Avec 699 éoliennes, le Centre-Val de Loire s’impose comme l’une des régions les plus dynamiques en matière d'énergie éolienne. Mais une disparité frappe : l’Eure-et-Loir, à lui seul, en abrite 320, contre zéro en Indre-et-Loire. Pourquoi un tel contraste ? Explications entre vent, paysages et politiques locales.
Du vent... mais pas partout. En Eure-et-Loir, les éoliennes ne manquent pas de souffle. Avec 320 unités plantées, le département surclasse ses voisins.
Son secret ? Des plateaux à perte de vue, peu d’habitations, et une météo qui donne des ailes aux promoteurs.
"Entre Blois, Orléans et Chartres, le plateau de la Beauce est l’un des endroits les plus venteux de France. C’est aussi un territoire avec peu de contraintes paysagères et très peu d'habitations", explique Guy Janvrot, secrétaire de France Nature Environnement Centre-Val de Loire.
La campagne berrichonne, entre Bourges et Châteauroux, présente également un fort potentiel, avec de grands espaces ouverts éloignés des habitations. Beaucoup d'éoliennes y sont installées.
Ces caractéristiques attirent les promoteurs, mais aussi les propriétaires terriens, qui perçoivent entre 5 000 et 10 000 euros par éolienne installée sur leurs terres.
L'Indre-et-Loire : un désert éolien
À l’opposé, l’Indre-et-Loire reste à la traîne, et pour cause : ce département, marqué par la Loire et ses châteaux, subit de fortes restrictions patrimoniales et paysagères.
Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, la vallée de la Loire, qui passe en plein milieu de l'Indre-et-Loire ou du Loir-et-Cher, impose une zone tampon autour des sites protégés, où toute installation éolienne est interdite.
“La préservation de cet héritage pèse lourdement sur les projets éoliens et notamment en Indre-et-Loire”, précise Richard Polin, délégué régional de France Renouvelables.
La préservation du patrimoine classé explique donc l'absence d'éolienne en Indre-et-Loire ou la présence de seulement 24 éoliennes dans le Loir-et-Cher où la Loire traverse le département.
Avec des joyaux comme le château de Chenonceau, celui d’Amboise ou encore le château de Chinon, la densité exceptionnelle de monuments historiques complique encore davantage l’implantation d’éoliennes sur les terres de l'Indre-et-Loire.
D’autres obstacles techniques s’ajoutent, notamment la proximité de l’aérodrome militaire de Tours, où la hauteur des installations est strictement encadrée. Les radars présents dans la zone compliquent également les autorisations.
La politique locale : un frein déterminant
Outre les freins naturels et techniques, les blocages politiques jouent un rôle déterminant. "En Indre-et-Loire, les élus locaux exercent une forte influence pour limiter le développement des éoliennes", souligne Guy Janvrot.
Bien que, sur le papier, l’accord des élus ne soit pas indispensable, car les projets reposent avant tout sur une entente entre les propriétaires, les promoteurs et la préfecture, leur implication dans les concertations locales peut considérablement ralentir les démarches.
À cela s’ajoutent les contestations des riverains, qui alourdissent encore les procédures.
En Indre-et-Loire, 13 projets ont récemment obtenu une autorisation, mais beaucoup d’entre eux se heurtent à des recours juridiques.
Il suffit d’un opposant pour bloquer un projet. Cela peut prendre des années avant qu’une éolienne soit enfin raccordée.
Richard Polin, délégué régional de France Renouvelables
D'une trajectoire indicative à des objectifs régionalisés
Avec l’objectif européen d’atteindre 42,5 % d’énergies renouvelables d'ici à 2030, la France devra considérablement augmenter sa capacité éolienne. Mais cet effort devra également être réparti de façon plus équilibrée entre les régions.
Si nous voulons atteindre ces objectifs, tous les départements devront s’impliquer.
Richard Polin, délégué régional de France Renouvelables
Il insiste cependant : "Ce rééquilibrage ne doit pas consister à répartir les installations de manière uniforme, car chaque département a ses contraintes et ses spécificités."
La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE 3), actuellement en cours de finalisation, pourrait constituer une étape décisive. Elle prévoit d’imposer des objectifs précis par région, là où, jusqu’à présent, les démarches relevaient d’une base volontaire.
"Avec la PPE 3, nous passons d’une trajectoire indicative à des objectifs régionalisés", explique Richard Polin.
Cette évolution devrait permettre une meilleure répartition des efforts sur le territoire, tout en tenant compte des caractéristiques locales.
Dans la région Centre-Val de Loire, où certaines zones affichent déjà un fort développement éolien, l’enjeu sera d’encourager les départements encore en retrait à contribuer davantage.
Mais, pour Richard Polin, l’éolien ne doit pas être l’unique réponse : "Nous ne prônons pas le développement de l’éolien au détriment du nucléaire. L’objectif est de renforcer toutes les énergies décarbonées, car c’est la clé pour retrouver notre souveraineté énergétique et assurer une production locale compétitive."