"C'est la plus belle chose que d'aller filmer le réel". Germain Baslé, journaliste breton, lauréat du prix Albert Londres de l'audiovisuel 2024

Germain Baslé et Antoine Védeilhé viennent d'être récompensés par le prix Albert Londres de l'audiovisuel 2024 pour leur reportage “Philippines, les petits forçats de l’or”. Ils ont suivi le quotidien de deux petits orpailleurs qui risquent leur vie en plongeant dans des trous d'eau boueuse. Jeune journaliste de 27 ans, Germain a grandi à Corps-Nuds, à l’est de Rennes et reste très attaché à la Bretagne.

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La clinique de la Sagesse à Rennes a vu naître il y a 27 ans un prix Albert Londres, l'un des plus prestigieux prix récompensant le travail des journalistes, du nom de ce reporter qui au XXe siècle voulait "porter la plume dans la plaie".

La sagesse n'est pourtant pas ce qui définit le mieux aujourd'hui Germain Baslé, qui se décrit plutôt "bourlingueur, aventurier". Pas un hasard s'il navigue sur la Rance avec un petit bateau qu'il a baptisé Caracole. "J'adore ce mot caracoler, ça veut dire sautiller, gambader, aller de ci, de là, c'est tout moi. J'aime randonner. J'adore voyager".

"J'ai grandi sans télé"

Il est installé depuis 2022 à New Dehli, en Inde. Pourtant, rien ne le prédisposait à cette vie. Germain Baslé a grandi dans le village de Corps-Nuds, à l’est de Rennes. Suivront le collège à Janzé, et le lycée Saint-Martin à Rennes. "Je devais aller au lycée de Retiers, mais comme à l'époque je voulais être kiné, Saint-Martin proposait une option en santé sociale, c'était parfait". Là-bas, il fera trois ans d'internat. C'est là qu'il se passionne pour les cours d'histoire, lit Le Monde et y découvre des reportages sur la Syrie ou l'Irak. Premier déclic : "Là, je veux devenir photoreporter, c'est clair".

S'ensuit une licence d'histoire à l'Institut catholique de Rennes, où il se passionne pour le journalisme et les sciences politiques. "J'ai grandi sans télé. Très vite, à ce moment-là, je découvre les documentaires et là, nouveau déclic. C'est la plus belle chose que d'aller filmer le réel. J'en ai bouffé du reportage à cette époque", plaisante Germain. "À la fin de ma licence, je suis parti sept mois descendre la Cordillière des Andes à vélo, avec mon cousin, puis tout seul. C'est l'époque de mes premiers reportages à l'iPhone". Après cette année à l'étranger, l'apprenti journaliste fait la prépa La Chance qui aide les étudiants boursiers à préparer les concours d'entrée dans les écoles. Il rentre à l'Institut pratique du journalisme (IPJ) à Paris et dans la foulée, fait une alternance de deux ans à France Télévisions comme journaliste reporter d'images, soit caméraman de presse. 

"Ces 40 premières secondes, elles vous ont fait gagner"

Il y a un an, avec son compère le réalisateur Antoine Védeilhé, c’est pour la chaîne Arte qu’ils ont réalisé un reportage de 36 minutes aux Philippines avec Les Petits forçats de l’or. L'image, c'est ce qui anime Germain Baslé au plus profond de lui. La substantifique moelle de l'âme humaine. Et c'est ce qui frappe quand on regarde ce film sur le travail des enfants dans les gisements d’or des Philippines, pour lequel le duo a reçu jeudi 5 décembre 2024 le 40e prix Albert-Londres dans la catégorie "audiovisuel". Pour justifier son choix, le jury évoque "une maîtrise de l’image rare qui marque les mémoires, dramatiquement poétique, émouvant mais sans misérabilisme".

Le début du film est tout, montre tout, dit tout. Sans paroles. Avec l'image de ce garçonnet qui respire fort avant de plonger et nous met nous-mêmes en apnée. Puissant. "Quand on a reçu le prix, on nous a beaucoup dit : ces 40 premières secondes, elles vous ont fait gagner", raconte Germain Baslé. "On a réfléchi à ce début qui devait respecter la dignité de l'enfant et on l'a filmé le dernier jour du tournage, quand la confiance était profondément installée avec Hato".

