"Vous voyez laquelle des deux est handicapée, là ?", on a suivi l'entrainement des binômes handivalides pour les championnats du monde

Huit navigatrices et navigateurs bretons, membre du centre nautique de Lorient, participeront aux championnats du monde handivalide à Sydney, en Australie, en mars prochain. Ils recherchent encore quelques milliers d'euros pour financer leur projet. Coup de projecteur sur une discipline méconnue où valides et handicapés naviguent ensemble.

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Quel sportif, même amateur, même après un accident de la vie qui a coûté un bras, une jambe, une partie du corps, n’a pas rêvé un jour de participer à des championnats du monde ?

Pour huit copains de la section handivalide du Centre nautique de Lorient, ça sera chose faite en mars prochain à Sydney. Huit navigateurs s’envoleront pour l’Australie à la fin de l’hiver pour disputer les Mondiaux de voile handivalide. Ils embarqueront en binôme sur quatre bateaux, des Hansa 303, de petits dériveurs très adaptés aux personnes en situation de handicap.

Des voiliers adaptés

Ces petits voiliers de 3 mètres de long sont manœuvrables assis et pourvus d’une quille relevable de 30 kg, ce qui les empêche de chavirer. Aux mondiaux, il n’y aura qu’un seul classement, pas de spécificité de genre, d’âge, de handicap. C’est sur ces mêmes embarcations qu’ils s’entraînent, en rade de Lorient. Mais pour certains d’entre eux, se préparer avant de monter sur le bateau n’est pas une mince affaire.

Prenez Luc. Ce professeur de mathématiques et d’informatique a vu sa vie basculer il y a quarante ans. Quand un terrible accident de moto lui coûte ses deux jambes.

30 ans plus tard, alors que la rééducation produit ses effets et que la voile inclusive progresse, il remonte dans un bateau. "Un ami, copain de voile, raconte-t-il, m’appelle : Luc on a besoin de toi pour l’équipe de France. J’ai repris comme ça à l’école nationale de voile à Quiberon. Tant que la voile était un sport paralympique, j’ai eu cette activité. Je participais à l’entraînement de Damien Seguin, qui est multiple médaillé paralympique et qui est actuellement au bout du monde dans le Vendée Globe".

C’est une grande bouffée d’oxygène. On n’a plus de handicap sur l’eau, et ça fait du bien.

Luc, navigateur amputé des deux jambes

Luc doit donc enfiler une combinaison spéciale, adaptée à son handicap. Ensuite, il roule en fauteuil jusque sur le ponton, puis s’installe lui-même dans le bateau. Il se charge du gréement, il est presque autonome. "C’est une grande bouffée d’oxygène, apprécie-t-il. On n’a plus de handicap sur l’eau, et ça fait du bien. On ne peut pas penser à autre chose, on est focus sur la navigation".

Valides et handicapés à la barre

Et c’est parti pour quelques ronds dans l’eau, près de Keroman. Les binômes s’entraînent à passer les bouées, empanner, virer, choquer, dans des conditions de petit vent mais de mer assez formée.

Sur un autre bateau, à quelques nœuds de là, deux navigatrices sont surprises au milieu d’un fou rire. Il y a Chantal Salaün, paraplégique, et Thérèse Descamps, une enseignante retraitée, totalement valide. "Vous voyez laquelle des deux est handicapée, là ?", rigolent-elles.

Car pendant les mondiaux de voile handivalide, il n‘y a pas de règle sur l'équilibre valide-handicapé, si ce n’est que tout le monde doit naviguer en binôme dans un bateau identique.

Chantal navigue avec Thérèse, Luc navigue avec Alexandre, qui lui est tétraplégique après un accident de moto à l’âge de 17 ans, mais il pourrait très bien y avoir aussi un binôme de personnes valides.  

Route du Rhum 2022. Le skipper François Jambou fait naviguer les malvoyants avant son départ

"Et si on allait à Sydney?" 

En septembre dernier, Chantal Salün, foudroyée par un accident de cheval en 2011, lance l’idée de monter un projet « Et si on allait à Sydney », avec son association « La mer pour tous ».

Cette ancienne infirmière libérale, originaire de Ploumoger dans le Finistère, naviguait en loisir avant son accident, mais elle s’est mise au sport plus intensif depuis qu’elle est a perdu l’usage de ses jambes.

On s’est donc inscrits, on a avancé les frais. Maintenant il nous reste encore environ 8000 euros à trouver, notamment pour payer l’avion!

Chantal Salaün, navigatrice paraplégique

Elle qui n’a jamais navigué en compétition à l’étranger a impulsé le mouvement. "Il fallait faire vite car les inscriptions se sont fermées le 30 novembre. On s’est donc inscrits, on a avancé les frais. Maintenant il nous reste encore environ 8000 euros à trouver, notamment pour payer l’avion"

Le groupe recherche donc encore quelques mécènes pour financer son voyage.

Un projet à 3500 euros par personne

Handicap ou non, le parcours est semé d’embûches pour un tel projet. Entre l’avion avec le matériel, le logement, la location des bateaux pour la compétition et la vue courante, le budget est estimé à 3500 euros par personne.

Le prix en vaut la chandelle. "Ça fait 13 ans que j’ai eu mon accident. Pour moi 2024 était une année charnière et j’avais besoin de faire quelque chose de fort. Je suis emporté par ce projet".

Au centre nautique de Lorient, il n’a pas fallu trop argumenter pour convaincre. Trois duos seront présents sur les eaux de Sydney du 23 au 30 mars 2025, pour représenter Lorient, puisqu’il n’y a pas d’équipe de France.

Des novices et des expérimentés

Dans le bateau avec Luc, il y aura Alex. Un duo d’habitués puisqu’ils ont déjà participé aux championnats du monde au Portugal l’an dernier, à Portimao, même s’ils n’étaient pas dans la même embarcation.

Alex ressent l’excitation du départ, lointain, mais pour lui c’est une continuité. Indispensable. "Si j’ai accepté mon handicap, confie celui qui a eu un accident de moto à seulement 17 ans, c’est grâce à la mer, grâce à la navigation. Comme le dit un copain, sur un bateau, il n’y a pas de handicap, juste des manières différentes de faire".

Si j’ai accepté mon handicap, c’est grâce à la mer, grâce à la navigation"

Alexandre, navigateur tétraplégique

Une bien belle mentalité. A Sydney d’ailleurs, l’objectif sera surtout de participer, de vivre sa vie. Nos Lorientais ne visent pas la première place… mais précisent quand même que l’objectif n’est pas de terminer derniers !.

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