"Une violence que rien ne justifie" : dans l'Eure-et-Loir, le Dr Guilbaud répare les excisées

A l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, France 3 Centre-Val de Loire a rencontré celui qui a créé la seule Unité de soins aux femmes excisées de la région. 

"J'ai eu l'idée en allant écouter le docteur Pierre Foldès, un urologue. C'est lui le premier à avoir mis au point la reconstruction du clitoris pour les femmes excisées." 

Voix douce, mots pesés et impliqués. Le docteur Olivier Guilbaud a créé en 2009 une unité de soin aux femmes excisées, dans son hôpital de Chartres. "On a suivi une formation chirurgicale. Mais je voulais qu'on regarde plus loin... On a voulu faire un centre intégré, avec une équipe qui associe des chirurgiens, une psychologue, une assistante sociale et deux sexologues. Les patientes suivent un circuit." 


Femmes excisées de France : qui sont-elles ?


Qui sont ces femmes, qui vivent excisées dans un pays où la pratique n'existe plus ? Toutes sont issues d'ethnies africaines, d'Afrique de l'Est ou de l'Ouest, dans lesquelles l'excision est une tradition.

Un passage obligé pour être considérée comme une femme. Parfois, les excisions sont une souffrance qui s'ajoute à un mariage forcé, ou des abus sexuels. "Ce n'est pas en les opérant qu'on répare toutes les douleurs", lâche le Dr Guilbaud. 

Depuis la création du service, lui et son équipe ont reçu une trentaine de patientes. Cela paraît peu. "Il faut comprendre que celles qui font la démarche volontaire de venir ici s'excluent de leur communauté, elles nous en parlent. Se faire reconstruire, c'est refuser les traditions. C'est un parcours, ce n'est pas anodin. Il faut aussi subir une opération douloureuse, dont la cicatrisation dure quelques mois..." 

Celles qui franchissent la porte sont des femmes de tous âges, la plus vieille patiente reçue par ces professionnels avait 60 ans. Leurs motivations ne sont pas toujours les mêmes. "Certaines veulent redevenir une vraie femme, entière. Certaines veulent réparer l'agression qu'elles ont subi, d'autres retrouver leur plaisir, faire cesser la douleur. Pour certaines, c'est presque un geste politique."

Domination masculine, douleur féminine


Être excisée, souvent, c'est une vie de douleur qui se prépare. L'ablation du clitoris, qui se fait dans le pays d'origine, est pratiqué à la lame, par des exciseuses. Parfois, une même lame sert à plusieurs excisions à la suite, avec tous les risques infections que cela comporte.

Cette mutilation, si elle est réalisée trop en profondeur, provoque aussi une hémorragie. "Pour arrêter l'hémorragie, on tamponne avec de la cendre, du sable. Il y a beaucoup de problèmes de cicactrisation, c'est une source de douleurs." détaille le Dr Guilbaud.

Autre conséquence, celle pour laquelle cette mutilation est pensée : la perte parfois totale du plaisir sexuel, le plaisir vaginal tirant lui aussi sa source dans le clitoris.

Parfois, l'excision est assortie d'une ablation des petites lèvres, ou d'une couture de l'orifice vulvaire, rendu plus petit. Dans ce cas, les accouchements deviennent aussi bien plus compliqués. 



"C'est un moyen d'asseoir une domination masculine sur la femme, en l'empêchant d'avoir le contrôle de son plaisir. Rien ne justifie une telle violence dans cette tradition. Elle n'a d'ailleurs rien avoir avec l'islam, comme certains essaient de le faire croire, ni avec aucune des religions actuelles. C'est une pratique à l'origine égyptienne, qui date des pharaons", clarifie le gynécologue. Peut-être lassé des absurdités. 




"On continue"

Alors le Dr Guilbaud et ses collaborateurs ont appris à réparer. Il faut d'abord ôter toute la partie déjà cicatrisée, qui souvent comporte encore des résidus de sable ou de cendre.

L'opération consiste ensuite à faire ressurgir un bout de la partie interne du clitoris, en coupant les attaches de cet organe qui entoure le vagin. "J'ai une petite plaquette, j'explique aux femmes ce qui va se passer. Au début, c'est étonnant car c'est très gros. Cela diminue de taille ensuite."

Même s'il est confronté à ces histoires heurtées, le Dr Guilbaud garde le cap. "Il faut de l'écoute, et du partage, mais aussi garder un certain recul, comme n'importe quel médecin. Tant qu'on a le savoir-faire et la motivation, on continue. C'est bien d'en parler, il faut essayer d'arrêter ça. C'est une violence barbarbe, d'un autre âge. Même la tradition peut changer." 

Petit à petit, femme par femme, l'équipe du Dr Guilbaud répare. L'équipe du Docteur Olivier Guilbaud est composée de : Dr Antoun Souhaid, chirurgien et sexologue ; Dr Catherine Gueguen Prochasson, sexologue ; Mme Jeannick Le Denn, psychologue, ainsi que d'une équipe d’infirmières spécialement formées.

Si vous souhaitez prendre rendez-vous, le secrétariat est joignable au : 02 37 30 30 80
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