"On a l'impression de mal faire notre métier" : les AESH et les assistants d'éducation sont en grève ce jeudi

Deuxième corps de l'Éducation nationale, les AESH sont en grève ce jeudi 16 janvier, à l'appel de plusieurs syndicats. Les personnels réclament de meilleures conditions de travail pour eux et un meilleur accompagnement des élèves, ainsi qu'une plus grande reconnaissance de leur métier.

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Ils (ou plutôt elles) sont plus de 130 000 en France, et composent donc plus de 10% des effectifs de l'Éducation nationale en France. Les AESH, accompagnants des élèves en situation de handicap, sont devenus les moyeux de l'école inclusive à la française, venant en aide à des élèves demandant une attention spécifique et personnelle.

Mais la meilleure détection des situations de handicap ces dernières années a considérablement modifié le métier d'AESH. Et, à mesure qu'augmentait le nombre de signalements, accompagnés de demandes d'accompagnement, le métier devenait de plus en plus exsangue. Raison pour laquelle les personnels seront en grève ce jeudi 16 janvier, à l'appel notamment de la FSU, de la CGT et de Sud.

"L'État doit fournir un service public, mais ne le fait pas"

"On est le deuxième corps de l'Éducation nationale, mais il y a encore des enfants sans accompagnement, ou qui ont un accompagnement insuffisant", lance Arnaud Cochard Prier. Représentant AESH pour le syndicat FSU en Eure-et-Loir, il exerce depuis 2007. Et a vu les conditions d'exercice de sa profession se dégrader. "Il y a 10 ans, je pouvais accompagner un élève pendant 10 heures, se souvient-il. Aujourd'hui, c'est 2-3 heures. On a l'impression de ne pas faire un réel suivi."

La faute à la "mutualisation", doctrine née de l'augmentation plus rapide du nombre de demandes d'accompagnement que des effectifs d'AESH dans le pays.

Une commission détermine si un enfant a droit à un suivi individualisé ou mutualisé. En individuel, il y aura une dotation lourde en heures. Pour les autres, ça peut n'être que deux heures dans la semaine. Cette gestion fait qu'un élève va avoir deux ou trois AESH dans la semaine, et qu'un AESH va se retrouver avec quatre ou cinq élèves à accompagner, parfois plus, sur trois ou quatre établissements différents.

Arnaud Cochard-Prier, représentant AESH FSU 28

Les professionnels affirment avoir le sentiment de "saupoudrer" l'accompagnement : "On a l'impression de mal faire notre travail. Il y a une frustration de ne pas pouvoir donner plus de temps à l'élève. Voire une culpabilité à donner du temps à l'un et pas à un autre qui en a autant besoin." Le représentant syndical estime que "l'État doit fournir un service public mais ne le fait pas" : "Est-ce que l'élève progresse autant que si son besoin avait été contenté ? On se pose la question."

Les syndicats demandent plus de recrutements, et une meilleure attractivité

La question du recrutement se pose alors ardemment, et figure en bonne position des revendications annoncées pour ce jeudi 16 janvier. Car, selon les syndicats, les moyens alloués par le ministère sont insuffisants pour répondre aux besoins. "Les académies ont des enveloppes limitées, donc forcément, une fois le nombre de postes budgétés atteint, elles arrêtent... Il faudrait des budgets ouverts", plaide Marie-Paule Savajol, responsable de la CGT Éduc'action sur l'académie Orléans-Tours.

Et encore. Même avec plus de moyens, pas sûr que le métier attire suffisamment de candidats. "70% des AESH sont à 900 euros pour quatre jours travaillés devant les enfants. Et le mercredi, vous les faites revenir pour des formations et des réunions, détaille Arnaud Cochard Prier. Forcément, ça n'attire pas."

Marie-Paule Savajol aussi dépeint le portrait d'un métier "précaire, très féminisé, à temps partiel, avec des petits salaires". En 2022, quatre AESH sur cinq étaient des femmes. "On entend dire que ça les arrange bien d'avoir un temps partiel, mais c'est faux, c'est très macho comme discours, c'est du temps partiel subi", soutient Arnaud Cocher Prier.

L'intersyndicale plaide ainsi pour la reconnaissance d'un temps complet pour 24 heures travaillées par semaine devant élève. Car ces heures, sur le modèle du temps complet d'un professeur, n'incluent pas le temps de préparation, de personnalisation, ou encore de discussion avec les enseignants, entre autres.

La mobilisation réclame également la création d'un corps de fonctionnaire de catégorie B, pour que les AESH ne soient plus simplement des contractuels. Un cadre qui signifierait "une reconnaissance réelle de notre métier" par l'Éducation nationale, estime Arnaud Cochard Prier. Et qui s'accompagnerait de meilleurs salaires.

Les assistants d'éducation également mobilisés

Contrairement à la FSU, la CGT et Sud ont aussi invité les AED, assistants d'éducation, à se joindre à la mobilisation. "Eux ont un statut précaire, alors qu'on les présentait comme les essentiels pendant le Covid, assure Marie-Paule Savajol. Ce sont des essentiels quand il faut communiquer, mais plus quand on parle de paiement."

Les AED, chargés d'accompagner, surveiller, aider les élèves, sont près de 50 000 en France. "Si tous les AESH et tous les AED s'arrêtent de travailler pendant une semaine, tout ferme, et les lignes bougent", espère la responsable académique de la CGT Éduc'action.

Le syndicat Unsa, lui, a décidé de ne pas se joindre à l'appel à la grève. Tout en adoubant plusieurs revendications de l'intersyndicale, l'Unsa estime "qu'être présents, actifs, moteurs dans les instances de dialogue social et y faire bouger les lignes en faveur de ces personnels est plus efficace et pertinent que de demander à ces mêmes collègues, qui peinent à finir le moi, de renoncer à une journée de salaire pour des revendications connues de tous".

Ce jeudi, des mobilisations sur la voie publique sont annoncées à Chartres, Tours et Châteauroux. De plus, les personnels grévistes doivent être reçus par les services départementaux de l'Éducation nationale de l'Indre et du Loir-et-Cher. Dans le Loiret et le Cher, seules des conférences de presse sont annoncées à ce stade.

À la rentrée 2023, 3 479 AESH étaient embauchés dans la région, contre 2 340 en 2019. Selon des statistiques 2022-2023 de l'Unapei, trois enfants en situation de handicap sur quatre ont moins de 12 heures d'enseignement par semaine par manque d'AESH. Alors que le nombre d'heures de cours hebdomadaire est, théoriquement, de 24 en primaire et 26 au collège.

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