Un climat doux, des terres pas trop chères: la Bretagne, deuxième région française pour la production de sapins de Noël, est devenue l'eldorado des producteurs de la variété nordmann.
A La Bouëxière, en Ille-et-Vilaine, malgré la pluie, le ballet des camions est incessant chez Floval. Au plus fort, 15.000 sapins partent chaque jour de cette entreprise qui commercialise les sapins à destination de la plupart des grandes surfaces et autres jardineries de l'Ouest: Noël approche et les clients veulent être livrés au plus tôt. Un rythme qui va se poursuivre jusqu'au 10 décembre.
Le PDG, Loïc Le Calvez, a pris dès 1991 le risque de planter des nordmann, une variété encore peu connue qui ne représente alors que 5% du marché, mais dont les aiguilles tiennent plus longtemps et sont plus souples que celles du classique épicéa. Pari réussi: aujourd'hui, le nordmann, malgré son prix plus élevé, représente près de 70% du marché, contre environ 25% pour l'épicéa.
"Comme cette variété ne supporte pas les grands froids, Bretagne et Normandie sont devenues des régions de production de nordmann, plus que le Morvan ou les Vosges", explique le PDG. "Ici, ça pousse vite, ça pousse bien, et l'humidité, le sapin aime bien". La Bretagne est ainsi devenue la deuxième région française productrice de sapins de Noël (18%), derrière la Bourgogne (30%), selon des chiffres de FranceAgriMer de 2013.
27 manipulations
De quoi attiser les convoitises. Dans les années 2000, les Danois et les Belges acquièrent de grosses fermes bretonnes pour y faire pousser des sapins qu'ils exportent vers la Grande-Bretagne. "Je n'arrivais pas à avoir des terrains", explique le chef d'entreprise, qui décide alors de créer une association, "Le Nordmann de Bretagne". Il propose aux propriétaires de planter du nordmann sur leurs terrains, avec un contrat de culture sur 15 ans garantissant l'achat des sapins, sous réserve du respect d'une charte de qualité. Un sapin nécessite pas moins de "27 manipulations" en moyenne pour obtenir une belle forme. Chaque année, les bourgeons de la dernière couronne sont cassés à la main", les arbres sont taillés, les branches trop longues sont coupées... Et ce, durant les huit ans de pousse (contre six ans pour un épicéa).Aujourd'hui, huit exploitants ont rejoint l'association, représentant 40 hectares de sapinières. Cinq sont installés en Bretagne, les trois autres dans des départements limitrophes (Loire-Atlantique, Mayenne, Manche).
Métier de rentier
Chacun a investi 10.000 euros par hectare en moyenne. "C'est très très long avant d'avoir un retour sur investissement, c'est un métier de rentier", commente StéphaneLebonnois. Floval exploite 20 hectares de sapinières près de Rennes, mais la majorité se situe dans le sud du département de la Manche. Depuis début novembre, la coupe des sapins y a commencé. Après quoi, les salariés, avec l'aide d'une machine, rognent les pieds pour qu'ils entrent dans la bûche support, et les emballent dans un filet avant qu'un tracteur ne vienne les récupérer... quand ce ne sont pas des chevaux. "On a à peu près huit hectares avec des pentes entre 15 et 25%. Dès octobre, avec l'humidité, le tracteur ne peut plus passer", explique M. Lebonnois.
Bientôt une production 100% locale
Pour l'instant, Floval assure avec ses sapinières 45% de sa production. Le reste est importé de pays européens. Mais grâce aux premiers sapins apportés par les membres de l'association, qui vont commencer à être coupés cette année, "je vais monter à 75/80% de sapins locaux d'ici deux ans", assure Loïc Le Calvez, qui espère réunir au total une vingtaine d'adhérents.Le groupe Floval (11 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2015, dont 6,8 sur la France) commercialise chaque année 100.000 arbres en France, et en exporte habituellement autant... en Russie où l'entreprise a une filiale.