Les buralistes en colère face au trafic de cigarettes : "On commence à démanteler des usines sur notre territoire"

Les buralistes se mobilisent partout en France pour faire entendre leur voix. Ils exhortent l'État à lutter contre le trafic qui représente selon eux désormais près de 40 % de la consommation en France, et pas seulement en zone frontalière. Dans l'Indre, les buralistes disent ne pas être épargnés par la problématique.

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Une cinquantaine de fédérations départementales des buralistes en France ont fait entendre leur voix ce lundi 3 février 2025 pour dénoncer la hausse de la vente des cigarettes de contrebande, partout sur le territoire.

Dans l'Indre, 125 buralistes qui se sont joints au mouvement. Car même dans le centre de la France, ce marché parallèle est présent. "Je peux comprendre la tentation d'aller voir ailleurs vu le prix de 12€50 le paquet. Je peux l'entendre", témoigne cette consommatrice qui ne s'est pas encore laissé tenter par les sirènes du marché parallèle.

"On vient nous en proposer"

D'autres témoignent d'une facilité d'accès à ces cigarettes de contrebandes, même dans l'Indre. "À Châteauroux, il suffit de trouver les bonnes adresses, confie ce consommateur de cigarettes tombées du camion. Parfois, on n'a même pas besoin de chercher, on vient nous proposer".

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Le tabac représentait jusqu'à 80% du chiffre d'affaires de ce bureau de tabac dans le centre de Châteauroux, il y a encore quelques années. C'est moins de la moitié de l'activité désormais. Au grand désespoir de la gérante, Christelle Desrutins. "Très souvent ils nous disent 'on vous aime bien, mais franchement avec le prix maintenant, c'est plus possible. Donc, on se fournit à des endroits où le tabac est beaucoup moins cher'. C'est du vrai trafic, on ne sait pas d'où viennent ces cigarettes et les normes ne sont pas forcément les bonnes", souligne la gérante.

Certains paquets subissent une nouvelle hausse de prix au 1er février 2025 © P. Roy/France Télévisions

Car il y a aussi un enjeu de santé, comme le rappelle Nicolas Pinot, le Président de la Fédération des Buralistes de l'Indre. "Le tabac, ce n'est pas un bon produit pour la santé. Mais le tabac de contrebande est pire, car ces cigarettes contiennent beaucoup de substances néfastes et toxiques".

Des usines de contrebandes en Centre-Val de Loire

"Nous ne sommes pas frontaliers, pourtant le marché parallèle est aussi très important dans notre région", s'inquiète Christelle Desrutins, derrière son comptoir. Un trafic qu'elle constate au sein même de son établissement. "On le voit sur nos terrasses, des paquets vides laissés par des clients... Il y en a beaucoup. C'est une perte importante pour nous et pourtant il faut bien qu'on fasse tourner notre affaire. On a des salariés à payer".

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En 2023, selon la fédération française des buralistes, le trafic représenterait 40% de la consommation en France, en augmentation permanente depuis la sortie du Covid. Alors, comme dans la plupart des bureaux de tabac, il faut se diversifier.

"On est obligé de faire de l'envoi de colis par exemple, le tabac ne représente plus notre plus grosse activité. Avant, on vivait très bien du tabac", se souvient Christelle Desrutins.

"La vraie nouveauté dans ce marché parallèle, c'est que maintenant, on commence à démanteler des usines sur notre territoire. Ces usines représentent 10% du marché illicite à peu près. C'est déjà beaucoup. Le reste, c'est la vente dans les autres pays qui ont des prix beaucoup plus bas, ou hélas, de plus en plus de cambriolages", détaille Nicolas Pinot.  

Des prix à la hausse, une consommation à la baisse ?

L'argument du prix pour inciter à arrêter de fumer, la gérante du tabac de Châteauroux, Christelle Desrutins n'y croit pas. "Cela ne fait qu'envoyer les clients sur d'autres réseaux que le nôtre", s'indigne-t-elle.

Pour Nicolas Pinot aussi, l'augmentation du prix est une fausse bonne idée. "On doit travailler à la baisse de la prévalence du tabagisme quotidien (la régularité de l'usage du tabac), ça fait partie de notre mission et c'est marqué dans notre contrat de gérance. Je suis pour qu'on travaille là-dessus, mais le fait est qu'il n'y a pas moins de fumeurs, ils vont juste acheter ailleurs. Nos dépenses de santé restent constantes parce qu'on ne baisse pas le nombre de fumeurs. Alors qu'on a plein de produits à proposer en alternative du tabac".

Les buralistes de la région observent des baisses de chiffre d'affaire sur les ventes de tabac © C.Pierre/France Télévisions

Pourtant, ce client, avec un prix du paquet à 12€50, pourrait bientôt être convaincu d'arrêter définitivement de fumer. "À ce prix-là, avec tout qui augmente à côté, il va falloir réfléchir à arrêter". Selon Santé publique France, l'augmentation du prix du tabac fait ses preuves puisqu'en 2016, 30% des 18-75 ans fumaient quotidiennement. En 2023, ce n'était plus que 15%.

Mais le tabac continue d'entraîner la mort de 70 000 personnes, chaque année. Le prix prohibitif a aussi de bons résultats à l'étranger, comme la Nouvelle-Zélande où le prix du paquet frôle les 25€ et le taux de fumeurs est en baisse. Résultat, il y a 6,8% de fumeurs en Nouvelle-Zélande, tellement fumer y est devenu un luxe.

La guerre des chiffres

"Nous dépendons des douanes. On a un contrat de gérance avec l'État, on travaille beaucoup avec eux, mais ils n'ont pas assez de moyens. On sait par exemple qu'il se passe beaucoup de choses à la gare, mais ils n'ont pas les moyens d'aller faire leur travail. On a un seul agent dans l'Indre qui n'est pas que sur le tabac, et au niveau régional, ils sont très peu", témoigne le Président de la Fédération des Buralistes de l'Indre.

Les buralistes demandent donc à l'État un plan d'urgence et des moyens renforcés pour lutter contre les réseaux parallèles. "Ils ont besoin d'argent, alors qu'ils remettent une vraie fiscalité sur le tabac !", lance Nicolas Pinot.

Pourtant, selon une note publiée par l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) en partenariat avec Santé publique France, le réseau des buralistes en France métropolitaine reste le principal canal d'approvisionnement des fumeurs, avec une part stable autour de 80% entre 2014 et 2021. Les achats transfrontaliers, bien que variables selon les régions, représentent entre 10% et 20% des approvisionnements.

Enfin, la part des achats de tabac dans la rue est restée inférieure à 1% sur l'ensemble de la période 2014-2022. On est donc loin des 40 % avancés par la Fédération des buralistes de l'Indre. Ces chiffres sont également soutenus par les résultats du Baromètre de Santé publique France, qui indiquent qu'en 2018, 77,8% des fumeurs de cigarettes ont déclaré avoir acheté leur tabac dans un bureau de tabac en France lors de leur dernier achat, tandis que 16,4% l'ont acquis dans un pays limitrophe.

Et une nouvelle hausse sur le prix de plusieurs marques de tabac est en vigueur depuis le 1ᵉʳ février 2025.

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