Multiplication des contrôles, premières condamnations, les services de l’État ont dressé ce 10 janvier un premier bilan des opérations menées en Sologne deux ans après l’adoption de la loi contre l'engrillagement. L'État dénombre treize procédures judiciaires en deux ans.
Les tout derniers contrôles se sont déroulés les 9 et 10 janvier 2025 en Sologne, dans les départements du Cher, du Loir-et-Cher et du Loiret. Objectif : s’assurer de l'application de la loi contre l'engrillagement adoptée en février 2023. Elle impose aux propriétaires une hauteur maximale de 1,20 mètre pour les clôtures qui encerclent leur domaine et qu’elles soient posées à 30 centimètres au-dessus du sol pour laisser passer la faune.
En près de deux ans, 90 signalements ont été adressés aux services de l’Etat, réunis pour un point sur la situation à Dry, dans le Loiret, ce vendredi 10 janvier. Les vérifications de terrain réalisées par les agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) ont abouti à l’ouverture de treize procédures judiciaires. Trois propriétaires ont été condamnés à une remise en état assortie d’une condamnation, cinq ont été classées sans suite sous condition de remise en conformité de la clôture.
Établir un rapport de force avec les propriétaires solognots
Les agents de l'OFB sont intervenus en priorité sur des parcs dont les clôtures - non conformes - ont été montées après l’adoption de la loi 2023. Préfectures et procureurs de chaque département solognot se dotent petit à petit des outils nécessaires à faire respecter la loi. De quoi "instaurer un rapport de force" dès maintenant avec les propriétaires solognots, comme l'appelle de ses vœux le président socialiste de la région Centre-Val de Loire, François Bonneau. "Si nous n'étions pas présents, la loi serait liquidée par le biais des procédures, estime-t-il. C'est une manière de dire : l'État fait son boulot, la justice fait son boulot, l'OFB fait son boulot."
Le député MoDem Richard Ramos, qui fut rapporteur de la loi de 2023, est du même avis, et voit arriver les procédures de propriétaires désireux de bénéficier d'une dérogation, pour éviter de changer leur clôture.
On sait que des gens vont essayer de se mettre dans des exclusions. Mais ceux qui ne veulent pas se plier à la loi iront devant les tribunaux. Et devant les tribunaux, on sera vigilants pour les faire condamner.
Richard Ramos, député MoDem du Loiret, ancien rapporteur de la loi contre l'engrillagement
Reste que, si 13 procédures judiciaires ont bien été engagées, 77 signalements de clôtures non conformes ont échappé à des poursuites. Dans tous les cas, "ils rentraient dans des dérogations", explique Jean-Noël Rieffel, directeur régional de l'OFB en Centre-Val de Loire. Preuve que la bataille pour permettre aux animaux de circuler librement en Sologne est encore longue.
Et les clôtures nouvelles ne sont pas les seules concernées, loin de là. La nouvelle réglementation prévoit en effet une mise aux normes des grillages posés moins de 30 ans avant la promulgation de la loi. L’ensemble des domaines est censé s’inscrire dans la légalité en 2027.
D’ici là, sur le terrain, l’OFB souhaite faire preuve de pédagogie. L’Office a produit une plaquette de présentation des enjeux de la loi à l'attention des propriétaires. "Il ne suffit pas d'une loi pour qu'elle soit appliquée, il faut qu'elle soit comprise", avance le directeur général de l'OFB Olivier Thibault.
La biodiversité en jeu
Avec 4 000 km de clôtures, la Sologne est quadrillée par d’immenses parcs où les grands animaux comme la petite faune sont empêchés d’aller d’un territoire à l’autre quand ils ne se retrouvent pas pris au piège dans les mailles d’un grillage. "L'engrillagement, c'est accélérer l'effondrement de la biodiversité. La Terre continuera de vivre sans nous, mais nous ne pouvons pas vivre sans la biodiversité", a plaidé la préfète de région, Sophie Brocas, en introduction de la réunion.
"Le sens de cette loi est de favoriser le brassage génétique des populations animales mais aussi d’éviter une bombe sanitaire en cas de zoonose", confirme le directeur de l’OFB du Centre-Val de Loire, Jean-Noël Rieffel.
Autre avantage non négligeable de cette nouvelle réglementation, elle donne un accès supplémentaire aux services de secours en cas d’incendie. "Et on sait que le massif de Sologne, avec le réchauffement climatique, présentera un risque d'incendie similaire au midi", a ajouté Sophie Brocas.