Ce 31 janvier 2025, une partie du personnel de l’Ehpad de Quimperlé s’est rassemblée devant l’établissement pour dénoncer ses conditions de travail. Des repas servis en quatre minutes, des toilettes faites en 10, des douches qui deviennent mensuelles. Des familles des résidents lâchent le mot : maltraitance.
Elle a décidé de prendre la parole, mais préfère témoigner de façon anonyme. "Les familles et les résidents ont peur de parler, dit-elle, ils ont peur des représailles. Il y a des résidents qui se sont entendus dire, vous ne savez pas qui on est, vous ne savez pas de quoi on est capable."
Les résidents se taisent, les familles aussi, c’est l’omerta
Son proche se trouve dans un Ehpad du Finistère. Elle sait que les résidents cachent souvent leurs tracas. "Ils parlent très peu à leurs familles parce qu’ils ne veulent pas les inquiéter. Et quand les familles voient quand même des choses anormales, elles n’osent pas non plus s’exprimer. Elles se demandent, qu’est ce qui va se passer pour mon parent si on dit quoi que ce soit. Est-ce qu’il sera mis à la porte ? " Et puis, se tourmente-t-elle, "quand on n’est pas auprès d’eux, on ne sait pas ce qui se passe."
Mais ces derniers mois, plusieurs familles ont saisi la direction, inquiètes pour leurs proches.
Alors, elle parle et raconte les courriers qu’elle a reçus de certaines aides-soignantes : elles dénoncent le manque de douche, évoquent le fait que les résidents sont couchés à 16h30 voire levés un jour sur deux, rapportent l’histoire de ce résident qui chute et n’est relevé que 2h plus tard.
"Et c’est vrai que la situation se dégrade, constate-t-elle. Auparavant les résidents étaient douchés une fois par semaine, on nous annonce une douche par mois."
Lire : Crise financière dans les Ehpad. Les maires bretons attaquent l'Etat en justice
Personnel épuisé, résidents en danger
Sur une pancarte devant l’Ehpad de Quimperlé, le personnel a résumé : "Repas : 4 minutes, toilette : 10 minutes, douche 15 minutes, quand c’est possible !"
Sandra, aide-soignante regrette, "on ne peut plus s’occuper des résidents parce qu’il y a moins de personnel."
"Quand on rentre le soir, on culpabilise parce qu’on n’a pas l’impression d’avoir accompli notre travail jusqu’au bout. On doit aller très vite. Et s’il manque quelqu’un, il faut aller encore plus vite. Souvent, on dit, excusez-moi, ça sonne, excusez-moi faut que… Et on passe notre temps à s’excuser."
"Les résidents restent au lit trois jours par semaine parce qu’on ne peut pas lever tout le monde et il y a plein de petites choses qu’on faisait avant, discuter avec les résidents, on ne peut plus faire."
"Les personnes âgées ne sont pas là uniquement pour qu’on les toilette, rappelle Ludovic Benabes, aide-soignant et élu CGT, elles sont là aussi pour exister et avoir de l’écoute."
Lire : 650 millions d’euros pour les Ehpad, "une goutte d’eau dans l’océan"
Maltraitance
Alors le mot tombe : "Je pense que c’est de la maltraitance, explique la fille d'un résident. Il y a des humiliations quotidiennes, des insultes. Les résidents peuvent être menacés de changer de secteur. On leur dit, si vous appelez trop souvent, si vous êtes trop demandeur, on va vous mettre en bas en secteur fermé."
"Mais c’est vrai qu’il manque du personnel, poursuit-elle, donc c’est compliqué."
Elle préfère croire que des moyens vont être débloqués et insiste. "Il faut parler de tous ces soignants qui travaillent bien, qui ont le cœur à ce qu’ils font, qui sont dans l’empathie, qui sont professionnels avec les personnes âgées."
Mais avant de conclure, elle le reconnaît ; la situation l'angoisse.
(Avec Claire Louet)