Avec l'arrêt annoncé d'une ligne de fabrication de puces électroniques, uniquement fabriquée à Tours, les salariés de STMicroelectronics craignent la casse sociale.
Les tensions internationales autour de l'industrie de haute technologie peuvent avoir des conséquences locales bien concrètes. C'est le cas des salariés de l'usine STMicroelectronics à Tours qui fabriquent des puces électroniques.
En difficulté à cause des récentes pénuries de matériaux semi-conducteurs, le groupe a en effet revu sa stratégie d'implantation dans l'espoir, selon son PDG Jean-Marc Chéry, d'économiser des centaines de millions de dollars d'ici 2027. En 2023, STMicroelectronics employait un peu plus de 51 000 personnes dans le monde, dont 1400 sur le site de Tours.
Dans ce nouveau projet industriel, la section CGT de STM Tours a "relevé une volonté de délocaliser des activités de technologie '6 pouces' actuellement en Europe vers l'Asie", en l'occurrence vers Singapour, apprend-on dans un communiqué.
Une technologie "sans avenir", mais sans remplaçant
Or cette technologie "6 pouces" (ou 150 mm), que l'on retrouve dans les téléphones portables, les voitures électriques et l'électroménager, est exclusivement produite sur le site de Tours. Par conséquent, "nombre de nos emplois en Touraine sont directement menacés à très court terme, et la pérennité du site, fortement affaibli, serait alors remise en question", s'inquiète le syndicat.
La question n'est d'ailleurs pas tellement d'arrêter ou non cette technologie 6 pouces, explique Stéphane Moreau, délégué CGT de STM à Tours. "Cette technologie est un peu ancienne, il y a beaucoup de concurrence asiatique", indique le syndicaliste. "On se doute que les 6 pouces sont une vieille technologie, sans beaucoup d'avenir, on n'est pas spécialement opposé à ce que les 6 pouces quittent Tours", note-t-il.
Mais les salariés veulent pouvoir maintenir et développer la production d'autres modèles existants à Tours, ou en produire de nouveaux. STM souhaite après tout accélérer sa production en "12 pouces" (ou 300 mm) et le développement de puces en carbure de silicium et en nitrure de gallium, le site de Tours espère pouvoir récupérer certaines de ces productions.
2,9 milliards d'euros de subvention annoncés en 2023
Seul problème : la communication avec la direction semble au point mort, et pour le moment les salariés ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés.
Pour autant, le tableau n'est pas noir. Les États français et italiens, qui détiennent chacun environ 14% des actions de STM, peuvent encore peser sur ses choix stratégiques. Et ce d'autant plus qu'en juin 2023, Bruno Le Maire, alors ministre de l'Économie, annonçait une subvention massive de 2,9 milliards d'euros pour STMicroelectronics afin de soutenir l'industrie des semi-conducteurs et de préserver les emplois de ce secteur éminemment stratégique.
Désormais, la balle est donc dans le camp du groupe franco-italien et des élus. En novembre, la CFDT et la CGT de ST s’interrogeaient dans une lettre adressée à Emmanuel Macron sur "la stratégie industrielle du groupe en France et en particulier le devenir de toutes les usines [...] qui, à ce jour, ne sont structurellement pas en mesure de passer au 300 mm, ni au carbure de silicium (SiC) ni au nitrure de gallium (GaN)". Ce qui est justement le cas de Tours.
Lundi 16 décembre, les questions des représentants du personnel de Tours devraient remonter le long des instances centrales de STMicroelectronics. Plus localement, les syndicats ont sollicité des élus locaux, afin de "faire pression" sur le groupe et obtenir des garanties sur le maintien de la production, et des emplois. Outre le site de Tours, STMicroelectronics emploie près de 6000 personnes à Grenoble et Crolles, dans le sud de la France.