Plusieurs cités-jardins, datant de l'entre-deux-guerres, entourent le centre-ville de Tours. Elles témoignent d'une révolution dans la façon de construire la ville.
Au 21e siècle, les centres-villes ont la cote, et sont en général les zones les plus prisées des grandes villes. Ce qui n'était pas le cas il y a 100 ans. Promiscuité, insalubrité, manque de verdure... les problématiques des centres anciens étaient nombreuses au début du 20e siècle.
Les urbanistes français ont alors eu la (bonne ?) idée d'importer du Royaume-Uni le concept de la cité-jardin. Un moyen de faire face à l'augmentation rapide de la population dans les villes, tout en proposant un nouvel habitat, avec de larges allées, de la nature, et tout le confort moderne de l'époque.
À Tours, plusieurs quartiers sont des exemples frappants de cette révolution architecturale, initiée par une intervention publique. Elles sont au nombre de quatre, et encerclent le centre-ville. La force publique en question, c'est l'office municipal de Tours, créé en 1921, après le vote de la loi dite "Bonnevay" en 1912. Ce texte législatif permet, dès lors, aux villes d'investir massivement dans le logement à bon marché.
Les ancêtres des HLM
Or, "dans une ville pas industrielle comme Tours, on ne peut pas compter sur le paternalisme des patrons pour construire des cités ouvrières, il faut l'intervention de la force publique", détaille Frédéric Dufrèche, animateur du patrimoine auprès de la ville de Tours.
La cité-jardin des Bords de Loire, située le long de l'avenue Proudhon, se compose de trois immeubles construits autour d'un parc central "à visée collective et d'aération". 72 logements, tous traversants, avec deux ou trois chambres et une salle de vie commune. Autour, quelques maisons individuelles encadrent la cité, qui était aussi peuplée de jardins locatifs. "C'est de l'habitat bon marché avec la possibilité de jouir d'un espace extérieur." Pas si fréquent au début du XXe siècle. Une façon de "faire une ville différente des ruelles serrées du vieux Tours, d'y faire venir la nature et l'air".
Pour Frédéric Dufrêche, la réalisation de la cité-jardin des Bords de Loire, avenue Proudhon, est une "prouesse". "Il y a des plans de travail en faïence, des matériaux de qualité, des menuiseries en chêne en façade qui ont disparu, des mosaïques au sol... des éléments de vie quotidienne plutôt rares dans l'habitat modeste à l'époque", explique-t-il. Pour limiter les flux, plusieurs cages d'escalier sont construites dans chaque bâtiment, et seuls deux appartements donnent sur chaque niveau.
Coup de vieux
Le bailleur Tours Habitat a la charge d'une bonne part des cités-jardins de la ville, et a conscience de l'importance de ce patrimoine. "On le sait, ce n'est pas n'importe quel lotissement", assure Grégoire Simon, directeur de Tours Habitat. Le bailleur a d'ailleurs déboursé 10 millions d'euros pour la rénovation de trois cités-jardins (Jolivet, Beaujardin et Bords de Cher) de la métropole. Car, si "le confort était important pour l'époque", il faut aujourd'hui "mettre aux normes, isoler, remettre en état" des habitations vieillissantes.
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La ville de Tours a, ces dernières années, tenté de mettre en avant ce patrimoine plus discret que les colombages de la place Plumereau. Frédéric Dufrêche raconte ainsi le "succès auprès des Tourangeaux" de circuits de visite dédiés à ces cités. "Ils étaient heureux de découvrir un patrimoine moins connu autour d'eux."
Pour leur valeur patrimoniale et historique, les cités-jardins de Tours ont reçu le label "Architecture contemporaine remarquable" (ACR), décerné à un patrimoine un peu trop récent et un peu trop confidentiel pour être considéré comme un monument historique. Un label qui sert avant tout d'opération de communication, mais qui ne s'accompagne pas de règles de protection particulière.
Et demain ?
Or, la cité-jardin des Bords de Loire pourrait perdre son label ACR. Car, 100 ans après l'édification, un lieu perd automatiquement le fameux label. Et la cité-jardin fut élevée entre 1926 et 1930. Replongera-t-elle alors dans l'oubli ?
Rien n'est acté mais, lorsqu’arrive l'échéance séculaire, les services de la direction régionale des affaires culturelles (Drac) peuvent s'en saisir. Et "évoquer le lieu en commission régionale en disant : est-ce qu'on retire le label, ou est-ce qu'on le classe monument historique", précise Sylvie Marchant, conseillère pour la valorisation du patrimoine à la Drac Centre-Val de Loire. Si bien que, sans être un passe-droit automatique, le label ACR peut faciliter un classement en tant que monument historique. Pour les cités-jardins de Tours, "je pense qu'on posera la question, et que la commission y sera sensible", ajoute-t-elle.
Ce qui ne veut pas dire que tout édifice labélisé sera finalement classé. Pour Sylvie Marchant, dans certains contextes, c'est totalement impossible, notamment pour de l'architecture du quotidien. Et, donc, les cités-jardins. "Dans le cadre de grands ensembles, d'immeubles, la nécessité d'entretien régulier et de restaurations importantes" complexifie un classement au titre des monuments historiques, qui vient automatiquement avec des règles de protection très strictes. Et complexes à appliquer sur de l'habitat collectif en constante évolution.