Vert ou rouge, ces couleurs seront attribuées pour la 1ère fois, ce jeudi 30 avril, à chaque département. Le niveau de liberté post-confinement en dépendra. A cette occasion, nous avons interrogé, Laurent Chambaud, directeur de l’école des hautes études en santé publique (EHESP) à Rennes.
Laurent Chambaud est médecin en santé publique. Il a occupé, entre autres, de hautes fonctions à l’IGAS (inspection générale des affaires sociales), puis à l’ARS (agence régionale de santé) d’Ile de France avant de rejoindre le cabinet de Marisol Touraine lorsqu’elle était ministre de la Santé. Depuis 2013, il dirige la prestigieuse école des hautes études en santé publique (EHESP) à Rennes. Nous lui avons posé quatre questions clés à l'occasion de la levée du confinement.
Quelle couleur prévoyez-vous pour les départements bretons ?
Si on se fie aux trois critères énoncés par la Premier ministre (nombre de nouveaux cas, capacité d’accueil en réanimation, et capacités de tests et de détection des cas contacts), les quatre départements devraient être en vert. Après, la difficulté est de faire en sorte que la Bretagne reste avec des indicateurs de circulation du virus faible. Donc ça demande de fortes capacités de diagnostic pour dépister les personnes nouvellement contaminées. Il faudra aussi retracer les personnes en contact pour éviter la circulation du virus. Ce seront des éléments majeurs.
Pensez-vous qu’il y aura une deuxième vague d’épidémie après le déconfinement ?
Je ne suis pas capable de répondre à cette question et personne n’est en mesure d’y répondre. Tout le monde regarde, tout le monde surveille… On est dans une situation qui est très nouvelle.
- On peut dire comme certains : il semblerait que ce soit comme une épidémie de grippe (virus encapsulé) donc on aurait une pause estivale et un rebond à l’automne. Si le virus se remet à circuler à l’automne, il faudra le circonscrire le plus possible. D’ici là on aura une meilleure connaissance du virus et éventuellement de ses mutations.
- Une autre hypothèse serait que le virus continue à circuler pendant l’été donc ce ne serait pas un rebond mais une reprise progressive.
- On peut aussi voir le virus disparaître ou muter.
- Enfin, il y a aussi la possibilité du stop and go. Dans une épidémie de maladie transmissible, il y a toujours trois composantes : le virus, l’hôte et l’environnement. C’est cette interaction des trois composantes qui fait la dynamique d’une épidémie. Soit à la faveur d’éléments saisonniers (certains virus disparaissent selon la température par exemple), soit de reprise d’activité (arrêt d’un confinement), ou de mutation du virus. Il peut y avoir une deuxième, une troisième, une quatrième vague… Ce sont des vagues successives qui ne dépendent pas uniquement du virus. Elles dépendent aussi de l’immunité de l’hôte, du fait qu’on ait des traitements voire des vaccins et de l’environnement. La saisonnalité, c’est typiquement, l’environnement.
Quelle stratégie mettre en œuvre ?
Une stratégie repose sur plusieurs points :
- La capacité de tester avec des tests virologiques par PCR, vérifiant la présence du virus. Ce sont eux qui permettent de savoir si une personne est porteuse du virus ou non.
- Deuxièmement, la capacité de faire des enquêtes épidémiologiques autour des personnes contaminées pour que les personnes qui ont été en contact puissent se protéger. C’est un élément classique dans les épidémies. Mais il faudra le faire à une plus large échelle.
- Troisièmement, les gestes barrière. Ça va être un élément majeur que les personnes doivent intégrer même si on peut rappeler que le lavage des mains est une mesure d’hygiène qui est connue depuis le 19è siècle.
Craignez-vous un relâchement sur les bonnes conduites une fois le confinement terminé ?
Je suis confiant. C’est la première fois que les gens sont confinés autant de temps, ça marque les esprits. Les gestes qui empêchent la transmission peuvent être facilement adoptés. Le lavage des mains, c’est très efficace. Les gens vont mettre plus facilement des masques, même si les masques, ce n’est pas la panacée, surtout les masques grand public… L’intensité de l’épidémie peut être jugulée. En tant que spécialiste en santé publique, je sais qu’il y a des aspects sociologiques, culturels et psychologiques dans la réaction face à une épidémie comme ça. Une épidémie, ce n’est pas que de chiffres.
En conclusion
C’est une souche nouvelle, elle est apparue en décembre. Elle circule actuellement dans des conditions qui sont complexes à analyser. On voit bien en France que le virus circule beaucoup dans certaines régions et quasiment pas dans d’autres. Il faut se méfier des gens qui savent (rires)… Je pense qu'il faut être très prudent : on n’a même pas une année de recul. Regarder la saisonnalité d’un virus quand on n’a pas une seule année de recul, c’est faire des paris sur la comète, pas de la modélisation.