Il y a encore quelques jours, Valentina, Anna, Léna et leurs cinq enfants se terraient dans un bunker en Ukraine. Elles viennent d’arriver en Bretagne et découvrent, les larmes aux yeux, la maison, les meubles et les vêtements que les habitants de Beignon ont préparés pour eux.
"On imaginait que peut être, on pourrait dormir quelque part par terre dans une salle des sports, et là, on a une maison…" Les yeux de Valentina s’embuent. Elle ne termine pas sa phrase, mais son silence en dit long.
Il n'y a pas si longtemps, Valentina était professeur de français en Ukraine. "On avait une vie heureuse, ordinaire. On allait au travail, les enfants allaient à l’école." Et puis, le 24 février, l’armée russe est entrée dans le pays.
"Là-bas, on tue les gens, on tue les enfants, nous n’étions pas en sécurité. Ils détruisent tout ce qu’on peut détruire, ce sont des barbares. Ils appellent cela la paix russe, on n’a pas besoin de ce genre de paix, ce n’est pas la paix, c’est la guerre !"
"On a dit : Oui ! "
L’épouse de Dominique Lamballe est née dans la région du Dombass. Elle vit en France depuis 30 ans. "Jeudi soir, vers 22 h, son cousin Sergueï a téléphoné. Sa femme, ses cousines et leurs cinq enfants étaient cachés dans un bunker mais les conditions devenaient catastrophiques, raconte Dominique. Ils craignaient pour la vie des enfants. Au téléphone, on entendait le bruit des bombes. Il nous a demandé si on pouvait accueillir les femmes et les petits, on a dit oui !"
Le lendemain matin, Dominique Lamballe appelait la maire de Beignon. "Il fallait que tout le monde soit d’accord, explique Dominique, après tout ce qu’ils ont vécu, il n’était pas question de les mettre à nouveau dans une situation compliquée." Sylvie Hourmand a, elle aussi, aussitôt accepté.
Un terrible voyage
Pendant ce temps, Valentina, Anna, Léna et les enfants traversaient l’Ukraine en train, sous les bombes. "Nous ne savions pas si elles allaient nous tomber dessus , témoigne Valentina. Quand nous avons passé la frontière, nous nous sommes sentis en sécurité. On ne nous a rien demandé, juste nos passeports et alors, on nous a donné des billets de train gratuits, on a offert du chocolat et des gâteaux aux enfants, nous sommes très reconnaissants au peuple français."
A Beignon, une maison a été trouvée. Michel, peintre en bâtiment s’active depuis ce weekend end pour la rafraichir. "Les hommes sont bêtes, soupire-t-il, tout ça pour un bout de terre. Elles, elles n’ont rien demandé, alors si on peut les aider…"
Une fois le toit déniché, la maire de Beignon a lancé un appel sur les réseaux sociaux pour demander aux habitants d’aider à meubler la maison. Elle a été submergée de réponses. Les gens ont amené des lits, un canapé, de la vaisselle, de l’électroménager. Ce matin encore, Esteban est passé en mairie avec sa maman pour poser des jouets parce qu’il a appris que parmi les réfugiés, il y avait des enfants de son âge.
"Les gens se sont sentis très concernés, explique l'élue. Beaucoup disent, la guerre est à notre porte, et s’interrogent, et si c’était nous qui devions fuir ?"
Une nouvelle vie
Après avoir tout laissé en Ukraine, Valentina et Léna découvrent des dizaines de cartons préparés pour elles. "Nous n’aurions jamais cru ça possible, nous avons tout, des vêtements, des meubles. Toutes les choses importantes pour la vie quotidienne."
"Les enfants ont eu du mal au début mais ils sont en sécurité, ils se sentent protégés. C’est tellement chaud et accueillant ici. Tout va bien. Je ne sais pas ce que je peux encore ajouter parce que c’est quelque chose d’extraordinaire."
"C’est impossible d’expliquer la douleur de quitter son pays, son mari, ses parents, ils sont en danger. Nos maris sont restés en Ukraine pour défendre le pays. On aime notre terre. Mais c’est très dur, parce que le peuple qui était notre voisin, notre frère nous a envahi et nous tue" souffle Valentina.
Dès samedi, lorsque les derniers coups de pinceaux auront été donnés, Léna, Anna et Valentina et les petits pourront venir s’installer dans leur maison. Les enfants sont inscrits à l’école et au collège. Elles iront travailler dans l’entreprise de menuiserie de Dominique Lamballe.
"A partir de dimanche, ils vont vivre parmi nous, déclare Sylvie Hourmand, ce sera à nous de prendre soin d’eux."
Valentina ne peut cacher son émotion." Merci à tous les habitants de Beignon pour ce qu’ils ont fait, ce qu’ils font, c’est vraiment extraordinaire, ça sauve la vie."