Ce 7 janvier 2025 la France commémore les 10 ans de l'attentat contre Charlie Hebdo. En 2015, après l'effroi et le choc, dans toute la France des manifestations seront organisées le 11 janvier pour rendre hommage aux victimes des frères Kouachi et défendre la liberté d'expression. Retour sur un moment de solidarité inoubliable où 35000 personnes s'étaient rassemblées, du jamais vu à Tours depuis la Libération.
C'est une marée humaine qui a déferlé sur la ville de Tours ce dimanche 11 janvier 2015, des rues noires de monde, des pancartes "Je suis Charlie", des familles, des jeunes, des personnes âgées rejoignent la place bien nommée de la Liberté. Une manifestation lancée par un jeune Tourangeau Alex Guerrier. Bouleversé par l'attentat contre le journal satirique Charlie Hebdo, il lance un message sur Facebook pour appeler à un rassemblement solidaire. Un message auquel les Tourangeaux répondront, au-delà de ses attentes.
Un formidable élan de solidarité
Des élus de tous bords, marchant ensemble, 35000 personnes, c'est le plus grand rassemblement à Tours depuis l'après-guerre.
Marie-France Beaufils, maire PCF de Saint-Pierre-des-Corps à l'époque, se souvient d'un moment exceptionnel. "J'avais été frappée par l'ampleur de la manifestation. La foule était impressionnante. Il y avait aussi une diversité politique, des élus de Touraine, de la Région. Même si certains politiques n'appréciaient pas beaucoup Charlie Hebdo, ils reconnaissaient que même si on n'était pas d'accord, leur présence dans le paysage médiatique était essentielle. On sentait qu'il y avait une vraie volonté d'être tous là, présents. C'était très fort".
La manifestation est silencieuse, coupée de salves d'applaudissements. Les paroles sont empreintes de solennité, de colère ou de tristesse. Nous avons croisé une femme d'âge mûr, très émue de se retrouver dans ce cortège, c'était la première manifestation. "La liberté, c'est très important et surtout la liberté d'expression. Je pense aussi aux victimes et aux policiers. Je leur dis merci."
Un père de famille, lui, n'a pas hésité à venir avec ses jeunes enfants. "Ça représente un début d'éducation politique et citoyenneté et il n'y a pas d'âge pour défendre la liberté, le partage et la laïcité." Une jeune femme armée de son crayon "Arme de liberté massive" est très touchée par les milliers de personnes mobilisées. "C'est beau, c'est très, très beau et ça montre qu'on est vraiment tous solidaires et qu'on partage des valeurs importantes. Même s'il y a énormément de désaccord, pour ce qui est des valeurs humaines on est tous ensemble."
Le rassemblement s'est terminé place Jean-Jaurès avec la lecture des noms des 17 victimes des frères Kouachi, suivie d'un moment de recueillement. Une union nationale, un moment de fraternité et de partage inoubliable. Que reste-t-il 10 ans plus tard, de cet état d'esprit "Je suis Charlie" ?
"Je suis Charlie aujourd'hui ?"
Pour Marie-France Beaufils, la réponse est claire "Ce qui me reste, c'est le fait que ce mouvement, cette expression voulait dire que c'était inacceptable qu'on mette en cause des personnes qui sont des caricaturistes, des journalistes, qui ont un esprit critique très aigu mais qui font cette histoire de la presse française depuis toujours. Pour moi c'était important que la diversité vienne exprimer ce fait qu'on voulait que cette liberté d'expression soit maintenue et que personne ne puisse se permettre de la mettre en cause. On se souvient des caricatures de Daumier, c'est l'histoire de notre culture."
Dix ans après, ce dimanche 11 janvier 2015 restera un moment de solidarité, de fraternité exceptionnel, intact dans les mémoires des 35000 personnes présentes à Tours ce jour-là.