai (...) tout effet indésirable conduisant à une hospitalisation".
C'est, en tout cas pour l'heure, la seule modification officielle apportée suite au drame de Rennes.