Inondations. "Il faut s'adapter aux dérèglements climatiques". Les agriculteurs subissent des pluies diluviennes depuis un an et demi

Sols saturés d'eau, routes coupées, pâturages inondés, tempêtes à répétition... Les agriculteurs s'adaptent aux conditions climatiques extrêmes. 2025 s'annonce d'ores et déjà compliquée, après deux années marquées par des pluies inédites.

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Face aux inondations, les agriculteurs ont trouvé des solutions. Certains éleveurs laitiers ont dû jeter leur lait un jour ou deux, faute de routes praticables pour la collecte de lait. D'autres ont déménagé leurs animaux qui ne pouvaient plus rester les pattes dans l'eau. 

Sébastien Vétil, éleveur de vaches armoricaines à Guipry-Messac, s'inquiète pour la suite. Ses vaches très rustiques ont l'habitude de vivre en plein air, elles ont néanmoins vécu trois crues en quelques mois. Une épreuve. Celles qui devaient vêler ont été mises à l'abri dans un bâtiment. Impossible de mettre au monde un veau sur une prairie inondée. 

Un champ inondé à Guipry-Messac (35) - Janvier 2025 © DR

Côté céréales, Sébastien espère que le blé planté en novembre survivra. Les récoltes ont été catastrophiques l'été dernier. Il devient très difficile de semer, de récolter. 

On n'a jamais connu ça. Autant de pluie, de tempêtes, de sols détrempés. Et l'hiver est loin d'être fini

Sébastien Vétil

Éleveur de vaches armoricaines et de chèvres angora à Guipry-Messac

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Olivier Niol, éleveur de volailles à Saint-Jean-la-Poterie, dans le Morbihan, à 600 mètres à vol d'oiseau de Redon, a de son côté aménagé son organisation. Avec les difficultés de circulation, il a dû renoncer à la vente à la ferme la semaine passée. Au lieu des 170 poulets livrés à des clients habituels, il s'est limité à en vendre 40. "Il ne faudrait pas que ça dure trois semaines" concède-t-il. Installé sur une butte, à l'abri des inondations, Olivier attend la décrue pour reprendre une activité normale. Il relativise la situation. Son système économe et résilient lui permet de passer une crise comme celle-là. C'est la répétition de ces épisodes extrêmes qui l'interroge pour 2025 et les années à venir. 

Des ruches noyées

À Goven, en Ille-et-Vilaine, Tiphaine Daudin, apicultrice, a perdu une partie de ses ruches dans les inondations. Installée depuis janvier 2024, elle est en phase d'installation et de progression. Ses ruches sont réparties chez différents agriculteurs. Quand l'eau est montée, les abeilles se sont retrouvées piégées dans leur habitation. Plusieurs centaines de milliers ont été noyées. L'apicultrice va devoir reconstruire, racheter des essaims et entamer des démarches administratives. Tout doit être prêt dans un mois quand les abeilles reprendront leur activité. 

C'est une production de miel qui ne se fera pas. C'est une perte économique mais il faudra aussi beaucoup de temps pour rattraper cet accident météorologique.

Tiphaine Daudin

Apicultrice

Des ruches noyées par la crue de janvier 2025 en Ille-et-Vilaine © Tiphaine Daudin

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Au bord de la Vilaine, à Chavagne, près de Rennes, la ferme de Gilles Simonneaux s'étend sur 115 hectares dont les 2/3 en zone inondable. Gilles est né ici, il a connu les inondations de 1981 et 1995. Il a adapté ses bâtiments aux caprices de l'hiver. Celui qui a été reconstruit en 1998 est resté au sec. Les vaches, cochons et veaux ont pu y être mis à l'abri. L'ancien bâtiment baigne dans 50 cm d'eau. 

"Là on est sur un épisode qui dépasse ce que l'on a connu. Ça baisse doucement mais on reste à des niveaux conséquents, on va gérer, on va s'en remettre " explique-t-il. 

La ferme des "Petits Chapelais" a fait le dos rond pendant la crue. Le fournil a dû fermer 3 jours mais n'a pas été inondé. L'atelier low tech, les pieds dans l'eau, a arrêté son activité le temps de tout nettoyer. 

Côté maraîchage, Sylvie Thiel qui cultive une cinquantaine de légumes sur l'année s'attend à quelques pertes supplémentaires. Ses terres n'ont pas été inondées mais sont saturées d'eau. "L'eau stagne dans les sols, l'excès d'humidité limite voire détruit la vie des sols. Il faut attendre que ça sèche. On a pris l'habitude de décaler les semis et les plantations. On n'a pas le choix" explique la maraîchère.

Un cumul de risques inquiétant 

Gilles Simonneaux a créé une ferme très diversifiée, autonome à plus de 95 %. Pour autant, l'agriculteur et la vingtaine de personnes qui travaillent avec lui font face à des difficultés récurrentes depuis plusieurs années. Le monde agricole est confronté à des risques à répétition : tempêtes, inondations, sécheresses, nouveaux virus, maladies, incendies, nouvelles plantes invasives ... C'est bien le cumul de ces événements qui pose question. 

Il faut des mesures d'adaptation radicales et des représentants politiques plus consistants. On ne peut pas rester seuls face aux dérèglements climatiques. L'humanité n'a pas le choix. On doit mutualiser les risques. Et faire autrement.

Gilles Simonneaux

Agriculteur à Chavagne (35)

Il n'est pas le seul à s'alarmer de cette fuite en avant. Nombre de paysans de la filière bio se demandent pourquoi les mesures politiques persistent à soutenir un modèle agro-industriel "qui a fait les preuves de son efficacité productiviste et de sa faiblesse à préserver la nature". 

La suppression annoncée de l'Agence Bio démontre selon eux la cécité politique ambiante.  

"On sent le basculement où on ne maîtrise plus rien" poursuit Gilles Simonneaux, "les politiques doivent sortir de leur déni de réalité, avoir conscience des enjeux. Au niveau local, national et international. Pour nous les agriculteurs et pour tout le monde".

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