Pour limiter l'empreinte carbone de Noël, beaucoup de Tourangeaux viennent acheter leur sapin directement chez des pépiniéristes et privilégient les arbres coupés en Touraine. Mais la culture de ce type de conifères dans le Val de Loire est menacée par le dérèglement climatique. Reportage chez un pépiniériste à Fondettes qui cultive des sapins nordmann depuis 20 ans.
Sa tronçonneuse au bout du bras, Anthony Lozada, pépiniériste à Fondettes, enchaîne la coupe de sapins nordmann dans sa pépinière en bords de Loire pour ses clients qui viennent directement choisir leur arbre de Noël dans la sapinière.
Ici pas de pesticides et pas d'engrais. Les conifères plantés il y a 7 ans ont poussé sans aide, mais avec beaucoup de difficulté. "Pour le moment, on arrive encore à le cultiver comme il faut mais dans quelques années, on arrivera au bout des cultures à cause du dérèglement climatique. Avec les sécheresses successives, le végétal a beaucoup de mal à s'épanouir", constate-t-il.
En 7 ans, la production de sapins a baissé de 25 % en Indre-et-Loire. Anthony Lozada, installé depuis trente ans, avait déjà arrêté de cultiver des sapins de type épicéa "trop fragiles". "Le nordmann résiste mieux et se vend mieux. Mais là, ça devient très inquiétant", déplore le professionnel qui vend 600 sapins par an en direct au mois de décembre.
"Ce type de conifères a besoin de beaucoup de froid et de beaucoup d'eau. Avec le soleil qui est de plus en plus fort et les sécheresses intensives qui se répètent, je pense que dans moins de dix ans, il n'y aura plus de sapins cultivés ici pour Noël. Il faudra faire venir les sapins d'autres secteurs en France et en Europe", prévoit-il.
Les plus grandes plantations de sapins en France sont dans le Morvan le cœur vert de la Bourgogne.
Un brunissement des aiguilles à cause du stress hydrique
Anthony Lozada nous montre les effets de la sécheresse sur un des arbres. "Ça fait un brunissement des aiguilles. Pas partout, heureusement d'ailleurs. Mais c'est quand même des signes que ces arbres changent d'aptitude avec le dérèglement climatique".
Donc même si le sapin parvient à pousser, le brunissement des aiguilles risque de s'aggraver à cause du stress hydrique. Et ce que les clients cherchent est un sapin bien vert en bonne santé. " Les clients choisissent un arbre sur un coup de cœur. Donc s'il y a des aiguilles qui sont un peu détériorées par la sécheresse, c'est sûr que ce n'est pas vendeur", explique le pépiniériste.
Quand Anthony Lozada explique cette menace sur la culture locale de sapins à ses clients habitués, leur première réaction est la déception. "C'est tellement bien de venir choisir son sapin ici dans la nature. C'est local. Il y a un contact humain... c'est tellement mieux que sur un parking de supermarché. Ce serait dommage que ça s'arrête", déplore Sabine Delage, habitante de Joué-lès-Tours qui vient chercher son arbre de Noël chaque année avec son mari depuis cinq ans.
Planter 2500 jeunes sapins nordmann au printemps, un dernier pari sur l'avenir
Mais le pépiniériste ne se laisse pas abattre. Il parie une dernière fois sur l'avenir. Au printemps, il va planter 2 500 jeunes sapins qui font entre 40 et 60 centimètres. Chaque pied coûte environ 7 euros. Dans sept ans, s'ils évoluent bien, les nordmann devraient mesurer environ 1m40.
"C'est un gros investissement. On ne baisse pas les bras. Il faut persévérer. C'est un métier qu'on fait avec le cœur. Donc c'est l'expérience de la nature. On va voir ce qu'elle va faire. Comment vont être les arbres dans 7 ans. Et là, je déciderai si je continue ou pas, " conclut Anthony Lozada, pragmatique.
L'arbre coupé plus écologique que le sapin synthétique
Chaque année en France, 5 millions de sapins coupés et un million de sapins artificiels sont vendus pour Noël en France. Contrairement aux idées reçues, le conifère coupé est plus écologique que le sapin synthétique. Le sapin coupé est cultivé exprès, il a absorbé du CO2 pendant les 5 à 10 ans de sa pousse et a abrité des animaux tout en retenant la terre. Après les fêtes de fin d'année, il peut être composté pour nourrir les plantes.
Le sapin synthétique est souvent fabriqué en Asie. Il traverse donc la planète pour être vendu en Europe. Pour amortir son empreinte carbone, il faut le conserver pendant 20 ans.