Ils risquent leur vie pour 1,50 euro 

Hato, c'est ce jeune garçon de 13 ans qui s’apprête à plonger pour chercher de l'or dans un puits de boue, profond de plusieurs mètres, avec dans la bouche un simple tuyau relié à un compresseur d’air, qui sert habituellement à gonfler des pneus. Un fondu au noir de plusieurs secondes vous laisse digérer votre émotion. Un travail extrêmement dangereux qu'accomplissent un millier de petits Philippins pour rapporter à leur famille un maigre revenu. 1,50 euro ce jour-là. Et puis, il y a aussi Dennis, 14 ans, contraint lui aussi de plonger, en mer cette fois-ci. 8 heures à 20 mètres de profondeur. Sidérante immersion.  

"Le tournage a été particulièrement difficile, surtout le premier jour. Ils ne voulaient plus être filmés. Il faut beaucoup de ténacité. Avec Antoine, au beau milieu des marécages, on avait de la vase jusqu'aux hanches. Elle pesait deux tonnes. C'était épuisant. Il pleuvait, la caméra ne fonctionnait plus. On se levait à 5h tous les matins après une pseudo-nuit entourés de cafards. Mais bon, on le sait bien, ce n'est pas à l'Hyatt [hôtels de luxe internationaux] qu'on fait les meilleurs reportages, hein !", dégaine Germain, rigolard. 

"La force de l'image, c'est de servir le récit"

Le journaliste a monté le film de 36 minutes en 4 jours. Arrivé au bout, il faut se souvenir des débuts. "À la base, tout est parti d'un rapport qu'Antoine avait trouvé sur le travail des enfants dans le monde. Aux Philippines, on a été aidés par un super fixeur (personne qui accompagne les journalistes), Marco, qui nous a permis de trouver ce village, ces familles. Le moment où l'on a vu pour la première fois ces gamins plonger, les bulles remonter de la boue alors qu'ils étaient immergés en dessous et qu'on ne savait pas s'ils auraient la chance de remonter, ça nous a laissés interdits. La force de l'image, c'est de servir le récit". 

Avec Antoine, au beau milieu des marécages, on avait de la vase jusqu'aux hanches. Elle pesait deux tonnes. C'était épuisant. Il pleuvait, la caméra ne fonctionnait plus. On se levait à 5 heures tous les matins après une pseudo nuit entourés de cafards. Mais bon, on le sait bien, ce n'est pas à l'Hyatt qu'on fait les meilleurs reportages, hein !

Germain Baslé

Journaliste prix Albert Londres de l'audiovisuel 2024

Cela peut paraître banal, mais Germain est aussi nourri des images de la Bretagne qui n'est jamais bien loin. "La Bretagne, elle me reste tout le temps en tête. Je suis toujours pressé d'y revenir. C'est le lien de réassurance", confie-t-il. Le journaliste rentrera en Bretagne pour les fêtes de fin d'année mais avoue avoir un petit secret pour l'emporter un peu partout avec lui : "J'ai toujours un paquet de farine de blé noir dans ma valise. Je suis un dingue de galettes !". Sa madeleine de Proust, version sarrasin.

"À aucun moment, on a imaginé qu'on pouvait remporter le prix"

Comme un gamin, c'est d'ailleurs comme cela qu'il raconte s'être senti quand il a appris la sélection de leur binôme pour le prix Albert-Londres. "Pour moi, c'était déjà énorme ! À aucun moment on a imaginé qu'on pouvait remporter le prix. Il y avait des pointures du journalisme en face de nous, des gens qui avaient déjà été sélectionnés cinq fois avant. La beauté de ce prix, c'est que c'est l'œuvre, et elle seule, qui compte. Je crois que je suis le plus jeune dans la catégorie de l'audiovisuel à l'avoir reçu. Peu importe mais il ne faut pas se mentir, c'est un tournant.", conclut humblement Germain Baslé.

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