Chaque année au mois de janvier, les ornithologues du monde entier se mobilisent à l'occasion du comptage Wetlands des oiseaux d'eau hivernants. En Indre-et-Loire, l'évènement, supervisé par la LPO 37, a permis de recenser cette année près de 50 000 oiseaux.
Le comptage Wetlands, débuté en 1967, est, paraît-il, la plus ancienne et la plus importante enquête de sciences participatives dans le monde : un recensement des oiseaux d'eau sur toutes les zones humides de la planète qui rassemble des milliers d'ornithologues amateurs ou professionnels, le temps d'un week-end au mois de janvier.
Ce comptage à grande échelle répond à un double enjeu de conservation : la protection des espèces, (avec une estimation fiable des tailles de populations et de leurs tendances) et la préservation des zones humides, écosystèmes d'une grande richesse. L'événement est relayé et organisé en France par la ligue pour la protection des oiseaux (LPO).
"En Indre-et-Loire, le comptage se faisait au départ sur quelques grands sites emblématiques, explique Julien Présent Référent Wetlands pour la LPO 37. Aujourd'hui la couverture est beaucoup plus grande, plus de la moitié du département est prospectée à cette occasion. L'événement est bien connu et mobilise beaucoup de monde tous les ans, mais nous avons battu des records cette année avec 71 participants et 48500 oiseaux comptabilisés."
Avec de bonnes surprises (effectifs en forte hausse) et de moins bonnes (diminution préoccupante).
Le héron garde-bœuf en conquérant.
"Parmi les faits marquants de ce comptage, reprend Julien Présent, nous relevons l'expansion géographique toujours très dynamique du héron garde-bœuf en Indre-et-Loire."
2638 hérons garde-bœuf tourangeaux recensés cette année, soit une hausse de 50% par rapport au précédent record (1753 en 2023).
"Cette espèce, qui n'existait pas du tout dans notre région il y a seulement 25 ans, est aujourd'hui très commune et très abondante. On ne sait pas vraiment expliquer pourquoi, on ne la rencontrait auparavant qu'en Afrique tropicale. En quelques décennies, depuis le milieu du XXème siècle, les hérons garde-bœuf se sont mis à conquérir le monde entier. C'est très surprenant et c'est un peu le même phénomène qu'avec la tourterelle turque, qui a conquis toute l'Europe au XXème siècle."
Parmi les oiseaux recensés, le vanneau huppé et le pluvier doré sont les deux espèces aux effectifs les plus importants en Touraine :
"Ce sont deux cas un peu particuliers, car on ne les trouve pas au bord de l'eau, mais plutôt dans les champs, poursuit le référent de la LPO 37. Mais ce sont bien des limicoles (des petits échassiers, NDLR) et nous les comptons aussi car nous avons une grande responsabilité pour ces espèces : une grande partie des populations européennes passe l'hiver dans les plaines du Centre de la France, en particulier chez nous."
Un peu plus de 14 000 vanneaux huppés en 2025, et près de 13 000 pluviers dorés, cela peut sembler beaucoup mais on est très loin des records de 2019 (respectivement 42 000 et 23 000).
"Le vanneau huppé, surtout est en fort déclin, on en voit beaucoup moins, il souffre vraisemblablement à la fois de l'agriculture conventionnelle et du réchauffement climatique."
Le grand cormoran, bête noire des pêcheurs ?
Reste le cas particulier du grand cormoran, cet oiseau mal-aimé dont la population diminue au fil des ans et qui préoccupe la LPO :
"Ce sont des oiseaux impossibles à compter en journée car ils s'éparpillent beaucoup, mais ils se rassemblent en soirée et l'on a découvert 5 nouveaux dortoirs. Malgré cela, leur population diminue en Touraine et il est probable que beaucoup meurent parce qu'ils sont tués par dérogation. C'est un oiseau protégé mais il fait l'objet de quotas de tirs délivrés par les préfets, surtout pour satisfaire les pêcheurs, qui pensent qu'il a un impact important sur les populations de poissons. Ce que nous contestons, car aucune étude sérieuse ne valide cette hypothèse. "
"Le cormoran est venu naturellement, ce n'est pas une espèce exotique ou envahissante. Dans la nature, un équilibre se crée toujours entre proies et prédateurs, à nos yeux le cormoran ne représente aucun danger pour les populations de poissons. À l’avenir, nous essaierons de participer aux réunions de concertation pour que le préfet prenne en compte nos données, et non des chiffres sortis d'on ne sait où...", conclut le représentant de la LPO.