Les opposants à la construction d'un nouveau tronçon de l'A154 en Eure-et-Loir manifesteront ce lundi 27 janvier 2025. Ils demandent qu'un moratoire soit mené et souhaitent, en attendant, que tous les projets autoroutiers de France soient suspendus.
Alors que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ce mardi 21 janvier une demande de suspension en urgence de l'épineux chantier de l'autoroute A69 reliant Castres à Toulouse, c'est un combat similaire qui se profile en Eure-et-Loir où un autre projet autoroutier fait grincer des dents : celui de la construction de nouveaux tronçons sur l'A154-A120.
Autoroute A69 : la justice administrative rejette une demande de suspension en urgence du chantierhttps://t.co/M481hivTWW
— franceinfo (@franceinfo) January 21, 2025
Soutenu depuis de nombreuses années par plusieurs élus locaux, l'ouvrage doit permettre de relier Rouen (Seine-Maritime) à Orléans (Loiret) en passant par Evreux, Dreux et Chartres. Soit 67 kilomètres supplémentaires pour un total de 97 kilomètres, qui permettront de désengorger l'Ile-de-France, saturée par les camions ralliant le nord de l'Europe au sud. Un projet qui jusqu'alors "ne nous inquiétait pas beaucoup", explique Caroline Duvelle, porte-parole du collectif "Non à l'A154/A120".
"On est monté d'un cran au niveau du curseur"
Car s'il refaisait surface de temps à autre, ce serpent de mer, vieux de presque 50 ans, n'avait jamais connu d'avancée significative. Mais en 2018, l'État a déclaré le projet d'utilité publique, et les concessionnaires candidats ont fini de déposer leurs offres en décembre dernier. Ces dernières vont donc pouvoir être étudiées dans les mois à venir. "On ne veut pas faire comme l'A69. Le problème là-bas, c'est que le contrat de concession est signé, donc si l'État se désengage, ça va lui coûter une fortune. Ce n'est pour l’instant pas le cas pour l'A154, donc on veut se battre avant que ce soit trop tard. Mais maintenant que les concessionnaires ont remis leurs offres, ça peut se signer à tout moment. On est monté d'un cran au niveau du curseur."
Alors, lundi 27 janvier, les militants vont investir un champ où doit passer la future autoroute, à Saint-Prest en Eure-et-Loir. Ce même champ où, il y a quelques semaines, les opposants au projet affirment que des carottages illégaux ont été menés par un prestataire de Vinci Autoroutes, mettant un peu plus le feu aux poudres. "L'agriculteur ne l'a pas autorisé. Il a même déposé plainte", affirme Caroline Duvelle.
Et le collectif eurélien ne sera pas seul à mettre les pieds dans la boue. Il a rejoint il y a plusieurs mois le mouvement "la déroute des routes", une coalition qui rassemble plusieurs collectifs opposés à des projets autoroutiers. Parmi eux, figure notamment "La Voie est libre", qui milite contre l'A69. "Quand on a fait des mobilisations qui n'étaient que sur l'A154, c'est passé inaperçu", regrette Caroline Duvelle. "Là, ça devient un mouvement national." Elle espère aussi rameuter des députés à qui elle a envoyé un dossier de 15 pages contenant "tous les chiffres qu'on a pu rassembler."
Un moratoire et la suspension de tous les projets autoroutiers
La coalition demande la suspension de "tous les projets autoroutiers français", y compris celui de l'A69, afin qu'un moratoire sur l'ensemble des projets routiers et autoroutiers de France soit mené. Selon les chiffres qu'il a rassemblés, il y aurait actuellement 60 projets autoroutiers en cours ou en discussion, auxquels s'ajoutent environ 200 projets routiers. Soit 1575k m de bitume supplémentaires sur près de 9000 hectares de terrain. Le tout pour un coût de 24 milliards d'euros. L'A154/A120 serait par ailleurs, le chantier le plus coûteux : un milliard d'euros à lui seul. "On mise beaucoup sur la situation économique de l'Etat. Tous les ministères sont en train de faire des coupes budgétaires. Nous, on leur dit : regardez ! Là, il y a 24 milliards à économiser. Ce n'est pas rien !"
#Moratoireroutes. En plus d'une proposition de loi déposée le 15 octobre, un amendement au #PLF2025 l'est depuis le 19. Ainsi, notre proposition de mettre fin au financement de nveaux projets routiers/autoroutiers est reprise par le parlement.
— La Déroute Des Routes (@La_Deroute) October 28, 2024
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Outre "l'aberration" budgétaire, c'est tour à tour l'impact écologique et socio-économique du projet que dénoncent les militants. L'A154 va remplacer ou compléter le tracé d’une 2x2 voies existante et où on roule gratuitement à 110 km/h. "Si l'autoroute se fait, le tracé va être privatisé et le concessionnaire réclamera un droit de péage. Il n'y aura aucune gratuité pour les concitoyens entre Dreux et Chartres", affirme Caroline Duvelle."C'est l'équivalent de 2000 euros par an qu'ils vont jeter dans le péage."
Les agriculteurs de Beauce, eux, "en plus d'être expropriés pour construire l'autoroute", devraient voir s'accroître une concurrence déloyale. "S'ils sont en souffrance c'est à cause de la concurrence des autres pays dans le cadre du libre-échange économique en Europe. Ces autoroutes servent à une chose : faire passer plus de camions des quatre coins de l'Europe et du monde pour faciliter ce libre-échange qui tue les agriculteurs français."
Pas de ZAD (Zone à défendre) pour l'instant
Mais Caroline Duvelle souligne que sa principale inquiétude reste l'artificialisation des sols. Car si l'autoroute l'A154 devrait avoir une emprise sur 660 hectares de terres agricoles, elle pourrait, en plus, encourager la création de nouvelles zones logistiques et commerciales. "Ici en Eure-et-Loir et de manière globale en région Centre-Val de Loire, on a subi beaucoup d'épisodes d'inondations et ça va être de pire en pire. Parce que plus on artificialise les sols, moins l'eau peut s'y infiltrer, et plus on s'expose à ces aléas."
La militante est bien consciente du bras de fer qui s'engage face aux lobbys autoroutiers et logistiques mais reste confiante. Elle espère voir la France prendre la même direction que l'Écosse, la Suisse ou encore les Pays-Bas qui ont peu à peu abandonné leurs projets d'autoroutes. Elle n'exclut pas non plus que les collectifs haussent le ton si les choses devaient s'accélérer. "Pour l'instant, il n'y a rien de fait, donc il n'y a pas de raison de créer une ZAD. Mais c'est clair que si dans quelques mois, le contrat de concession est signé, ce qui se passe sur l'A69 se passera aussi sur l'A154", promet la porte-parole.