Agnès Pannier-Runacher a annoncé, ce vendredi au Guilvinec dans le Finistère, à mettre "20 millions d'euros sur la table" pour compenser la fermeture du golfe de Gascogne. Baisse des tonnages, règles du Brexit, la ministre de la Pêche a tenté de rassurer les pêcheurs du Finistère.
Il était 5h30 ce matin quand la ministre de la pêche a débarqué dans le port du Guilvinec. Agnès Pannier-Runacher vient rencontrer les acteurs d'une filière en crise : Brexit, plan de sortie de flotte, fin des aides carburant, interdiction prochaine de pêcher dans le Golfe de Gascogne... Les sources d'inquiétudes sont nombreuses. D'ailleurs, des chiffres-clés lui sont vite rappelés. "L'année dernière, pour vous donner un ordre d'idée, on a baissé le chiffre d'affaires d'une dizaine de pour cent. Et là, on démarre l'année sur une base de moins 20% parce qu'on manque cruellement de poissons !" alerte au passage de la ministre, Guénolé Merveilleux, le président du groupe de mareyage Océalliance.
Moins de 10.000 tonnes de poissons en 2024
La criée de ce port finistérien est une place forte de la pêche cornouaillaise. Une pêche qui est passée en 2024 sous la barre des 10.000 tonnes de poissons. C'est deux fois moins qu'il y a dix ans. La faute notamment au Brexit qui a réduit l'amplitude de travail de l'ensemble de la filière et contraint les acteurs a une organisation, écologiquement et financièrement différente : "L'aberration de notre système, c'est que plutôt que d'acheter nos poissons avec des bateaux d'ici, on est parti acheter nos poissons au Danemark, en Norvège, en Islande..." poursuit Guénolé Merveilleux.
Résultat, plusieurs entreprises sont en sursis. Et ce n'est pas la fermeture de la pêche dans le Golfe de Gascogne entre le 22 janvier et le 20 février qui les rassure... Plus de 300 navires de la façade Atlantique (sur les 450 navires français) sont concernés.
La ministre chargée de la Transition écologique, la Biodiversité, la Forêt, la Mer et la Pêche, Agnès Pannier-Runacher tente de rassurer. Elle dit tout mettre en œuvre pour lever l'interdiction en 2027. D'ici là, l'État, assure-t-elle, va compenser "les pertes". Et la ministre de s'engager "à mettre 20 millions d'euros sur la table, c'est-à-dire une enveloppe légèrement supérieure à l'année dernière", pour aider les pêcheurs dont les bateaux resteront à quai.
Nombre de décès de dauphins divisé par quatre
338 navires (des bateaux de plus de huit mètres) seront concernés par cette nouvelle fermeture de la pêche dans le Golfe de Gascogne entre le 22 janvier et le 20 février. C'est la deuxième année que la mesure va s'appliquer pour protéger les cétacés, ce que la ministre de la pêche défend.
Outre la pêche, il ne faut pas oublier que la Ministre est aussi en charge de la Transition écologique, de la Biodiversité et la Mer : "C'est une mesure de protection, déclare-t-elle. Et on a pu constater l'année dernière qu'elle fonctionnait puisqu'on a enregistré une division par quatre du nombre de décès de dauphins et autres cétacés. Ça veut dire que ça marche."
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Concilier pêche et protection des cétacés
Mais la Ministre ne se dit pas "satisfaite de devoir compenser et empêcher les bateaux de travailler." Elle a demandé à ses équipes "d'accélérer sur la mise en place de mesures qui permettent de concilier la pêche et la protection des cétacés", avec des "effaroucheurs".
"Nous avons une task force qui est au travail, qui s'est réunie déjà deux fois cette semaine pour regarder comment on installe ces dispositifs, comment on les accompagne, comment on rassemble avec les scientifiques les données qui permettront de faire la démonstration que l'on peut effectivement continuer à pêcher en diminuant fortement l'impact sur les cétacés", décrit la ministre.
D'ici deux ans, son objectif est de "permettre la réouverture de la pêche dans le Golfe de Gascogne pour les bateaux de plus de huit mètres", en 2027. D'ici là elle veut voir si "dès 2026, on peut faire la démonstration que, par exemple, les navires équipés sont capables d'éloigner les cétacés et du coup de pouvoir pêcher".

Mais la ministre répète qu'il faut "des données scientifiques, il faut des résultats, et c'est pour ça qu'il est important de travailler de manière très rapprochée avec les professionnels de la pêche et c'est mon engagement".
"Conséquences très lourdes" pour les différents acteurs
Quelques heures avant sa venue, le président du Conseil régional de Bretagne (présent ce vendredi aux côtés de la Ministre) avait tenu à rappeler que "si la préservation des cétacés est un enjeu essentiel, elle doit s’articuler avec une vision équilibrée des activités maritimes." Loïg Chesnais-Girard d'insister : "Dans un contexte où nous importons 70% de notre poisson, nous devons intégrer cet impératif écologique dans une stratégie globale de souveraineté alimentaire et de solidarité à l’égard de nos travailleurs de la mer."
L'interdiction, prise par la Commission européenne et motivée par la volonté de limiter les captures accidentelles de dauphins et marsouins, aura selon lui "des conséquences très lourdes pour les pêcheurs, mareyeurs, criées, déjà fragilisés par de multiples crises : Brexit, réduction des quotas, hausse du prix du gasoil, resserrement réglementaire, inflation... Elle touche un secteur primordial pour l’activité économique en Bretagne, et pour la souveraineté alimentaire en Europe."
La veille de cette visite ministérielle en terres finistériennes, David Le Quintrec, le président de l'UFPA (Union Française des Pêcheurs Artisans) a lui annoncé jeudi 16 janvier, avoir déposé un recours en référé devant le Conseil d'État contre un arrêté ministériel qui oblige 115 navires à s’équiper de caméras embarquées d'ici le 30 octobre 2025. Objectif : réduire les captures accidentelles de dauphins. "Ces caméras, une fois installées, serviront à fliquer les pêcheurs. Elles seront à charge" a regretté David Le Quintrec, qui rappelle que "la protection des populations de petits cétacés dans les eaux françaises et tout particulièrement dans le Golfe de Gascogne, est une problématique récurrente pour la pêche artisanale suspectée d'être responsable d'une mortalité d'origine anthropique par le biais des captures accidentelles dans les filets de pêche." Il conteste le fondement et la méthodologie de ce nouvel arrêté.
(Avec AFP, Claire Louet et Stéphane Soviller)