La campagne des régionales est-elle lancée ? L’association «Ensemble sur nos Territoires» a réuni ce week-end à Lorient des militants motivés par la construction d’un projet écologique, démocratique et social pour la Bretagne. Invité, Loïg Chesnais-Girard est reparti un peu déstabilisé.
"Covid oblige, nous avions une jauge de 150, et nous avons affiché complet", Ronan Dantec, le président d’ « Ensemble sur nos Territoires » ne cachait pas sa satisfaction samedi soir à Lorient. La dynamique engagée, il y a un an, par le sénateur de Loire Atlantique autour d’un socle de valeurs communes et d’une ambition collective a recueilli plusieurs centaines de signatures à travers différentes régions mais c’est clairement en Bretagne que la mayonnaise est en train de prendre.« Mauvais bilan environnemental et fractures territoriales »
Des militants et des citoyens de gauche, écologistes, régionalistes, conscients que la dispersion serait risquée, ont répondu à l’appel d’ « Ensemble sur nos Territoires » et ont débattu samedi à Lorient autour de différentes thématiques : habiter, travailler, apprendre et s’épanouir en Bretagne, mais aussi "décider en Bretagne" et y "assumer nos responsabilités planétaires". Il y avait là des responsables régionaux ou adhérents de l’Union Démocratique Bretonne, d’Europe Ecologie les Verts, du Parti Socialiste, de Génération.s, de Place Publique, du Parti Communiste et de Nouvelle Donne. L’autre moitié de l’assemblée étant composée de citoyens et militants associatifs.
Tous partagent un constat alarmant : la Bretagne est la région où les indicateurs environnementaux sont parmi les pires en termes d’artificialisation des sols, de fragmentation des milieux naturels, de qualité des eaux, et de non-respect des objectifs de baisse des émissions de CO2 (6% contre 12% au niveau français). Des chiffres et données officielles contenues dans le SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) et présentées au Conseil Régional en novembre 2019.
L’autre défi à relever selon les participants : la réduction des fractures territoriales internes à la région, un aménagement rééquilibré pour que la Bretagne ne soit plus « à deux vitesses ». Par exemple en répartissant mieux les formations universitaires trop concentrées sur la métropole rennaise.
« Breizh Cop pas à la hauteur »
La plupart des personnes présentes à Lorient trouve que la politique régionale actuelle n’est pas assez ambitieuse en matière de transition écologique, que « la Breizh Cop n’est pas à la hauteur » des urgences environnementales et sociales et qu’il faut « accompagner le changement de modèle agricole » de manière plus volontariste.
Pour Isabelle Thomas de Génération.s, "les importations de soja OGM pour l’alimentation du bétail dans les élevages industriels bretons participent à bousiller l’Amazonie en proie à une déforestation accélérée et bousillent d’autre part la santé des agents portuaires bretons".
Les socialistes présents semblent mal à l’aise. Forough Salami-Dadkhah, vice-présidente de la Région et nouvelle Présidente du BREIS (Bureau régional d’études et d’informations socialistes) affirme partager les priorités communes mais tente de défendre le bilan de la majorité actuelle en soulignant “la nécessaire adhésion au changement de la population dans son ensemble. Surtout ne pas brusquer.”
La question de la temporalité fait débat : la Breizh Cop et le SRADDET se sont fixés des objectifs à long terme, 2040, alors que pour « Ensemble sur nos Territoires » l’échéance doit absolument être ramenée à 2030 pour que la Bretagne participe à l’effort mondial de lutte contre le réchauffement climatique.
« Désamorcer les tensions »
Pour Ronan Dantec, "la société bretonne n’arrête pas de se tendre sur les questions agricoles et environnementales, mettant en péril la cohésion régionale, et c’est au politique de désamorcer ces tensions en fixant des priorités et des échéances claires."
Pour ce qui est d’élargir le pouvoir de la Région et d’obtenir un statut pour une Assemblée de Bretagne intégrant la Loire Atlantique, le consensus est plus palpable. La nécessité, rappelée par l’UDB, d’un budget à la hauteur des compétences revendiquées, voire d’une fiscalité régionale élargie ne font pas débat. L’ambition affichée est de donner à la Bretagne les moyens de ce projet en émergence. Il n’est pas normal explique Christian Guyonvarc’h que, par habitant, le budget de la région soit quatre fois et demi plus faible que celui de Rennes Métropole.
Lapsus révélateur de Loïg Chesnais Girard
Le Président de la Région Bretagne avait été invité à assister aux restitutions. Il est venu en fin de journée défendre son bilan "dont il n’a pas à rougir", un peu inquiet sans doute de voir cette coalition émerger alors que lui semble décidé à repartir pour un second mandat, en son nom cette fois, et pas seulement en tant que dauphin de Jean-Yves Le Drian. Il affirme "être de gauche" mais gouverne toujours avec En marche lui font remarquer quelques participants au fond de la salle. "Si ce qui nous sépare c’est 2030 ou 2040, on va trouver un accord" lance-t-il, assurant qu’il sait "accompagner les transformations". La salle semble sceptique.
Mais un lapsus très révélateur "je conduis une liste, euh, une équipe…" déclenche des rires dans l’assemblée. Des rires et des questions : sa liste est-elle déjà sur les rails ? Peut-il ignorer ce qu’il s’est passé à Lorient ce week-end ?
Un « en même temps » breton difficilement tenable
Loïg Chesnais-Girard compte-il repartir avec les mêmes, marcheurs bretons compris ? Le nouveau groupe En marche au Conseil Régional (baptisé « Bremañ ») assure le soutenir à Rennes (tout en soutenant Emmanuel Macron à Paris), avec dans le rôle du pivot Olivier Allain, son vice-président à l’agriculture, issu de la FNSEA, syndicat pointé du doigt pour son lobbying pour retarder au maximum la « transformation agricole». Pour le Président de Région le « en même temps » sera difficilement tenable. Le responsable régional du Parti Communiste, Philippe Jumeau, l’assène : "Pour nous, Macron, c’est non !". Applaudissements nourris dans la salle. Certes, personne ne veut que les deux échéances électorales de 2021 et 2022 se télescopent mais, sur le fond, les participants de cette journée lorientaise semblent unanimes dans leur Macron-incompatibilité.
Bientôt une liste commune ?
C’est à Joël Labbé, sénateur écologiste du Morbihan et proche de Ronan Dantec, qu’il revient de conclure cette journée : "L’heure est à la lucidité. La victoire sera celle d’une coalition, personne ne pourra gagner tout seul". Message à tous les « persos » de la galaxie bretonne.
Le principe d’une liste n’est pas clairement acté mais l’initiateur de cette dynamique, Ronan Dantec, sort conforté de cette journée de rencontre. Il faut savoir que l’élu nantais et sénateur de Loire-Atlantique a gardé de solides attaches finistériennes, à Brest où il est né et a passé sa jeunesse, mais également dans le Pays bigouden où il demeure quand il n’est ni à Nantes ni à Paris. Ronan Dantec est un Breton passionné par sa région et sa culture, « écologiste pragmatique », spécialiste international de la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi fan de foot et de vélo, bref quelqu’un qui casse les codes.