Ce 25 janvier 2025, ils se sont symboliquement donné rendez-vous devant les Forges d’Hennebont. Là, où tout a commencé en 1860. Un siècle et demi plus tard, ils refusent que l’histoire prenne fin. La Fonderie de Bretagne, qui est née des Forges, a été placée en redressement judiciaire cette semaine. Elle cherche un repreneur. Habitants et élus ont défilé pour soutenir les fondeurs et leurs familles.
"Sauvez les emplois de nos parents, la Fonderie de Bretagne doit vivre". Esteban et d’autres enfants de fondeurs ont pris la tête du cortège.
"Je suis venu pour soutenir papa pour la Fonderie. J’ai pas envie que son boulot ferme parce qu’on en a besoin ", confie le jeune garçon en frappant sur sa caisse claire.
Son père, Bruno Bonneau travaille à la Fonderie depuis 30 ans. Son grand-père était à la Fonderie, ses oncles à la SBFM, les ancêtres de la Fonderie. "C’est une histoire de famille," dit-il en souriant. "C’était important que tout le monde soit là avec nous pour nous soutenir."
Des mois de lutte
Il le reconnaît facilement. La période est difficile."La famille en pâtit un petit peu. On essaye de ne pas ramener le travail à la maison mais là, c’est compliqué. Depuis le temps qu’on est en lutte. Tous les jours. Tous les jours sur le terrain, donc la famille on ne la voit pas beaucoup, ça joue sur le caractère aussi. Et puis il y a la fatigue."
Au début du mois de décembre, Bruno a appris que le Renault, fondateur et principal client de la Fonderie (qu’elle a vendu en 1998) refusait de s’engager sur un volume de commandes. La Fonderie fabrique des pièces d’acier et de fonte malléables pour le secteur automobile. Le repreneur qui s’était montré intéressé a aussitôt fait marche arrière.
Le 15 janvier, la Fonderie de Bretagne a été déclarée en cessation de paiements.
Le 23 janvier 2025, elle a été placée en redressement judiciaire avec quelques mois pour trouver un repreneur.
"On y croit encore"
Laetitia, l’épouse de Bruno, défile elle aussi et se rassure en voyant la foule battre le pavé à ses côtés. "Ça fait chaud au cœur, on voit qu’ils sont soutenus et il le faut, parce que ce n’est pas fini. On y croit encore et on y croira jusqu’au bout. Ça fait des mois qu’ils se battent, et ils sont toujours là, ils sont fatigués mais toujours présents."

Le moment est compliqué pour les fondeurs... et pour leurs familles. "C’est difficile à vivre pour les femmes de fondeurs, il y a des hauts et des bas. Il y a des fois on y croit et puis des fois on baisse les bras. Mais on remonte. On est là pour les soutenir. On fait ce qu’on peut au quotidien. C’est pas toujours facile. Ça fait des mois qu’ils se battent, et ils sont toujours là, ils sont fatigués mais toujours présents."
Alors, elle veut y croire, espère que Renault ne va pas les laisser tomber. "Renault ne peut pas laisser faire ces choses-là, ce n’est pas possible. Donc on y croit."
Bruno reste confiant lui aussi. "On a énormément de clients qui toquent à la porte, donc pour un repreneur, ça peut être bien."
Des pressions sur Renault
Et le fondeur peut compter sur la mobilisation des élus. Le député brestois Pierre-Yves Cadalen a fait le déplacement. "Il ne faut rien lâcher, il y a une mobilisation large, citoyenne aujourd’hui. Renault doit tenir ses engagements et nous devons créer les conditions puisque l’Etat est actionnaire de Renault. C’est pour cela qu’on met une pression politique large, on se bat tous ensemble."
Le 4 février, les salariés de la Fonderie se rendront d'ailleurs à Paris à l'Assemblée nationale, jour de l'audition de Renault par la commission des affaires économiques.
Dans le cortège, des habitants de Caudan, d’Inzinzac-Lochrist, de Lorient… Et de bien au-delà.
"Quand je vois des salariés qui ont mon âge et qui pourraient se retrouver au chômage, on ne peut que les soutenir. C’est important d’être là aujourd’hui, ça s’appelle la solidarité !"
"Je discutais avec des gens qui me disaient, ça impacte tellement de monde, indique Maël Le Goff, le secrétaire général de la CGT de la Fonderie. On attend des repreneurs et on espère que quelqu’un se positionne parce qu’on a tous envie de continuer à travailler à la Fonderie de Bretagne."
Esteban rêve, lui aussi, de pouvoir un jour entrer à la Fonderie. Il se bat pour son papa et pour son avenir… Et tous espèrent !
(Avec Isabelle Rettig)