Elle avait tenté d'assassiner la mère d'un nourrisson qu'elle avait kidnappé, et agressé un joueur du FC Lorient, Yoane Wissa, en juillet 2021. Le procès de cette mère de famille en mal d'enfant s'est ouvert ce mardi à Vannes, autour de sa personnalité et de sa responsabilité pénale. Elle a présenté ses excuses à sa victime.
C'est en l'absence du footballeur Yoane Wissa, retenu ce jour pour son travail en Angleterre où il exerce son métier à Brentford mais en présence de la mère de famille agressée et brûlée en 2021 que le procès de cette Vannetaise, aujourd'hui âgée de 36 ans s'est ouvert ce mardi matin à la cour d'assises du Morbihan à Vannes.
L'accusée est arrivée tremblante, en larmes et la voix inaudible devant la cour. Une prévenue poursuivie des chefs d'accusation de tentative d’enlèvement, introduction frauduleuse, enlèvement et séquestration, et tentative d’assassinat. Elle risque la réclusion criminelle à perpétuité.
La matinée de ce premier jour du procès a été marquée par les excuses de l'accusée envers la femme qu'elle a brûlée et à laquelle elle a enlevé son enfant il y a plus de trois ans de cela.
Je suis désolé pour ce que je vous ai fait. Je m’en veux énormément.
Laëtitia P.accusée d'enlèvement d'enfant, de tentative d'assassinat et d'agression avec arme
Elle a précisé qu'elle n'oubliait pas pour autant le "monsieur" en faisant référence au footballeur Yoane Wissa.
Durant quatre jours, la cour va se pencher sur la personnalité de cette femme en manque d'enfant qui avait "entendu des voix" lui dictant ses actes délictueux de juillet 2021. Une question sera certainement au centre des débats : l'accusée avait-elle une altération du discernement ou pas au moment des faits ? La réponse à cette question devrait avoir une incidence sur le verdict.
Le poids d'une enfance difficile
Une experte interrogée à la barre est revenue sur la personnalité de l'accusée, la décrit comme ayant vécu une enfance dans un environnement familial marqué par des violences psychologiques et physiques. Un des moments charnières étant le départ de son père, père devenu alcoolique à la mort du grand-père paternel.
La mère de l'accusée est venue livrer sa déposition en larmes, relayant le récit des deux jours avant l'enlèvement du nourrisson le 2 juillet 2021. Deux jours durant lesquels elle "ne reconnaissait pas sa fille", qu'elle n'avait "jamais vu aussi épouvantée" car "elle craignait la réaction de son mari".
Une mère qui a eu "l'impression que le ciel lui tombait sur la tête", "complètement perdue" ce 3 juillet où elle était allée voir sa fille et ce bébé censé être sa petite fille et qui n'était en fait qu'un nourrisson kidnappé. Une visite au cours de laquelle elle avait trouvé sa fille aux mains des policiers.
La mère de l'accusée a ensuite évoqué la personnalité de sa fille.
Laetitia a un caractère très fort. Elle a un cœur très grand mais elle arrivait toujours à avoir ce qu’elle voulait.
La mère de l'accusée
La mère est revenue sur l'enfance de sa fille, parlant de son père alcoolique, du fait que Laëtitia était harcelée et tapée par des garçons du quartier et de l’école. Elle a évoqué le fait que sa fille "aurait pu être victime d'abus sexuels par son grand-père paternel.
Questionnée par l'avocat général "Avez-vous douté à un moment, dans son enfance, de la santé mentale de votre fille ?", la mère a répondu : "On ne m’a jamais rien signalé et elle ne voulait pas aller voir de psychologues".
Une première agression chez un footballeur
Tout a commencé le 1ᵉʳ juillet 2021, peu avant minuit, lorsque le joueur de foot professionnel du FC Lorient Yoane Wissa surprend une inconnue chez lui, à Ploemeur. L'intruse asperge d’acide chlorhydrique le footballeur au visage, aveuglé. La femme arrive à s'enfuir.
Une agression qui se produit alors que la femme du footballeur dort à l'étage avec son bébé.
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Puis une tentative d'immoler une mère pour lui enlever son bébé
Le lendemain, le 2 juillet, un homme signale à la police en début de soirée la disparition de son épouse qu'il avait déposée quelques heures plus tôt dans le quartier de Conleau à Vannes. Cette dernière, accompagnée de son bébé d'un mois et demi, avait un rendez-vous avec une assistance sociale pour un suivi post-grossesse.
Dans le même temps, le commissariat est appelé par des riverains de Conleau, car une femme partiellement dénudée, brûlée au dos et avec une plaie à la tête, a été découverte. Il s'avère que c'est la disparue. Secourue, elle est transportée vers le service des grands brûlés du centre hospitalier de Bordeaux. Sa fillette qu'elle avait emmenée dans une poussette est introuvable.
Suite au témoignage du père de famille et de sa femme victime entendue le 3 juillet, les enquêteurs arrivent à localiser l'agresseuse. La fausse assistante sociale avait donné rendez-vous à la victime pour une promenade. Au cours de celle-ci, elle avait jeté de l'alcool sur le dos de la mère de famille, mis le feu et assommé sa victime avec un bâton.
Dès l'arrivée au domicile vannetais de l'agresseuse, cette dernière précise aux policiers que "le bébé est dans la chambre".
Son compagnon, présent au moment de l'interpellation, tombe des nues. La petite fille d'un mois et demi est retrouvée dans une chambre allongée sur le ventre.
Dès le lendemain de son interpellation, l’accusée avait été hospitalisée sous contrainte dans un Établissement public de santé mentale dans le Morbihan. Elle aura, entre temps, été reconnue par le joueur de football du FC Lorient.
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Une mère en mal d'enfant
Lors de l'interpellation de l'agresseuse, son compagnon racontera qu'il vivait avec elle depuis trois ans et qu'ils avaient ensemble un garçon. Elle avait durant plusieurs mois dit qu'elle était enceinte d'un deuxième enfant. Son compagnon expliquera qu'il n'avait pu suivre sa compagne à la maternité en raison du Covid-19. Celle-ci lui avait envoyé une photo de sa fille [en réalité prise sur internet, ndlr] et lui avait envoyé un texto : "ta fille est arrivée".
Ne pouvant voir sa fille, car soi-disant hospitalisée à Rennes suite à des problèmes de santé, l'homme avait nourri quelques doutes, mais finalement sa compagne était revenue avec un bébé.
Lors de l'enquête, l'accusée expliquera avoir fait une fausse couche. Elle craignait à l'époque que son compagnon ne la quitte et ne lui avait donc rien dit. Elle évoquera le fait qu'elle entendait des voix dans sa tête lui disant de "faire de mauvaises choses".
C'est après avoir repéré une mère de famille qui venait de donner naissance à une fille qu'elle avait décidé de se faire passer pour une assistante sociale.
De même, concernant son agression au domicile du footballeur la veille de l'enlèvement, l'accusée dira avoir croisé fortuitement le footballeur et sa femme en promenade. Une petite voix lui aurait alors indiqué de briser ce bonheur, d'où son intrusion au domicile de Yoane Wissa. Elle précisera qu'elle voulait juste asperger d'acide leurs vêtements, mais, surprise, elle avait aspergé le footballeur. Elle récusera le fait d'avoir voulu kidnapper leur nourrisson.
Suite à une expertise psychiatrique effectuée en 2022, l'accusée, placée en détention provisoire, ne montrait aucun signe de maladie psychiatrique même si, au moment des faits, elle a pu avoir une altération de son discernement. De la même manière, des examens médicaux n'avaient pu démontrer que cette femme avait été enceinte.