Après la mort d’un cycliste à Paris, écrasé par un SUV, la question de la sécurité des cyclistes revient au premier plan. En Bretagne, plusieurs accidents récents illustrent également la fragilité des usagers face à la montée des véhicules massifs sur les routes.
Un différend sur la route vire au drame. Mardi 15 octobre 2024, en fin d’après-midi, un cycliste de 27 ans a été écrasé par un SUV en plein Paris, sur le boulevard Malesherbes. Le conducteur, un homme de 52 ans, a été immédiatement placé en garde à vue. Cette tragédie illustre une fois de plus l'agressivité grandissante entre automobilistes et cyclistes dans une capitale saturée de véhicules.
Un différend mortel en plein Paris
17h45, boulevard Malesherbes. Tout bascule en quelques secondes. Le conducteur d’un SUV coupe la route à un cycliste. Ce dernier frappe le capot en signe de protestation. Le ton monte. Puis le conducteur redémarre soudainement, écrasant le cycliste sous ses roues. Les secours, arrivés rapidement sur place, ne peuvent rien faire. La victime décède sur le bitume.
Le chauffard, accompagné de sa fille lors de l’incident, est interpellé sur les lieux et il a été ce jour mis en examen. Ce drame s'ajoute à une série d'accidents mortels, révélant les tensions insoutenables entre voitures et vélos dans un espace urbain où les deux semblent de plus en plus incompatibles.
ENQUETE. Accidents de vélo : des routes de campagne particulièrement mortelles
"Les SUV sont devenus des armes"
Florian Le Villain, expert en aménagement urbain et fervent défenseur du vélo, est sous le choc. "Je connaissais la victime", dit-il, la voix nouée. "C'était un militant de l'association Paris en Selle, un fervent promoteur du vélo comme moyen de transport. Ce qui s'est passé, c'est un meurtre."
Florian Le Villain n’y va pas par quatre chemins : pour lui, l'augmentation du nombre de SUV dans la capitale est une catastrophe. "Ces véhicules gigantesques se comportent comme des armes. Dans une ville comme Paris, déjà saturée, ils sont hors de contrôle. C'est comme si des éléphants se promenaient dans une boutique de porcelaine, où il y a toujours plus de porcelaine", dénonce-t-il.
Lire : un hommage à Grâce, la cycliste décédée lundi dernier avenue de Rochester
Ce consultant pour la place du vélo en ville est d'autant plus touché par ce drame, qu’il était en charge de l'aménagement pour les vélos et les voitures sur le carrefour où le drame a eu lieu. “Un carrefour très dense, qui doit pouvoir supporter un fort trafic de voitures”.
Rennes : une cohabitation plus apaisée, mais des drames aussi
Florian Le Villain, qui vit à Rennes, souligne cependant une différence marquée entre Paris et sa ville. "À Rennes, la cohabitation entre voitures et vélos est moins tendue. Les automobilistes sont plus attentifs, probablement parce que beaucoup d’entre eux utilisent aussi le vélo. Mais cela n'empêche pas les tragédies", rappelle-t-il, évoquant la mort de Grâce Lochin, une étudiante rennaise de 22 ans, tuée par un camion en 2019.
D’ailleurs, ce samedi 19 octobre à Rennes, un hommage sera rendu à Paul Varry, le cycliste parisien écrasé, lors d’un rassemblement organisé. Le collectif Rayon d’Action sera présent devant la mairie à 17h45.
En Bretagne, les cyclistes sous la menace
La série noire continue en Bretagne. Mercredi 16 octobre, un cycliste a été percuté sur un rond-point à Baud, dans le Morbihan. Bien que l’homme s’en soit sorti avec quelques contusions, cet incident vient allonger une liste déjà longue.
Lire : Décès d'une cycliste à Cesson-Sévigné : un rassemblement pour que ça ne se reproduise pas
Quelques jours plus tôt, à Loc-Brévalaire dans le Finistère, une jeune cycliste de 18 ans a été grièvement blessée après avoir été renversée par une moto. Transportée à l'hôpital, son état reste préoccupant. Ces accidents révèlent à quel point les cyclistes sont vulnérables, et combien le danger est omniprésent, même loin des grandes villes.
Comportements dangereux : une prise de conscience nécessaire
Une étude récente menée à Rennes, par le bureau OpinionWay, met en lumière les comportements à risque des automobilistes. Non-respect des feux rouges, excès de vitesse, dépassements dangereux : 5% des conducteurs adoptent des attitudes dangereuses en ville, mettant en péril la sécurité des piétons et des cyclistes.
Les chiffres, issus de l'ONISR, (Observatoire national interministériel de la sécurité routière) sont éloquents : 22 % de la mortalité routière concerne désormais les usagers dits "vulnérables", comme les cyclistes. Malgré le Plan Vélo lancé en 2018, visant à atteindre 12 % de part modale pour le vélo en France, la sécurité des cyclistes semble être reléguée au second plan.
Des solutions à mettre en place d'urgence
Florian Le Villain propose une solution radicale : la vidéo-verbalisation. "Des caméras sur les pistes cyclables pour sanctionner les infractions des automobilistes, ça a été testé à Nice en 2011. C'était efficace. Mais la Cnil a tout stoppé récemment. On préfère laisser les cyclistes se débrouiller avec les fous du volant."
Selon lui, des mesures fortes sont indispensables pour éviter de nouveaux drames. "Si rien n'est fait, ces tragédies vont continuer. Chaque accident nous pousse à nous interroger : la vie des cyclistes a-t-elle vraiment de la valeur dans ce pays, le vélo est-il considéré comme un moyen de transport à part entière ?"
Le débat est lancé. Mais une chose est certaine : tant que des solutions concrètes ne seront pas mises en place, le partage de la route restera un terrain de bataille où les cyclistes, trop souvent, paient le prix fort.