Jean-François Laguionie est l'un des plus grands cinéastes français de film d'animation. Sa filmographie est traversée par de nombreuses œuvres ancrées dans l'univers maritime, dont son dernier film "Slocum et moi". L'émission Littoral l'a suivi durant toute sa période de création. Il en ressort un film touchant : "Le marin imaginaire".
Jean-François Laguionie, l’un des maîtres du cinéma d’animation, revient sous les projecteurs avec une sélection officielle au Festival de Cannes pour son film "Slocum et moi". Près de 50 ans après La Traversée de l’Atlantique à la rame, qui lui valut la Palme d’or du court-métrage en 1978.
Durant des années, huit ans de production, Jean-François Laguionie, le réalisateur du bouleversant Louise en Hiver, a travaillé sur son nouveau long métrage d'animation "Slocum et moi". Ce film puise dans ses souvenirs d'enfance et rend hommage à son père, un homme passionné qui consacra sa vie à la construction d'un bateau dans le jardin familial, bien qu’il n’ait lui-même jamais pris la mer. Cette réalisation, c'était une réplique du voilier de Joshua Slocum, le premier navigateur à avoir réalisé le tour du monde en solitaire à la fin du 19ᵉ siècle.

À la fois, récit épique et introspection personnelle, cette nouvelle aventure cinématographique était l'occasion idéale pour partir à la rencontre de Jean-François Laguionie. Depuis sa plus tendre enfance jusqu'à ses œuvres les plus récentes, il a toujours eu la mer comme source d'inspiration. C'est du moins ce qu'avait pressenti le réalisateur Pierre-François Lebrun. Et il a eu raison...
De cette rencontre entre le cinéaste et le réalisateur de documentaire est née le film documentaire Le marin imaginaire co-produit par JPL Films à voir sur la plateforme France.tv
Entretien avec le réalisateur Pierre-François Lebrun
(Entretien réalisé en 2022).
Comment est né ce désir film avec le cinéaste d’animation Jean-François Laguionie ?
Je connaissais le travail de Jean-François Laguionie, surtout après son dernier film Louise en Hiver qui m’avait beaucoup touché. Il existe déjà un film portrait consacré au cinéaste. Mais je trouvais intéressant d’aller fouiller dans ce rapport fort que le réalisateur semblait avoir avec la mer.
Jean-François Laguionie est quelqu’un de discret. C’est un monsieur qui travaille en solitaire dans sa maison à Trédarzec, en face de Tréguier dans les Côtes-d'Armor. Il a fallu le convaincre de se confier sur son parcours et sur le travail qu’il était en train de réaliser avec ce film en grande partie autobiographique consacré à son enfance et au navigateur Slocum.
"Slocum et moi", prochain long métrage d’animation de Jean-François Laguionie est un film en grande partie autobiographique, c’était aussi une entrée intéressante pour suivre le cinéaste à ce moment-là ?
Je pense que Jean-François Laguionie avait ce projet en tête depuis longtemps. Il a imaginé ce petit garçon fasciné par les bateaux, (qui n’est autre que lui) et par le personnage de Slocum pour raconter en grande partie sa propre histoire. Son jeune héros vit sur les bords de la Marne, là où lui-même a grandi.
À l’âge de 11 ou 12 ans, Jean-François Laguionie avait une carte d’abonnement de transport qui lui permettait d’aller au Musée de la Marine à Paris quasiment tous les dimanches. Là-bas, il dessinait des bateaux. Ça a été ses premiers sujets. Son univers était déjà très centré vers la mer.
Avec mon film documentaire "Le marin imaginaire", c’est comme ci, j'avais pu ouvrir une malle où ensemble, on allait fouiller des choses de son enfance et remonter le fil pour mieux percevoir tout ce qui le lie à la mer. Et finalement, il y a beaucoup d’éléments qui le prédestinaient sans doute à chercher la mer toute sa vie.
Comment s’est passé le tournage du documentaire "Le marin imaginaire" ?
Le tournage s’est étalé sur plusieurs mois. À 83 ans, il travaille toujours beaucoup, à son rythme. Il me consacrait trois jours par mois. On avait comme des rendez-vous espacés qui me permettaient à la fois de suivre la création de son film "Slocum" et aussi, en parallèle, de progresser dans le « déroulé de sa vie » lors de nos entretiens. Je lui disais, "aujourd’hui, on va parler de ton premier court métrage". Et il racontait… C'était très intéressant ce parallèle.
Y a-t-il des ressemblances entre le personnage de Slocum et le cinéaste Jean-François Laguionie ?
Oui, je me suis aperçu de cela. J’ai lu le journal de Slocum et je me suis moi-même passionné pour ce marin atypique. On imagine très bien le personnage, un capitaine de marine à voile poussé à la retraite avec l’arrivée des machines à vapeur dans le commerce maritime international. Il subit ce choc comme plein d’autres marins. Un peu aigri, il décide en solitaire de retaper un bateau pour traverser l’atlantique et finalement, il part faire le tour du monde. Le journal raconte les événements, les attaques de pirates, les tempêtes… avec beaucoup de dérision. Il y a une sorte de « flegme américain » assez marrant…
En lisant ce journal, j’ai compris la manière avec laquelle Jean-François Laguionie a pu s’attacher à ce personnage, comme lui-même appréhende la vie, sans « pathos ». J’ai vu aussi ce processus qu’il a de continuer à s’accrocher à son crayon comme Slocum pouvait s’accrocher à la marine à voile. C’est sûr qu’il y a quelque chose comme ça.
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