Santé mentale : peur, stigmatisation, une "Nuit de la psychiatrie" pour lutter contre les préjugés des étudiants en médecine

Tours organise, ce 31 janvier, comme six autres grandes villes universitaires, les premières "Nuits de la psychiatrie". Objectif : redonner ses lettres de noblesse à une discipline délaissée par les étudiants et qui manque de professionnels pour prendre en charge la santé mentale des Français.

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Selon les données les plus récentes, un Français sur cinq est touché par des troubles psychiatriques, et sept sur dix disent vouloir prendre soin de leur santé mentale. L'épidémie de COVID et les confinements sont passés par là, mais la précarité, l'isolement, les réseaux sociaux, les angoisses face à un avenir incertain exacerbent aussi les pathologies psychiatriques.

Face à ces besoins croissants, la psychiatrie peine à recruter : alors qu'un quart de ses praticiens est âgé de plus de 65 ans, les étudiants en médecine, eux, semblent bouder la discipline.

À la sortie de la faculté de médecine de Tours, une étudiante en deuxième année nous explique ses réticences :

"Au début, je pensais m'orienter vers la psychiatrie, assez logiquement, puisque j'ai une licence de psycho. Mais je n'en suis plus sûre, je redoute une difficulté au niveau mental. La prise en charge du patient et les répercussions pour le médecin lui-même me semblent compliquées. La charge émotionnelle existe dans tous les services, mais elle est peut-être plus intense en psychiatrie."

Une discipline peut-être moins prestigieuse que d'autres, mais, surtout, un univers anxiogène, un métier difficile et psychologiquement éprouvant : l'étudiante a résumé les principaux freins à une spécialisation en psychiatrie.

Désert psychiatrique en Centre-Val de Loire

Le renouvellement n'est donc pas assuré, et la situation de pénurie est aggravée par de fortes disparités régionales :

"Beaucoup de postes de médecins et d'infirmiers dans la discipline sont libres, beaucoup de postes hospitaliers ne sont pas pourvus, même dans les grandes villes, explique Wissam El Hage, professeur de psychiatrie adulte et addictologie à l'Université de Tours. La région Centre est la dernière en France en termes de densité médicale de psychiatres. Il y a des endroits où se pose la question de fermetures de lits et des patients qui font 150 ou 200 kilomètres pour essayer d'avoir un avis psychiatrique."

Alors les psychiatres veulent "réenchanter la discipline" : il y a un an, en janvier 2024, le CNUP (Collège National des Universitaires de Psychiatrie) a lancé la campagne #Choisir Psychiatrie, visant à mieux informer les étudiants en médecine et les motiver à s’inscrire dans cette spécialité.

"La psychiatrie fait l'objet d'idées préconçues, de peur, de stigmatisation autour de la folie, des stéréotypes très anciens, reprend Wissam El Hage. Mais elle évolue, elle change beaucoup, c'est une des disciplines les plus innovatrices. On est loin, aujourd'hui, de l'image tenace d'une psychiatrie asilaire. C'est une spécialité très humaine, qui considère l'individu dans sa globalité et comporte une grande marge d'amélioration pour les patients."

Comme pour les trains (lorsqu'ils n'arrivent pas à l'heure), le professeur tourangeau déplore que l'on n'évoque la psychiatrie que lorsqu'il y a des problèmes :

"On en parle lorsqu'il y a un patient qui décompense, lorsqu'il y a un passage à l'acte violent. Nos pathologies, la terminologie psychiatrique, sont devenues des insultes de la vie courante : on traite quelqu'un d'hystérique, de schizo, d'obsessionnel... on reste dans la stigmatisation."

La psychiatrie, discipline aux missions essentielles et variées

Loin de ces clichés, Wissam El Hage préfère insister sur la richesse de sa discipline, la diversité des pratiques : le psychiatre peut se spécialiser en périnatalité, sur l'enfant ou l'adolescent, sur l'adulte ou la personne âgée, réaliser des expertises, etc.

"Non seulement les missions de la psychiatrie sont essentielles, mais elles sont aussi très variées : un tiers de la population y aura recours dans sa vie, elle répond à des objectifs de soins, de sécurité quand il s'agit d'auteurs de violences, elle prend en charge et soigne aussi bien les auteurs que les victimes de violences sexuelles, réalise des expertises pour les tutelles et les curatelles... La diversité de ses missions est la force de la psychiatrie, même si certains peuvent en être un peu effrayés."

Pour tenter de lever les craintes et préjugés des étudiants en médecine, les inciter à choisir cette spécialité, Tours organise le 31 janvier prochain les premières Nuits de la psychiatrie (avec Bordeaux, Clermont-Ferrand Grenoble, Lille, Lyon, Paris et Strasbourg). L'évènement est porté par le CNUP, l'ANEMF (Association Nationale des Étudiants en Médecine de France) et l'Association française fédérative des Étudiants en Psychiatrie.

Coup d'envoi de cette "année de la santé mentale", la soirée, réservée aux étudiants et professionnels, se déroulera à la faculté de médecine, au 10, boulevard Tonnelé, à partir de 18h30.

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