En cette année marquant le 50ᵉ anniversaire de la Loi Veil, qui a légalisé l’avortement en France, un nom résonne : celui de la Loirétaine Marie-Claire Chevalier. Figure incontournable de la lutte pour le droit des femmes à disposer de leur corps, elle est l’une des premières à avoir incarné cette résistance face à une législation contraignante.
On lui doit l’accès à l’IVG. Marie-Claire Chevalier a avorté clandestinement en 1971. Ce nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant, c’est grâce à elle, en partie, que la liberté d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse est inscrite dans la Constitution depuis le 17 janvier 1975.
Quand l’IVG était encore illégale
Née le 12 juillet 1955 à Meung-sur-Loire, dans le Loiret, Marie-Claire Chevalier est surtout connue pour son rôle central dans le procès de Bobigny en 1972.
À 16 ans, après avoir été victime d’un viol en août 1971, elle se retrouve enceinte et cherche à avorter. À une époque où l’IVG est encore illégale, la jeune femme se tourne vers sa mère, Michèle Chevalier, pour trouver une solution.
Ensemble, elles font appel à une faiseuse d’anges. Mais l’intervention échoue.
Marie-Claire souffre alors d’une hémorragie grave qui nécessitera son hospitalisation.
Inculpée pour avoir avorté après un viol
La situation devient plus dramatique lorsqu’elle est dénoncée par son agresseur. L’homme, élève du même lycée, profite de cette dénonciation pour se libérer d’accusations dans une autre affaire de vol de voiture. Marie-Claire et sa mère sont alors plongées dans un tourbillon judiciaire.
En 1972, Marie-Claire est inculpée pour avoir avorté après un viol, une pratique alors punie par la loi.
Difficile à croire qu’il y a seulement 50 ans, des femmes étaient passibles d’emprisonnement, car elles avortaient après un viol.
Mais l’histoire prend une tournure déterminante avec l’intervention de Gisèle Halimi, l’avocate militante qui défend la jeune fille et transforme le procès de Bobigny en un véritable acte politique.
Le procès de Bobigny : une tribune politique
Au tribunal, l’affrontement est brutal.
Marie-Claire, ainsi que sa mère et l’avorteuse, sont jugées, et la relaxe de la jeune victime constitue un tournant dans la bataille pour le droit à l’avortement.
Bien que sa mère et l’avorteuse soient condamnées à des peines avec sursis, cette décision ouvre la voie à la dépénalisation de l’IVG en 1975 avec la fameuse Loi Veil.
Ce verdict marque l’un des moments les plus décisifs de l’accès à l’IVG pour les femmes en France.
Un héritage durable mais fragile
Le courage de Marie-Claire Chevalier reste gravé dans les mémoires.
Elle a osé défier une loi injuste, montrant que c’était possible de résister.
Marie-Anne Clément, militante dans le collectif Droit des femmes 41
Toutefois, la militante rappelle que l’IVG est le seul acte médical soumis à une clause de conscience, reflétant, selon elle, les résistances persistantes dans une société patriarcale.
Une vie discrète
Après ce procès médiatisé, Marie-Claire Chevalier choisit de se retirer de la scène publique, mais elle continue de nourrir son engagement.
Dans les années 1980, elle donne naissance à une fille, Jennifer, et dans les années 1990, elle s’installe à Orléans où elle se forme comme aide-soignante et travaille auprès des personnes âgées jusqu’à sa retraite.
De temps à autre, elle monte à Paris pour rendre visite à Gisèle Halimi dans les locaux de l’association Choisir, fondée par l'avocate.
En 2019, son histoire trouve un nouvel écho à travers la pièce de théâtre Hors-la-loi, mise en scène par Pauline Bureau, qui retrace son combat et celui des femmes de son époque.
Marie-Claire Chevalier s’éteint le 23 janvier 2022, à 66 ans, des suites d’une maladie.
Elle laisse derrière elle une trace indélébile dans l’histoire de l’émancipation des femmes en France, une figure pionnière pour le droit à l’avortement et pour l’égalité des droits.
Son parcours, à la fois personnel et politique, reste un symbole fort de la nécessité de continuer à défendre les droits des femmes, aujourd’hui encore.