Le Conseil de l'ordre des avocats de Rennes a saisi le tribunal administratif pour dénoncer l'état de délabrement des cellules de garde à vue du commissariat de Rennes. Des conditions indignes pour les personnes qui y sont placées, mais aussi pour le travail des policiers, dont les syndicats appuient la démarche des avocats.
"Le conseil de l’ordre et le barreau sont extrêmement inquiets depuis de très nombreuses années sur l’état délétère des locaux", assure Catherine Glon, la bâtonnière du Barreau de Rennes. "Pour les gardes à vue, mais aussi pour les policiers qui travaillent dans des conditions intolérables", insiste l'avocate.
La bâtonnière, dans le cadre de son pouvoir de visites des lieux de privation de libertés, a entrepris dès le mois de janvier 2023, dès sa première année de mandat, une visite inopinée des locaux de garde à vue du commissariat. Des visites qu'elle a renouvelées à deux ou trois reprises, toujours accompagnée d'un élu, la vice-présidente du Sénat Sylvie Robert, le député Mickaël Bouloux, ou encore le sénateur Dominique de Legge.
"Ça part complètement en sucette !"
Les lieux ont été inaugurés, il y a plus de quarante ans, en décembre 1981, en présence de Gaston Defferre, alors ministre de l'Intérieur et d'Edmond Hervé, maire de Rennes, "et depuis rien n'a été fait, et ça part complètement en sucette !" s'indigne de son côté Frédéric Gallet, secrétaire départemental du syndicat de police Alliance.
"Ce sont des conditions inacceptables pour les gardes à vue, en termes de sécurité et d'hygiène, mais aussi pour le travail des policiers", poursuit-il, qui affirme être sur la même ligne que la bâtonnière. " En 2025, on n'a pas le droit de mettre en garde à vue dans ces conditions et de faire travailler des policiers de cette façon non plus !" se désole-t-il.
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"État repoussant de ces cellules"
"Il n'y a pas d'aération, et donc des températures extrêmes, faute de circulation de l’air. Il n'y a pas de point d’eau dans les cellules", et la distribution de gobelets se fait "sur demande pour de l'eau conservée dans un bidon en plastique non conforme à la réglementation" énumère l'avocate dans une longue liste de dysfonctionnements, pour ces cellules à "l'état repoussant" dit-elle.
"Il n'y a qu'une seule douche, souvent hors service", poursuit-elle, "pas de toilette dans les cellules. Et dans celles normalement dédiées aux seules ivresses sur la voie publique, ce sont des toilettes à la turque avec chasse d’eau extérieure ! donc tirée par le policier !"
Et le constat continue, "pas de protège-matelas, pas de drap, pas de couverture, seule, une couverture de survie. Les matelas en mousse sont dégradés et non désinfectés. Mais cet état de saleté extrême est intrinsèque à l’ancienneté des locaux", souligne Catherine Glon, qui note encore l'absence "de distribution de masques", dans ces cellules, où "les risques de contamination sont majeurs, faute d’hygiène".
"Entassement des personnes"
Ces espaces de garde à vue du commissariat de Rennes, se composent de cinq cellules "dites individuelles", mais pour deux personnes en réalité, et d'une cellule collective, pour dix personnes, mais "où tout le monde ne peut avoir la place pour dormir, quand c’est plein", précise la bâtonnière, qui relève "un entassement des personnes, quand il y a des interpellations nombreuses et qu'il n'y a plus de cellule dédiée aux femmes, voire aux mineurs dès qu'il y a trop de monde." Et puis ajoute-t-elle encore, "le local dédié aux entretiens avec les avocats n’existe plus, faute de place pour laisser passer les médecins en priorité".
Catherine Glon évoque encore le bruit et les odeurs dans ces cellules, "qui ne comportent pas d’horloge visible permettant de savoir l’heure, alors que c’est obligatoire. Il n'y a ni alarme incendie, ni bouton d’alerte dans les cellules en cas de danger ou de malaise" déplore-t-elle.
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Le Tribunal administratif saisi pour "mettre fin à ces désordres"
Le rôle du conseil de l’ordre des avocats est de "veiller au respect du droit des justiciables, et de toute personne privée de liberté, de garantir le respect des dispositions de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et de toutes les dispositions de la loi" rappelle la bâtonnière, qui conclut que "les dispositions très précises du Code de la sécurité intérieure ne sont pas respectées ici."
Ainsi, pour "mettre fin à ces désordres" et "faute d’engagement du ministère de l’Intérieur" le conseil a saisi le tribunal administratif de Rennes. Celui-ci, qui a examiné la demande du barreau de Rennes, ce jeudi 9 janvier 2025, demande de nouveaux éléments avant de statuer.