Depuis ce lundi 3 février, les communes de Redon et de Guipry-Messac proposent un soutien psychologique aux victimes des inondations qui ont submergé ces villes durant plusieurs jours. Les événements climatiques peuvent avoir un retentissement sur la santé mentale de ceux qui les subissent, y compris plusieurs semaines plus tard.
À Redon comme dans d'autres villes au bord de la Vilaine, les rues résonnent du bruit des pompes et des raclettes dans les maisons. Chacun s'efforce de rendre à nouveau habitable les logements envahis par les eaux. Mais dans le gymnase Lucien Poulard,12 personnes restent hébergées par la municipalité, ce lundi 3 février.
Certains sont des habitants de Redon, pas forcément âgés, vivant seuls, qui craignent de retrouver leur logement. "Ils ont besoin d'être accompagnés pour y retourner", explique la directrice du Centre communal d'Action sociale, qui coordonne l'intervention de la Croix Rouge et celle de bénévoles ayant rejoint l'élan de solidarité de ces derniers jours. Nadège Périon a pu le constater : "certains ont été très entourés pendant toute la semaine dernière, et redoutent de retrouver une certaine solitude."
À lire. Inondations. Cagnotte, coups de main : les initiatives solidaires se multiplient
Bien normale, cette appréhension n'est qu'un des multiples effets que peuvent avoir les inondations sur la psychologie des habitants sinistrés. "Irritabilité, troubles anxieux, attaques de panique, troubles du sommeil, usage de substances psychoactives (alcool, tabac, médicaments), pensées suicidaires, ainsi que manifestations de stress, troubles de stress post-traumatiques et, parfois, dépression… Santé publique France a recensé les divers troubles qui peuvent survenir.
Une cellule d'écoute pour les sinistrés
Des troubles qui n'ont rien de systématique, selon Anne, une thérapeute qui souhaite conserver l'anonymat, membre de la cellule d'écoute mise en place à Redon, depuis ce lundi 3 février. Joignable par téléphone d'abord, l'équipe de thérapeutes de l'association Pass'port Mieux Être est mobilisée à l'appel de la municipalité pour répondre aux habitants qui en ressentent le besoin.
"Reparler du trauma n'est pas toujours très utile", explique la professionnelle, qui propose habituellement des thérapies familiales systémiques, une psychothérapie avec des discussions au sein d'une famille, ancrées dans le concret et le présent. "Ce qui est important, c'est que la personne parle de ses ressources, qu'elle regarde ce qui l'a aidée à ce moment-là." La thérapeute le constate, c'est souvent l'entraide ou le fait d'être entouré qui apporte l'énergie nécessaire pour reprendre le cours de sa vie.
"L'apparition de liens humains"
Selon le psychiatre Serge Tisseron, les gestes de solidarité "favorisent la gestion psychique d'une catastrophe par l'apparition de liens humains, voire par l'apparition de nouveaux liens humains, y compris entre des personnes qui n'auraient pas fait attention les unes aux autres en situation ordinaire".
Certaines attentions s'avèrent également déterminantes. Au moment de la crise, lorsqu'il a fallu évacuer son logement, une habitante qui vivait seule s'est sentie rassurée par les visages connus qui sont venus la chercher dans une embarcation. Plutôt que la sécurité civile, c'est le service d'aide à domicile, qui la voit habituellement chaque semaine, qui s'est déplacé. Après coup, cette habitante a confié que cette initiative l'avait beaucoup apaisée.
À lire. Inondations. La vigilance orange est levée en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan
Les risques à moyen terme
Reste "l'après" à envisager. D'après les psychiatres spécialistes des catastrophes, après "l'état de stress aigu" viennent les risques liés à "l'état de stress post traumatique." Plusieurs semaines après les bouleversements liés aux inondations, divers troubles peuvent se manifester : anxiété lorsqu'il pleut, conduite d'évitement (refus de sortir de chez soi par exemple), altération du sommeil… Des réactions qu'il convient de prendre en compte pour se prémunir contre d'autres risques, comme la dépression ou l'installation de pensées obsédantes sur les causes de la catastrophe, dérivant vers du complotisme.
Les thérapeutes de la cellule d'écoute n'ont pas encore de date précise concernant la fin de leur mission auprès des sinistrés du pays de Redon. Le Centre communal d'action social espère, lui aussi, pouvoir diriger les habitants vers des professionnels, le plus longtemps possible.